Que se passerait-il si le Conseiller REAL était encore en vie ? Que préconiserait-il ?

 

MOI : As-tu écouté cette interview d’Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, sur la “real politic”, dont Nixon fut le promoteur en son temps, et sa critique de la politique française, donneuse de leçons, moraliste à outrance, et qui, du même coup, passe à côté de l’Histoire ?

Moi : Je m’en souviens en effet, car il a cité plusieurs fois le terme de “real” avec un bon accent français. Comment ne pas réagir lorsqu’on s’intéresse à la profession notariale et que l’on sait à quel point elle est attachée au Conseiller Réal !

 

MOI : Attachée est un faible mot. Chaque fois que le notariat parle de son statut, il rappelle la déclaration du Conseiller Réal. Elle est devenue en quelque sorte le texte fondateur de la profession, bien avant la Loi de Ventôse qui l’organise effectivement. D’ailleurs, elle figure en exergue tant au siège du CSN qu’au siège de bien des Conseils régionaux.

Moi : Cette déclaration, c’est notre Bible, notre Coran, nos Tables, mais as-tu remarqué la différence avec les religions ? Les intégristes, les ultras veulent imposer leur point de vue, Bible, Tables ou Coran à la main, en ne respectant pas toujours les préceptes qu’ils prétendent vouloir faire suivre au plus grand nombre. À l’inverse, nos intégristes – Dieu merci, ils ne sont pas légion – veulent ouvrir le notariat, le libéraliser à outrance, le dépouiller de ses règles jusqu’à réclamer la suppression du tarif et l’entrée des notaires dans un marché du droit concurrentiel.

 

MOI : Tu préfèrerais une voie médiane… Du Bayrou notarial ?

Moi : Certainement pas. J’ignore quelle sera la réussite de ce candidat à la Présidentielle, mais au fond, il se situe entre les deux camps au seul prétexte de refuser la bipolarisation. C’est un peu court !

 

MOI : Revenons au notariat, s’il te plaît. La “Réal politique”, qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

Moi : Par comparaison avec la situation évoquée ci-dessus, si les tenants du notariat “pur et dur” – qui sont de moins en moins nombreux – s’opposent aux libéraux “à tous crins”, aucune voie n’étant porteuse d’avenir, le notariat recherchera un consensus au centre. Ce sera la pire des solutions. C’est peut-être déjà le cas à l’heure actuelle ?…

 

MOI : Et quel serait le “Réal choix” ?

Moi : Il me semble qu’il faut partir du texte de Réal, dont la signification a franchi les siècles pratiquement sans dommage, mais en adapter l’esprit aux contraintes et aux réalités de notre époque. Notre statut ne doit pas évoluer pour nous donner satisfaction, pour sauver la profession ou pour répondre à la concurrence. Il ne doit pas non plus changer pour de simples données économiques. Il doit se moderniser sous l’impulsion du “Politique” pour répondre à la demande de la “Société”. Demandons-nous quel diagnostic ferait le Conseiller Réal s’il était encore en vie et quelle serait son exigence. Modifierait-il légèrement la Loi Ventôse ou ferait-il une refonte en profondeur ?

 

MOI : Quelle option choisirait-il à ton avis ?

Moi : Tout le monde reconnaît les qualités humaines et intellectuelles du Conseiller Réal. Elles l’ont amené à décrire, avec une rare acuité, la fonction notariale. Celle-ci ne peut souffrir la médiocrité et nécessite une morale et une éthique exceptionnelles. Or, l’époque en est non seulement dépourvue, mais manque également d’ambition (autre que pécuniaire), d’humanisme, d’empathie tant pour le client que pour le confrère, de rigueur, de volonté politique… J’en conclus que, s’il revenait, le Conseiller Réal étendrait le champ d’action des notaires dans le domaine du droit et qu’il le réduirait dans le domaine marchand. Il simplifierait l’organisation pour la rendre plus efficace et moins coûteuse, et revaloriserait le statut de l’authenticité. Les notaires, ne doutant plus de l’utilité et de la pérennité de leur métier, se consacreraient entièrement à leur art. Le public, les élus, les forces vives, les avocats et les magistrats respecteraient l’Ordre notarial au lieu de le considérer comme un clan privilégié, détenteur d’un monopole inutile.

 

MOI : C’est ainsi que tu vois l’avenir du notariat ?

Moi : C’est le choix de la “Réal politique”. Qui pourrait être contre ?