Suite au rapport Darrois, Etienne Blanc (photo), avocat, député de l’Ain, a été chargé de rédiger la proposition de loi sur l’acte d’avocat. Notre rédacteur Laurent-Noël Dominjon l’a interviewé (1)…

 

“Le notaire et l’acte authentique ne sont pas touchés par l’acte d’avocat” Etienne Blanc

 

Laurent-Noël Dominjon : Quels sont les critères objectifs qui vous ont amené à proposer l’acte contresigné d’avocat ? Résultent-ils d’une enquête auprès du grand public, d’une demande de la part des clients ?

Etienne Blanc : Les avocats ont largement participé aux travaux de la Commission Darrois. L’acte d’avocat résulte d’une réflexion sur l’avenir de notre profession. L’un des objectifs est de solidifier la profession d’avocat – la place de l’avocat plaidant a largement diminué -. Aujourd’hui, les procédures sont de plus en plus écrites, le droit de plus en plus précis et la concurrence de plus en plus difficile. Si nous souhaitons que notre profession soit mieux reconnue, nous ne devons pas faire uniquement du conseil. Il nous faut devenir “acteurs” et rédiger des actes ayant une force probante plus importante que l’acte sous seing privé. Sur le plan européen, il nous faut également nous doter d’outils nous permettant d’entrer en concurrence avec les grands cabinets anglo-saxons. La profession doit se donner les moyens de se battre à armes égales. Il s’agit là d’un élément clé de l’évolution de notre métier, mais aussi de notre responsabilité…

 

Laurent-Noël Dominjon : comment envisagez-vous cette responsabilité ? Y aura-t-il une sorte de Caisse de garantie ?

Etienne Blanc : En l’état actuel des réflexions, il n’est pas prévu de créer une Caisse de garantie, mais évidemment il y aura un contrôle beaucoup plus strict sur les assurances responsabilités professionnelles des avocats. La création de l’acte d’avocat impliquera également la mise en place de règles de disciplines plus importantes.

 

Laurent-Noël Dominjon : Dans quel cas de figure sera-t-il plus intéressant pour le consommateur de recourir à l’acte contresigné d’avocat plutôt qu’à l’acte authentique ?

Etienne Blanc : Il me paraît important de rappeler que le notaire et l’acte authentique ne seront pas touchés par cette réforme. Le notaire reste l’homme de l’immobilier et gardera son monopole sur les transactions immobilières. En revanche, le reste pourra relever de l’acte d’avocat. Je le vois très utilisé sur les contrats commerciaux, les licences de marques, les baux, les sociétés (cessions de parts, sarl). Dans le domaine du droit de la famille, les avocats pourront l’utiliser pour authentifier les accords entre les époux sur les questions de pensions alimentaires, droits de visite ou encore prise en charge des enfants qui font des études. Ce qui devrait alléger le travail des tribunaux…

 

Laurent-Noël Dominjon : L’un des avantages de l’acte authentique est justement la force exécutoire, ce qui n’est pas le cas de l’acte contresigné d’avocat. Quel est l’intérêt d’y recourir ?

Etienne Blanc : L’identité des parties, leur capacité à contracter, la justification que leur consentement a été éclairé par un conseil, se trouveront renforcées par le contreseing de l’avocat. En revanche, il n’est pas du tout question que l’acte d’avocat ait force exécutoire. Seul l’acte authentique reste exécutoire. Cela reste le monopole du notaire qui est un officier public et reçoit une délégation de l’Etat.

 

Laurent-Noël Dominjon : Les notaires, voire d’autres professionnels du droit, pourront-ils recevoir un acte contresigné d’avocat ?

Etienne Blanc : Rien n’est prévu pour l’instant. Si je donne suite à cette proposition de loi, je ferai des auditions et, dans ce cadre là, j’entendrai les notaires, mais aussi les experts-comptables et les huissiers. J’attends ces auditions pour en discuter ensuite avec la Chancellerie.

 

Laurent-Noël Dominjon : Quel est votre sentiment sur la grande profession du droit ?

Etienne Blanc : Je ne crois pas en cette confusion des genres. Nous sommes dans un pays de droit latin ; notre tradition est de bien distinguer l’officier public et le professionnel libéral. Les notaires et les avocats sont deux professions très différentes. L’une est très réglementée, très surveillée, très contrôlée, placée sous l’autorité du procureur de la République ; l’autre est une profession libérale, avec une tradition d’indépendance très forte. Je ne vois pas comment on pourrait confier à des avocats le soin de rédiger des actes authentiques. Ils ne sont pas prêts à devenir des officiers ministériels. En revanche, il faut valoriser la profession d’avocat en lui donnant la possibilité de donner une force supplémentaire aux actes qu’elle réalise et qu’elle conseille. L’acte d’avocat est utile à notre profession, mais aussi à la sécurité et à la stabilité juridique des échanges. Il en va de l’intérêt général de notre société…

 

Laurent-Noël Dominjon : Quel message avez-vous envie de faire passer à nos lecteurs ?

Etienne Blanc : En tant que petit-fils de notaire et ami de nombreux notaires, je suis attaché à votre profession, mais je ne comprends pas cette rivalité que certains s’attachent à développer. Je trouve dommage qu’on oppose nos deux professions car l’une et l’autre sont confrontées à la mondialisation et ont besoin d’outils pour se développer dans un monde de plus en plus concurrentiel…

 

1. Cet entretien a été réalisé le 17 septembre 2009.

A l’heure où nous bouclons cette édition, il semblerait, selon une rumeur notariale, que le texte soit en train d’être réécrit…