En tant que notaire, et en tant que citoyen, je suis choqué par nos paradoxes. Cela m’amène à réfléchir à la place de la copie exécutoire dans notre société…
Les médias ont récemment fait leurs choux gras à propos de deux affaires. Dans la première, il s’agissait d’une retraitée expulsée d’une maison de retraite au prétexte qu’elle avait un retard de paiement important. Dans le second cas, c’était une fillette privée de cantine pour cause d’impayé. Les médias, dans leur ensemble, ont fait appel exclusivement au sentiment compassionnel de leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs, en omettant, souvent, de relater tous les faits. Or, dans ces affaires, dont j’ignore les détails, j’ai cru comprendre :
– Que la dame âgée avait deux fils exerçant une profession libérale, que la maison de retraite réclamait son dû depuis des mois, sans résultat et que la dame avait terminé son périple, aux frais du contribuable, dans une clinique au lieu d’aller dans une autre maison de retraite…
– Que, pour la fillette, il y avait un retard de paiement réclamé de nombreuses fois aux parents qui apparemment étaient tout à fait en mesure de les payer.
L’effet pervers de ces campagnes médiatiques est d’inciter les gens à ne pas avoir un comportement citoyen. Chaque fois, est désigné comme bouc émissaire le créancier, celui qui exige le respect de ses droits, et par conséquent le droit, la force publique… En face de ces affaires, presque anodines, que voit-on autour de nous ? La misère parfois, et des familles chassées de leur domicile, manu militari, sans délai (meubles et valises posées sur le trottoir). Le respect de la loi d’un côté, dans son aspect le plus ignoble, et de l’autre, l’incitation au non respect, à la resquille… Que de pauvres gens adoptent ce parti pris contre l’autorité publique, est compréhensible. Mais que les médias s’engouffrent dans cette brèche, voilà qui signe le délitement d’une société !
Que voulais-je dire en conclusion ? Tout simplement que les vertus de la copie exécutoire semblent bien peu audibles dans notre société, toute tournée vers la compassion, la repentance, la liberté, le droit à la différence, l’égalité contre la discrimination… Au vu de ce que nous constatons, n’est-ce pas déjà discriminer que d’exiger l’application de la loi contre un tiers ? Le notariat m’apparaît comme le seul élément stable et susceptible de remettre un peu d’ordre dans la société. Encore faut-il que nous l’assumions et le fassions entendre.