Le rêve de tout cinéaste, c’est de réaliser une suite qui ait autant de succès que l’œuvre d’origine. De James Bond à Harry Potter, de Truffaut à Kieslowski, les exemples ne manquent pas pour attester que ça peut marcher. Mais les échecs existent aussi… Or, si « Napoléon et les 10 000 notaires » a eu du succès, l’affiche ne fait plus recette ! Si l’on veut maintenir l’audience, voire la développer, il va falloir trouver une suite, écrire désormais le scénario du nouveau notariat… « le notariat sauvé de Tafta » ?
Les projets pour écrire une suite au notariat ne manquent pas. Lors de l’assemblée générale du 28 avril à Marseille, le bureau du CSN a annoncé qu’un séminaire pour un nouveau scénario sur « L’avenir de la profession » avait été mis sur les rails quelques semaines auparavant. Au départ, une trentaine de notaires ont été sélectionnés (sans qu’on sache comment) pour « dresser la liste des pistes de travail et des bonnes questions que les présidents de conseil régional devront explorer/se poser pendant les deux mois qui leur sont accordés ». Quand les présidents auront épuisé leur temps, le travail accompli sur les pistes sélectionnées (finalement un questionnaire) sera remonté, synthétisé et soumis aux délégués du CSN, puis il sera basculé à la multitude notariale, avant l’oracle prononcé par le bureau. Sur les réseaux sociaux, ça bouge aussi. Les notaires furibards ont lancé l’idée d’états généraux pour septembre. A priori à Dijon. Les modalités de travail ne sont pas connues, sauf à laisser régner en la matière la convivialité, gage d’inventivité autant que repoussoir anti-tabou. Que cela vienne du CSN ou des Furibards, on ne peut que saluer ces initiatives dont il ne peut sortir que du bon (ou du mieux) pour la profession. Mais pour crever l’écran, tout dépend des moyens mis en œuvre ! Visionnons quelques rushes, histoire de nous prémunir d’un scénario catastrophe.
Côté production…
Dans le notariat, tout commence au niveau des permanents du CSN qui sont chargés de faire un film. Ils sont là pour ça et, individuellement, on a affaire à un casting de personnes à la fois charmantes et compétentes. Mot d’ordre : faire émerger de bonnes idées ! Et même s’il n’existe pas de « fabrique à idées », rien n’arrête des permanents : on cherche des pistes, on les explore et on fait la synthèse de ce qu’on aura trouvé au bout. Les pistes sont imaginées par les permanents de manière suffisamment large pour que tout ou presque puisse en sortir. Puis, les procédures s’en emparent. Elles consistent immanquablement à faire des groupes de travail réunis autour d’un leader (qui a la confiance du bureau) et d’un permanent rompu à l’exercice. Le rôle du permanent consiste aussi à rappeler au groupe que s’il veut avoir une chance que ses idées soient retenues par la production, il faudra éviter de s’écarter de ce qui est acceptable… à ses yeux. Une fois le travail de groupe accompli, les divers permanents en font la synthèse. Nouveaux coups de rabot. Le même phénomène se reproduit. Pour éviter de se faire mal voir lors de la projection devant le staff de la production, on est obligé d’éliminer les scories. Niveau staff, on passe d’abord devant le membre du bureau en charge du dossier qui va, là encore, reformuler certaines choses afin que la présentation pour validation devant le comité se fasse dans la douceur. Peu de chance donc qu’il sorte quelque chose de nouveau ! Mais pourtant, me direz-vous, Hollywood a produit de grandes choses ! C’est vrai…, mais en déroulant ce processus sur des œuvres préexistantes qui avaient déjà fait leurs preuves. Bref, l’idée préexiste.
Du côté des auteurs
Tout autre est le cinéma-vérité. Il s’est d’ailleurs bâti sur la négation des modes de production des gros succès d’Hollywood. Et il a donné naissance à un autre cinéma, créatif, mais trop souvent confiné dans des salles de passionnés, les salles d’Art & Essais, à l’écart des grandes foules qu’il ferait pourtant rêver. Mais de notoires exceptions existent. Des films d’auteurs se sont retrouvés en haut de l’affiche. Appliquer au notariat, le cinéma-vérité, c’est le bouillonnement d’idées qui germent dans l’esprit des 10 000 notaires de France lorsqu’ils ressentent l’inadaptation du droit, de la déontologie, des règles de fonctionnement ou des méthodes de travail à la réalité des gens ou à l’évolution des mœurs. Et, ce ne sont pas les idées qui manquent ! Ici, ce sont les moyens qui font défaut. Les moyens de production : le temps, les gens, l’argent, tout ce qui serait nécessaire pour expérimenter, formaliser et divulguer l’idée nouvelle.
Si l’on veut un notariat nouveau, il ne faudra pas laisser le rouleau compresseur hollywoodien se déployer seul. Il ne faudra pas non plus laisser les initiatives spontanées dans l’ignorance ou l’oubli des moyens de production. Si le notariat veut dessiner son avenir, c’est d’abord et tout de suite, en réalisant la rencontre des créateurs avec la production. Quand la production se prend pour un scénariste ou que le scénariste croit pouvoir se passer de production, on arrive immanquablement au même résultat : un navet pour tous.