La profession s’étonne d’avoir de plus en plus de mal à trouver des collaborateurs. Les notaires ruraux connaissent ce problème depuis un moment et les notaires urbains commencent à y être confrontés. Dans les revues professionnelles, le nombre d’offres d’emploi par rapport aux demandes en dit long sur un phénomène qui ne devrait que s’amplifier…
Pourquoi trouve-t-on de moins en moins de collaborateurs sur le marché ? La première raison, d’ordre démographique, est liée au » papy boom » et aux départs massifs à la retraite. Selon la CRPCEN, dans les cinq prochaines années, ce sont 6.888 collaborateurs, soit près de 15% des collaborateurs, qui quitteront la profession et 90% des femmes dans les 10 ans à venir ! Un phénomène inscrit dans les » tables » depuis le baby-boom et donc bien connu de tous depuis plus de 50 ans, mais qui ne semble guère interpeller la profession, celle-ci n’ayant rien fait pour anticiper le problème. Bilan : les écoles de notariat ne cessent de se vider et les DESS notariaux et CFPN limitent le nombre des étudiants. Les formations sont trop nombreuses, manquent de cohérence et ne répondent plus vraiment aux besoins de la profession. Les structures des offices ont évolué, la formation, non. Certes, il a bien été créé un Institut Universitaire Professionnel à Poitiers, destiné à former des collaborateurs de haut niveau, mais cette formation a subi de nombreuses attaques injustifiées. Il est dommage que l’expérience de cet IUP ne soit pas renouvelée dans d’autres universités car la profession a beaucoup à gagner de cette combinaison notaires/universitaires, le tout au tarif démocratique de la Faculté de droit (1)… La seconde raison vient du fait que de plus en plus de jeunes, formés par le notariat, partent vers les banques, les assurances ou les cabinets de conseils. Ainsi le notariat se paye-t-il le luxe de former ses futurs concurrents…
Les déçus du notariat
Mais pourquoi les jeunes désertent-ils en si grand nombre la profession ? Ils sont souvent déçus par la profession. Â Certains n’ont pas trouvé de stage, ou encore ont passé deux ans livrés à eux-mêmes sans véritable maître de stage… Évidemment, j’en entends déjà nous expliquer que le stagiaire est un » boulet « , qui n’est pas rentable, sur lequel il faut veiller en permanence (malgré un emploi du temps qui ne le permet pas) et qui donc devrait s’estimer content de trouver un stage et de gagner pendant 2 ans ses 1.000 € du tarif syndical ! Souvent considéré comme un » clerc bon marché « , permettant de » cracher » rapidement la plupart des dossiers courants, le stagiaire doit, dans l’esprit de beaucoup, être immédiatement rentable. Beaucoup oublient que la qualité et la compétence de leurs futurs collaborateurs et confrères dépendent non seulement de leur formation de base reçue à l’école ou à l’université, mais aussi de celle transmise dans les offices par le maître de stage. C’est le retour sur investissement ! Les notaires devraient s’estimer heureux d’avoir la chance de recevoir des jeunes qui souhaitent travailler dans leurs offices, qui ont de l’ambition et qui veulent s’investir dans la profession, car il ne faut pas oublier que ces jeunes sont le notariat de demain et que ce sont ceux qui achèteront leurs parts lorsqu’ils partiront à leur tour en retraite ! Â Pour d’autres jeunes, les rémunérations et les perspectives d’évolution de carrière ne sont pas en rapport avec la durée des études, l’investissement personnel et le niveau de responsabilités. Pourquoi s’étonner du manque d’intérêt que suscite notre profession alors que les banques, les assurances et les cabinets de conseils offrent des salaires deux à trois fois plus élevés ? Et que ceux qui se plaignent de former des jeunes qui vont ensuite travailler chez un confrère (sous-entendu un concurrent…) s’interrogent sur les motifs de son départ. Ce stagiaire avait-il un maître de stage qui le formait réellement ? Ce collaborateur avait-il un bureau et un outil informatique dignes de ce nom ? Son salaire était-il valorisant ? Lui a-t-on proposé un plan d’évolution dans l’office ?
Il faut arrêter la fuite de matière grise. Cela passe notamment par l’adaptation des structures de formation, la responsabilisation des notaires qui doivent assumer leur rôle de maître de stage, la mise au point de rémunérations valorisantes et le développement de vrais profils de carrière. Vaste programme, me direz-vous, mais, c’est à ce prix seulement que le notariat pourra assurer sa relève.
Guillaume Cauet Notaire stagiaire
1. Un projet de réforme est en cours, cf Droit & Patrimoine, n° 128, juillet-août, actualité, p. 18.