Il est interdit au notariat de se livrer au jeu. Et pourtant, la profession semble obnubilée par les cartes. Lors du printemps notarial, nous avons joué aux cartes. Et le 20 septembre, le Gouvernement en a tiré une nouvelle de sa manche. Cette carte est celle d’un nouveau jeu de hasard qui s’apparente à un tapis de casino…

Il y a eu, il y a très longtemps, ce titre étrange « Carré d’As », publié dans VENTOSE(1) pour célébrer l’arrivée au « pouvoir » de Me Roth au CSN, de Me Cannesson au SNN, de Me Baudère au MJN et de Me Durand à l’A.L. « Quatre as…trophiques » avais-je alors pensé. Et j’avoue que, même sorti de la disgrâce d’alors, je n’en pense pas moins rétrospectivement aujourd’hui. Il me semble, en effet, que cet avènement ait marqué le début de la ligne « unitariste » qui nous a véritablement conduits à la catastrophe. De là à dire qu’il aurait mieux valu titrer « les 4 cavaliers de l’apocalypse », il n’y a qu’un pas que je franchirai allègrement, avec la délicatesse de l’éléphant dans un magasin de porcelaine. L’aboutissement de cette « ligne » fut, à mon grand étonnement, un jeu de cartes. Celui du P.N.A. En patois bressan et appliqué à un œuf, « Pna » signifie « pourri ». Aussi, je ne peux m’empêcher de penser que le renouveau est tué dans l’œuf et qu’il y a décidément quelque chose de « pourri »  au sommet de la Tour, royaume des aveugles et de la « circulaire quinze-vingt »(2)! Donc, pour s’adapter aux nouvelles circonstances, l’instance suprême d’un notariat désorienté ne trouve qu’une réponse : jouer aux cartes ?! Et puis, la partie continuant, voici que le gouvernement, lui aussi, sort une carte… Pas une carte à jouer me direz-vous ? Regardez mieux !

La carte du Gouvernement

C’est un peu comme au casino. Dans ce jeu de hasard, vous devez placer vos pièces et attendre que le tirage au sort vous dise si vous remportez toutes les mises. Une roulette géante couvre tout le territoire national mais on devine déjà, confusément, que nombre de cases seront ignorées par les joueurs. Et pourtant ! Dans le notariat d’avant, il fallait se préparer à subir toute sa vie le choix que l’on effectuait. Dans le nouveau notariat, la donne est doublement différente !

  • D’une part, la tragédie d’avant se jouait dans une unité de lieu, qui vous donnait le choix de vous placer à cour ou à jardin, mais jamais réellement de sortir de scène. Aujourd’hui, par les miracles de l’électronique, ce qui n’était souvent qu’une lubie cuitée (non mais il a bu, lui, pour s’asseoir ainsi ostensiblement sur les règles de réception des actes authentiques !) devient tout simplement l’ubiquité (ici et ailleurs tant qu’il y a du réseau).
  • D’autre part, il devient possible, à condition d’être situé dans une zone « verte », de déplacer son étude vers de plus verts pâturages. C’est en tout cas ce que semblent croire certains « confrères » dont la SCP affiche sans vergogne un permis de construire sur la façade d’un immeuble situé à plusieurs dizaines de kilomètres du siège actuel de leur Office)…

Le jeu du stratège et du hasard

Sur ce tapis-là, un fin stratège est, pour ainsi dire, sûr de gagner à tous les coups. Mais un fin stratège présente-t-il réellement les qualités nécessaires à l’exercice de la fonction ? S’il ne pense qu’à servir ses propres intérêts, saura-t-il faire passer prioritairement ceux de ses clients ? Pour les autres, les timides, les respectueux, ceux que la carte met hors jeu, ce tapis, pour être de roulette, semble d’une nationalité incompatible avec l’exercice de la fonction. Cette roulette-là pourrait bien, en effet, être d’extraction soviétique. Il ne leur restera donc qu’à choisir à l’heure du clic : « horodater » ou « mourir écrêté », mais dans les deux cas, ce pourrait être le mauvais choix. Quoi d’étonnant au fond ?! Déjà, en 2000, lors de l’ouverture du Congrès du SNN, j’affirmais :

« Le notaire est à l’égard de l’administration comme le voisin d’une maison mitoyenne. Notre voisin (incité en cela par tous les partis politiques, extrêmes exceptés) voudrait bien acheter la maison, mais il n’en a pas les moyens, c’est en tout cas ce qui nous a le plus probablement évité la « nationalisation » en 1982. Cependant, il n’entend pas renoncer à ce projet, et il met tout en œuvre pour nous inciter à déguerpir et à lui céder les clefs au prix le plus bas. A l’extrême : si la population française nous tournait définitivement le dos, et si nous finissions tous soit destitués, soit ruinés, soit ignorés, il n’aurait même plus besoin de racheter, et il serait débarrassé de ce voisinage encombrant ! »

Le casino est ouvert, et on nous y accueille avec un grand sourire carnassier. Mais n’oublions jamais qui s’enrichit aux dépens des joueurs compulsifs… La carte qui a toujours eu ma préférence, ce qui justifie l’irrévérence que je cultive à l’égard des puissants quels qu’ils soient, est, et restera, le Joker. Et c’est bien cette seule et dernière carte que nous devrions jouer, maintenant ! Auriez-vous donc peur de passer pour des bouffons ? Ou bien prendriez-vous, en accordant foi aux ragots institutionnels, la panthère noire (mascotte de l’association Res-Iste voir ici) pour… Le mistigri ?

Didier Mathy

(1) Plus raisonnablement Notariat 2000 avait titré « Les mousquetaires » pour son numéro 445 janvier/février 2003

(2) La circulaire 1520 de sinistre mémoire, démontrait un tel aveuglement qu’elle ne pouvait qu’inciter au parallèle avec l’Hôpital des Quinze-Vingts, spécialisé en ophtalmologie…