On compare parfois le notariat à un corps, voire un corps d’armée… Un tronc (la profession), surmonté d’une tête (le CSN), et bien évidemment des membres émergeant du tronc…
Développons cette métaphore anatomique. Il faut bien avouer que l’exercice est facile ! Passons très vite sur les jambes, constituées par la masse des notaires anonymes et discrets, sans qui il serait impossible d’avancer : ils conduisent le corps notarial sur sa route avec abnégation et discrétion, en suivant les ordres de la tête. Les deux jambes pourraient ainsi être incarnées par les anciens et les nouveaux ou encore les urbains et les ruraux, ou même les individuels et les sociaux. En tout cas, elles ne se posent pas de question sur leur existence respective, elles se relaient sans état d’âme, dans le seul souci de perpétuer le mouvement. On ne peut, hélas, en dire autant des bras ! Imaginez que votre bras gauche et votre bras droit ne s’entendent pas, s’ignorent, se méprisent, voire se haïssent au point de gaspiller tout leur temps en vaines confrontations plutôt que de jouer sur leur complémentarité naturelle pour optimiser l’action… Car c’est là que le bât blesse ! Les membres supérieurs du corps notarial ne se définissent pas au travers de leur position relative par rapport au regard du sujet. Le notariat comporte certes deux bras, chacun se décomposant en éléments multiples dont la cohérence n’est pas toujours évidente. Nous n’irons pas aujourd’hui jusqu’à l’autopsie, le sujet étant, du moins l’espérons nous, encore vivant.
Statutaire et volontaire
Fort heureusement, les foires aux monstres n’ont plus le succès d’antan, car le notariat y aurait sans doute une place de choix ! Imaginez : 4 l’un des bras, statutaire, extrêmement puissant, mais enfermé dans une carapace entravant ses mouvements tout autant qu’elle le protège. Plus le temps passe, plus la carapace l’entrave, et plus il sollicite le tronc, épuisant les réserves, au détriment des jambes elles-mêmes dont il consomme l’oxygène 4 l’autre ? Indéfinissable, variable, parfois fort, parfois faible, capable de vivre de peu, mais pouvant également déborder d’énergie constructive si le corps le souhaite et si les ressources n’ont pas été entièrement absorbées par l’autre bras. Drôle de créature en vérité ! Le tableau serait pourtant incomplet si je ne vous précisais que chacun des bras passe plus de temps à se définir par rapport à l’autre qu’à agir dans l’intérêt du corps. Que le bras volontaire (qui comme son nom l’indique fait parfois preuve de volonté) se lance dans un projet, aussitôt son vis-à-vis fera tout son possible pour réduire la portée du geste ou même le contrer énergiquement. Il gonflera ses effectifs, augmentera sa puissance, et se trouvera de fait plus à l’étroit encore dans sa carapace. Agissant vite, il pourrait même commettre des erreurs pesant gravement sur l’état de santé du corps tout entier. Pourtant le corps qui perçoit mal les tenants et aboutissants de cette guerre des bras, estimera généralement que les actions spectaculaires et puissantes justifient que le bras volontaire soit négligé au profit du bras statutaire : celui qui bouge vraiment, celui qui mène à son terme des projets ambitieux, même si ces projets n’ont parfois pour seul mérite que celui d’exister…
Travailler des deux mains
C’est précisément cette phase de l’évolution que nous connaissons aujourd’hui : un bras statutaire d’une puissance sans précédent laissant survivre un bras volontaire décharné qui se définit par rapport à lui, en reproduit les défauts, créant lui-même ses propres structures au détriment de la souplesse et de l’adaptabilité. La conscience n’est pas du ressort du corps, elle devrait venir du cerveau. Or, la lucidité devrait toujours conduire à prévoir le pire et permettre de faire face à toutes les situations. C’est ainsi qu’au temps où la main gauche était honnie, j’eus le privilège en tant que gaucher, ainsi du reste que l’ensemble des élèves de ma classe, d’apprendre à écrire parallèlement des deux mains. Bizarrement, ce qui aurait pu être une contrainte (écrire de la main droite) devenait un jeu, et nous faisions tous des efforts pour être aussi habiles des deux mains. Je crois qu’aucun de nous n’a jamais regretté cette évidence qui était pourtant le choix d’un seul homme. Il n’est sans doute pas trop tard pour convaincre la tête d’entrer enfin en jeu pour rappeler aux membres des organes statutaires que rien ne leur interdit, bien au contraire, d’être aussi volontaires, et aux membres des organes volontaires que les statutaires ne sont finalement que des volontaires désignés d’office, ce qui excuse qu’ils puissent parfois manquer d’enthousiasme, de modestie ou de lucidité. Le notariat pourrait alors travailler des deux mains, et qu’importe alors s’il se fait encore taper sur les doigts. Mais pourquoi pas dès maintenant ?