Au printemps 2016, le notaire de plaine pleure misère et crie sa colère. Celui des villes tutoie l’algorithme, plaide pour Uber, car il sait que, s’il le devient, on ne le tuera point ! Mais Uber se gausse des notaires Urbi et Orbi.
Uber est déjà notaire, un notaire en devenir, un autre qui se confond pour ne pas disparaître puisqu’il faut désormais admettre, une fois de plus, que tout doit changer pour que rien ne change.
Tordant ses propres statistiques, étudiant ses répertoires passés comme s’il cherchait à se rassurer sur l’avenir qu’on lui promet, le fébrile tabellion à la piètre assiette se prend la tête entre les mains : il ne veut plus entendre – ne le peut plus – la rengaine d’un plan d’action qu’il devine vain et félon. Il lui faut du temps, celui de la réflexion. Celle-là même qu’il apporte à ses dossiers complexes tant pour les régler que pour en apaiser les rancœurs retenues où elles trouvent leur aboutissement. Car le temps emporte le plus souvent les suffrages, avec son corollaire la lenteur. Oh, non, pas cette lenteur décriée, paresseuse, suspecte, méprisée, passée ou bien encore désuète, comme les poncifs qu’on avance pour la condamner. Il s’agit d’une cadence noble, sereine mais néanmoins vaillante, qui accompagne pour mieux soutenir et certifier, mais qui sait cependant s’allier à son opposée, la vitesse, lorsque, la certitude acquise, il lui faut en accélérer la mise en œuvre.
Algorithme mon ami ! Suis-moi sur les chemins escarpés de la réussite compétitive ; dessinons ensemble l’avenir ! L’avenir du scribe provincial notamment…
- il ne sera plus en province puisqu’on l’aura poussé à déserter et à migrer vers la nouvelle Urb ;
- Il s’y diversifiera en passant du cheptel vif au cheptel mort ;
- Il s’y mutualisera, numérisera, bref s’ubérisera…
Et alors, plus rien ne pourra lui arriver puisqu’il n’existera plus. La suprême technologie deviendra alors la nouvelle authenticité. Un homme est faillible, peut se tromper ou être trompé, voire tromper ; un algorithme est indestructible : deus es machina ! La vérité est dans les chiffres, sachez-le ! Et l’homme prend ainsi sa revanche sur la nature en sacralisant la machine qui le surpassera pour mieux le détruire (la nature a engendré l’homme qui a créé la machine, laquelle détruira l’homme ainsi paradoxalement vengé !).
- ira de pair avec la vitesse de l’éclair de l’algorithme.
- se conjuguera au même temps algorithmique que les puissants calculs à l’origine de la prise de décision boursière automatisée.
Les chiffres ne laisseront pas transparaître les rancœurs : elles n’existeront plus, comme le notaire orbi ! Alors exit le conseiller qualifié, le confident à l’écoute de son client, le meilleur rédacteur des contrats… Et bienvenue au libéralisme débridé et à la concurrence sauvage…
A moins que…
Au commencement, comme a la fin Arnaud, le VERBE !
Les chiffres ne mentent pas, mais les mots peuvent les faire mentir, et c’est ce que font si bien les élites !
Mais nous, notaires, ne sommes comptables que par nécessité, pas par vocation, nous sommes la parole mais pas celle qui s’envole, et si nous parlons à Hubert (le citoyen de chair et d’os) nous constatons rapidement qu’UBER n’intéresse au fond qu’UBER…
Se transcender par les nouvelles technologies, c’est devenir « Supernotaire »
S’ubériser parce que c’est la mode, c’est ouvrir la voie au « Cybernotaire », qui n’est que la préfiguration du « Terminotaire ».
Sachons avoir le dernier MOT.
Soyons nous-mêmes en mieux : Le coeur sur la main, la tête dans le cyberespace mais toujours et avant tout LES PIEDS SUR TERRE !