Le Congrès MJN, qui s’est tenu en octobre dernier en Grèce, a accueilli lors de sa séance d’ouverture de nombreuses personnalités, dont Monseigneur Christodoulos 1er, Archevêque d’Athènes. Flash-back sur une intervention de haut vol.
MOI (traditionnel et touriste) : Excellent congrès Jeune Notariat, organisation sans failles, commissions solides, exposés brillants et enthousiastes, sujets de société brûlants et en même temps collés au passé antique de la Grèce, synthèse claire et teintée d’humour, congressistes sympas, équipe Notariat 2000 présente, conviviale et dynamique, terre de culture exceptionnelle, nombril du monde … Du moins pour les Grecs de l’Antiquité ! Il n’a manqué en somme que le soleil pour accompagner l’Ouzo.
Moi (électron libre) : Les guides nous ont conté l’histoire d’un passé prestigieux qui s’est déroulé sur une période de plus de 1 200 ans, et du berceau de la démocratie ainsi que de la philosophie. Nous avons pu nous rendre compte de l’extraordinaire degré de perfection auquel sont parvenus les Grecs, en admirant notamment les sites, les édifices et les statues. Cet amour du beau partagé par tous et cette démocratie exemplaire, dont l’agora était le symbole, nous ont subjugués ! Nous fûmes intéressés et quelquefois même stupéfaits. Ce fut le cas à l’écoute du discours de l’Archevêque d’Athènes, Monseigneur Christodoulos 1er, lors de la séance inaugurale.
MOI : Les notaires lui ont offert une « standing ovation ». Pourtant, le propos était sévère, rigoureux, impossible à tenir en France et susceptible même d’être contesté violemment dans d’autres lieux et d’autres circonstances.
Moi : Mais quel homme -il paraît qu’il est très aimé en Grèce- ! Quel tempérament ! Quelle clarté dans son propos ! Un appel au bon sens pour peu que l’on oublie l’appel à la pratique religieuse.
MOI : Sur ce plan, il était dans son rôle. Pas de salut pour l’humanité hors la croyance en Dieu et le respect de ses principes qui en découlent.
Moi : Certes, mais il ne s’est pas contenté d’évoquer l’absence de religion de nos concitoyens ou la couardise de certains dirigeants qui n’osent évoquer dans les textes fondateurs de l’Europe l’origine chrétienne des peuples qui la composent. Il est allé plus loin en stigmatisant la conduite irrationnelle des émigrés qui refusent de respecter les lois, les coutumes, les habitudes du pays d’accueil, oubliant que s’ils avaient choisi ce pays, c’était justement pour ses lois sociales et son cadre de liberté et de tolérance…
MOI : Un discours vigoureux en somme. Peu courant en France, qu’il émane d’un homme politique ou d’un religieux.
Moi : Disons plutôt qu’en France, une telle intervention serait considérée comme extrémiste et porteuse de germes racistes, alors qu’en réalité, le thème rejoignait complètement l’analyse freudienne et lacanienne, représentée notamment par Charles Belman et Jean-Pierre Lebrun.
MOI : Tu évoques le passage : « une culture dont la religion contraint les tenants au refoulement des désirs et à la névrose, pour une autre où s’affiche le droit à leur expression libre et à une pleine satisfaction … conséquence d’un progrès, celui qui consiste à avoir pris la mesure que le ciel était vide. »
Moi : Le Pope n’a évidemment pas dit que le ciel était vide. Et il est vrai que « l’égalitarisation des jouissances désormais accessibles à tous à peu près » peut apparaître comme une conquête estimable, même si souvent, en contrepartie, les populations concernées s’ennuient. Le Pope a évoqué la quête de jouissance narcissique permanente et son corollaire « l’impératif de satisfaction », « le droit à jouir immédiatement et en permanence ». Cela rappelle Lacan : « Le prolétaire est serf, non pas du maître, mais de sa jouissance. »
MOI : Il a dénoncé, en somme, ce que Melman qualifie de « libertinage de masse ».
Moi : Le même Melman décrit l’émergence d’« un mutant » dans le cadre d’une « nouvelle économie psychique », pur produit du libéralisme économique et de l’hédonisme ambiant. Ainsi, pour revenir au couple, il est évident qu’à vouloir toujours plus de jouissance, la lassitude et le divorce seront au bout du chemin. De manière plus générale, cette nouvelle économie passe d’un « pacte de solidarité » à un « contrat organisé sur les conflits, la concurrence, les trahisons des partenaires », avec pour corollaire le développement inéluctable de la violence.
MOI : Dans ce climat, le rôle du notaire va devenir une nécessité incontournable et se développer.
Moi : Dans l’absolu et pour un idéaliste, c’est évidemment la voie à suivre puisque le notaire peut assurer le rôle de pacificateur dans le cadre légal que lui fixe le législateur. Mais dans la société actuelle, où dominent « les droits acquis », le « droit de confort » (qui peut conduire par exemple au « droit à l’enfant » pour des homosexuels, toute revendication étant légitime et devant être satisfaite), le notaire risque d’apparaître rapidement comme un empêcheur de tourner en rond. Car le libéralisme peut mener tout droit à une sorte de fascisme. On en voit les effets avec l’autocensure généralisée, la « bien pensante » qui n’est autre que le « politiquement correct », la repentance et tout son cortège de diktats au nom de la pensée unique.
MOI : Cette intervention du Pope fut donc source de réflexion pour chacun, voire de rejet pour quelques-uns. Mais méritait-elle une standing-ovation ?
Moi : De mon point de vue, oui. Pour clore ce dialogue et le thème du Congrès MJN, j’emprunterai la conclusion à celle des entretiens de Charles Melman avec Jean-Pierre Lebrun (1) : « Notre joyeuse perversité polymorphe peut-elle durer ? Ou allons-nous en revenir à l’ordre moral et au bâton ? Ou peut-on penser qu’avertis, nous pourrions éviter autant le retour à la névrose freudienne de papa que la fuite en avant dans la perversion généralisée ? On verra bien… »
1. Cf. « L’Homme sans gravité – Jouir à tout prix »