Après l’affaire des « subprimes », le cas Apollonia a fait les choux gras de la presse (1), touchant trois de nos confrères. Les parties civiles font référence à des règles qui n’auraient pas été respectées, la justice se prononcera sur cela. Mais quid des prétentions ?
Comme dans le cas des « subprimes », les acquéreurs ont constaté que leurs biens et droits immobiliers ne trouvaient pas d’acquéreur à un prix permettant de combler leur passif. Acculés, les acheteurs ont cherché les responsabilités. Ils avaient acheté des « montages financiers complexes » et avaient régularisé des actes d’emprunt et d’achat concernant des biens et droits immobiliers déterminés. On pourrait relever une erreur sur la substance viciant leur consentement. Les conseillers financiers, les banquiers, les notaires et autres intervenants ont-ils respecté les règles auxquelles ils sont soumis ? Plus précisément, qu’est-il reproché aux notaires ?
• l’absence d’impartialité et d’indépendance (le promoteur représenterait 40 % des produits du notaire), alors que la présence du notaire dans le processus contractuel a désamorcé beaucoup d’appréhensions ;
• l’absence de conseil : certaines parties évoquent une « industrie d’actes ». Quelques-uns prétendent ne pas avoir rencontré le notaire, d’autres ne l’avoir vu que trop rapidement dans un hôtel, certains même prétendent avoir vu un courtier qui se serait fait passer pour le notaire !
• Faux en écriture publique (mentions obligatoires erronées).
L’exception française
Si ces reproches s’avéraient justifiés, seraient-ils du domaine de la faute ? • Est-il interdit à un notaire d’avoir un client majeur susceptible de le mettre en difficulté financière ? Non ! Il semblerait même que le « notaire sous influence » soit, en France, un modèle « à la mode ». Au contraire, dans le reste de l’Europe et du monde, le statut des notaires protège et privilégie l’indépendance sans concession.
• Est-il possible qu’un notaire reçoive un acte sans avoir rencontré les parties ? En France, c’est beaucoup plus facile que dans le reste du monde. Les parties peuvent être reçues par un « clerc habilité » (exclusivité française), donner facilement procuration même à un clerc du notaire (interdit ailleurs) et ne pas rencontrer de notaire.
• Est-il possible qu’un notaire reçoive des actes authentiques en dehors de son étude ? Dans la grande majorité des autres pays d’Europe et du monde, non, mais en France oui ! Le notaire devient « forain » et exerce son office n’importe où ! C’est souvent pour éviter qu’un confrère, sollicité pour recevoir une procuration, s’intéresse aux questions du client (à quoi sert le « maillage » ?) et demande un partage des émoluments (impossible dans le reste du monde !). Dans l’affaire Apollonia, il y aurait eu des cas de signature en « présence physique » du notaire, hors de l’étude, le temps d’une « passe professionnelle minutée ». Rien à voir avec le calme d’un bureau privilégiant écoute et assistance.
• Quelle est la nature réelle du conseil du notaire ? Dans le cas précis, un des avocats des notaires dit que « leur rôle se limitait à enregistrer les actes ». Est-ce un aveu d’impuissance devant la pression du gros « donneur d’ordre » ou une analyse subjective de la fonction ? Partout dans le monde, le notaire reste un officier public garant de la parfaite conformité des actes qu’il reçoit. Nous sommes le seul pays où les notaires acceptent des « décharges de responsabilité ».
Alors, ces confrères sont-ils responsables ? Est-ce que les responsabilités ne sont pas plutôt du côté des « ethnocentristes » qui sapent depuis des années les fondements de l’institution notariale ?
Contrôle notarial
Parce qu’elle est régulière, le notaire « reçoit » par acte authentique la convention des parties, sinon il « refuse d’instrumenter ». C’est sur ce pouvoir (qui est aussi un devoir) que repose le prestige du notariat ; c’est ce label de fiabilité que les plaignants invoquent pour expliquer leur confiance. Il faut reconnaître l’importance stratégique du contrôle notarial et du pouvoir de refuser, du tarif et de la non-concurrence entre notaires. Les « ethnocentristes » (2) sceptiques devraient rencontrer des confrères étrangers, les tenants des systèmes anglo-saxons devraient étudier le rôle du « chief compliance officer » (CCO) et les incorrigibles de l’évolution devraient quitter le notariat pour devenir avocat, sans porter de préjudice à l’institution notariale. En ces temps de décomposition du tissu économico-juridique et de retour des notions de réglementation et de contrôle, les notaires ne devraient-ils pas renforcer cet aspect de leur fonction ?
• 1. Impossible de citer tous les articles sur le sujet. Sur votre moteur de recherche, tapez « Apollonia notaire », lisez… et vous aurez peur !
• 2. Ethnocentrisme (définition Le Robert) : tendance à privilégier le groupe social auquel on appartient et à en faire le seul modèle de référence.