À moins de se satisfaire définitivement des seuls petits créneaux que nous habitons, l’immobilier du décret et la famille convoitée, quel notaire n’a pas ressenti cruellement, au moins une fois, son incapacité à suivre son plus fidèle client sur l’organisation globale de son patrimoine ? Alors, la spécialisation…
Au Mont Saint-Michel, voici plus de 20 ans, une petite poignée de notaires, considérés comme de joyeux hurluberlus, a tenté inutilement de séduire, sur le mode utilitaire, sur l’usage multiple que rendrait un “notaire sans étude”. Un notaire qui aurait pu faire tant et tant de choses : ouvrir l’étude au client du notaire malade, suspendu, voire destitué, mais aussi répondre aux besoins pointus d’un savoir précis.
L’incubation, longue et semée de chausse-trappes, a fini par accoucher à reculons d’une spécialisation si sévèrement filtrée d’un goutte-à-goutte dissuasif que les résultats sont invisibles chez nos clients, donc inutiles. Exit les conseillers juridiques devenus avocats ! Constat d’échec satisfaisant pour nos éternels et inévitables chevaliers de l’immobilisme, splendide isolement de forteresse ouverte aux Chinois plutôt qu’aux Gaulois ! Attitude confortée par l’embellie immobilière qui met du beurre dans la marmite notariale. Tout est bien.
Il n’empêche que de petites voix, celles des sans-grade, se font parfois entendre. Le statu quo, coûte que coûte, ne peut tenir.
Pourquoi ne pas profiter des derniers feux haussiers immobiliers pour élargir un peu nos horizons ? La spécialisation, plus généreusement ouverte, ne serait-elle pas l’un des moyens parmi bien d’autres de desserrer notre carcan ?
Certes, c’est le temps qui manque le plus aux notaires. Il faut augmenter leur nombre, dixit notre Chancellerie. C’est avec raison que nos structures le mettent en place. Ne rejoindrait-on pas alors, pour y répondre, l’une des interrogations à l’ironie pleine de bon sens du Président Limon : 10 000 notaires d’accord, encore faudrait-il savoir ce qu’ils auront à faire ?
Tant qu’il n’y aura que deux assiettes – l’une, immobilière, pleine à ras bord et l’autre, familiale, encore assez bien pourvue – les 10 000 ou plus peut-être, s’en accommoderont. Mais l’escalade immobilière s’effiloche et la concurrence sur le droit de la famille nous arrache déjà près de 40 % du marché, via le patrimoine. Réflexion qu’il faudra, bon gré mal gré, acheminer vers des résultats. Puisse l’enquête que nous mettons en place, avec l’équipe du Congrès du Mouvement Jeune Notariat, favoriser cet aboutissement. À vos marques !