Lorsque, épuisé par la préparation, la rédaction, la réception, la formalisation, la facturation (car vos collaborateurs seront partis grossir les rangs de Pôle Emploi), vous réaliserez soudain que la faim vous tenaille et que le frigo vous présentera une alternance désespérante entre le vide et le néant, un seul subterfuge pourra vous tirer d’affaire (car personne ne viendra en aide à un notaire !) : la soupe aux pierres…
- Saisissez une marmite
- Cassez quelques meubles pour avoir du bois (après tout ils ne servent à rien depuis que vous êtes seuls, et si vous survivez 2 ans, vous pourrez en racheter lorsqu’ils réaliseront leur erreur)
- Procurez-vous quelques pierres « originales » : le bouddha de Jaspe ramené de Chine, le coupe papier en Obsidienne venant du Mexique, les Améthystes qu’on vous a vendues en prétendant qu’elles éloignaient les mauvaises ondes… Tout ce que vous trouverez !
- Installez-vous sur une place
- Remplissez la marmite d’eau et mettez-y les pierres
- Allumez un feu.
Les premiers curieux ne tarderont pas…
– Mais Maître, que faites-vous donc là ?
– Je prépare une soupe aux cailloux ! Vous voyez ces pierres ? Elles viennent du monde entier, et pourtant, étonnamment, lorsqu’on les met ensemble à chauffer dans une marmite d’eau, elles composent leurs oligo-éléments et, par une réaction mystérieuse, ces particules transforment l’eau en une soupe aussi vivifiante et bénéfique que savoureuse !
Les gens, globalement, vous font confiance. Seuls les jaloux et les hauts fonctionnaires (pléonasme) souhaitent notre disparition ! Certes, c’est un peu abuser de leur confiance… mais à ce stade, personne ne pourra vous en vouloir.
Ils s’étonneront sans doute : « Uniquement avec des pierres ? »
Et là, sans vous départir de votre air sérieux (je ne doute pas que vous sachiez faire) répondez simplement : « Oh bien sûr, on peut ajouter d’autres ingrédients, mais ce n’est pas là l’essentiel… Quelques carottes, ou des pommes de terre, des poireaux, des oignons pourraient en changer le goût, mais le principe actif provient uniquement de la composition des cailloux ».
Et quand on parle cuisine, le Français ouvre l’oreille, et commence à saliver d’envie ! Il y a donc fort à parier que certains vous demanderont s’ils peuvent goûter (ai-je précisé qu’il vous faut « une grande » marmite ?). Dites-leur que oui, s’ils vous fournissent quelques ingrédients pour agrémenter la soupe…
La curiosité, l’effet d’attroupement, devraient faire le reste et vous aurez bientôt une soupe digne d’un Roi et suffisante pour une foule !
Si vous savez vous montrer aimable (et je n’en doute pas !), il y a fort à parier que certains vous apporteront même d’autres mets, des vins et j’en passe…
Sortez les chaises de l’Étude, quelques tables, et profitez du festin sans peur du lendemain au milieu de vos nouveaux amis. Vous aurez ainsi le ventre plein (et peut-être quelques récipients). Mais aussi et surtout, la preuve que l’on peut soulever l’enthousiasme des foules, avec une simple poignée de cailloux !
Du reste, comme nous n’en sommes pas encore à manger des cailloux… Ne croyez-vous pas qu’il serait temps, enfin, d’intéresser réellement les foules à ce changement de société que certains veulent imposer au pas de charge sous prétexte de « modernisme » ? Et puisqu’on parle cuisine, permettez-moi de vous demander de réfléchir, comme le faisait l’écrivain polonais Stanislaw Jerzy-Lec, à cette question essentielle : « Quand un cannibale mange avec une fourchette et un couteau, est-ce un progrès ? ». Faute de plat, si nous passions dès maintenant à la résistance…