L’année qui vient de s’écouler me rappelle une vieille histoire : celle des oursons et du renard. Distribution des rôles…
Dans le rôle de Maman ours : le garde des Sceaux, préoccupé par des considérations techniques au service des citoyens, et qui compte sur l’unité (véritable et non feinte) entre les oursons pour être « plus tranquille« .
Dans le rôle de l’ainé des oursons : le notaire installé, géo-favorisé et qui a trouvé, par hasard, un gros fromage. Il considère que la plus grosse part lui revient car il est le plus vieux. Il siège au Conseil des Sages Nounours, ou l’influence à distance.
Dans le rôle du plus jeune ourson : le diplômé notaire qui voudrait bien sa part du fromage… et qui grogne que le plus gros morceau sera pour lui (et na !)
La situation est tendue :
- Le plus vieux des oursons se comporte en ours supérieur, et affirme son bon droit ;
- Le plus jeune ourson vocifère. Il publie des articles (que dis-je des pamphlets !), décrivant son frère comme un « prédateur nuisible » dont l’inconséquence est la cause de l’extinction progressive des saumons dans la rivière d’à côté et de la raréfaction du miel ! Il exige un traitement égalitaire : « même truffe, même poil, mêmes rations » … Vous voyez le genre ! Il vient d’adhérer à « Les jeunes avec Renard« . Et régulièrement, il inonde Twittours et Truffebook de messages.
Les deux frères n’arrivant pas à s’entendre, ils s’en remettent à un renard (dont je vous laisse choisir le nom). Ce dernier se pose en médiateur. Eh oui, même chez les animaux, c’est la mode…
Le plus vieux des oursons, après avoir fait mine de se draper dans sa dignité, et avoir lancé les « Ours à Cran » en contre-offensive par grommellement sur les réseaux nounours, a curieusement fini par se faire à l’idée d’un arbitrage bien GOUPILLÉ. Il a remisé son armement, non sans affirmer qu’il le gardait au chaud pour un second temps éventuel : « Nous avons été exemplaires« , « Nous avons fourni dans les temps les renseignements dont avait besoin le Renard« , « Nous sommes mobilisés pour permettre au Renard de sortir ses méthodes de partage dans de bonnes conditions« , disait-il, espérant s’attirer la sympathie de l’arbitre.
Et puis le temps passe. Et le renard partage… Mordant dans le plus gros morceau (plafonnement, remise, réduction… Ils disent « rabotage » à la DGCCRF !), sans pour autant revaloriser le petit, il provoque une réaction violente du plus vieil ours. Il le rassure bien vite en réduisant le plus petit morceau devenu trop gros (10 % maximum du prix exprimé). Et ainsi de suite, de réforme en réforme et de réduction en coupe… jusqu’à parfait équilibre résiduel.
Les deux ours sont abasourdis. Ils réalisent que le Renard, pour être médiateur autoproclamé, n’en est pas moins amateur de fromage. Il a su les berner et subtiliser à chacun d’eux au profit des autres renards, ce dont, en tant que frères et sans grand effort, ils auraient pu en grande partie bénéficier ensemble, en parfaite harmonie.
La fin du conte original, de Natha Caputo (Contes des quatre vents) est la suivante : « Les oursons n’étaient pas contents, mais pas contents du tout. Et c’était tant pis pour eux, non ? »
La fin de notre conte à nous n’est pas encore écrite ! Le renard n’a pas tranché, le fromage est là (intact pour l’instant)… Si les oursons en présence voulaient bien se décider à ne plus se chamailler, à chercher ensemble les solutions, en y associant les ours besogneux qui vivent de peu mais n’ont pas de temps à consacrer à de vaines querelles, peut-être reste-t-il (resterait-il) un espoir ?! On murmure, ainsi, qu’un groupe constitué parmi ces ours ordinaires a opté, voici quelques mois, pour la clandestinité. Il a choisi de développer des moyens purement techniques pour assurer un partage équitable, respectant l’âge, les besoins et les compétences respectives de chaque ours comme l’équilibre global de la nature dans un esprit d’ursitude durable et altérocentrée… On dit aussi qu’ils ont une attitude ouverte et n’ont pas hésité à présenter à Maman ours une solution qui permettrait le développement harmonieux de la famille… D’autres rumeurs persistantes disent qu’ils auraient même rencontré les proches du Renard à plusieurs reprises et que leurs idées les auraient intéressés ! Mais, comme ils n’étaient pas représentatifs, le Renard leur aurait suggéré de proposer à l’aîné des oursons de prendre cette solution à son compte.
Si vous n’êtes pas des « petits oursons trop gourmands », peut-être devriez-vous pousser le conseil suprême des nounours à ne pas négliger les solutions proposées par ces ours atypiques ?
Didier Mathy