J’ai fait un rêve…
Je vivais mon métier de notaire dans une idyllique douceur : tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Je pouvais prendre mon temps pour servir au mieux mes clients. Ils n’étaient jamais pressés du fait qu’aucune échéance fiscale ne venait plus bousculer les stratégies mises en place des années auparavant.
Notre profession était systématiquement associée à l’élaboration de toute loi concernant notre domaine de compétence et notamment au plan fiscal. Les dossiers se déroulaient à merveille. Les mairies répondaient à toutes mes demandes le jour même, les diagnostiqueurs étaient infaillibles et très diligents, les banques n’avaient plus leur notaire attitré et me versaient les fonds dans la minute qui suivait ma demande. L’attribution au notariat de l’enregistrement et du fichier immobilier permettait la réalisation des formalités dans les minutes qui suivaient la signature des actes. Il n’existait plus aucun client pénible.
Les avocats avaient presque tous disparu.
Mes confrères étaient toujours charmants, aimables, serviables, confraternels. La plupart me réglaient mes émoluments de participation le lendemain de la signature de l’acte, s’excusant lorsqu’exceptionnellement ils mettaient plus de 2 jours.
Les clients ne mettaient plus aucune pression sur mes collaborateurs qui, du coup, pouvaient consacrer un jour par semaine à leur formation. Leur salaire avait d’ailleurs énormément augmenté.
Du fait du décuplement de nos produits, les cotisations professionnelles, sociales et fiscales étaient tombées en chute libre. Elles ne représentaient en tout qu’un petit pourcent de notre chiffre d’affaires.
Le Président du CSN, enfin élu au suffrage universel, rendait des comptes annuels irréprochables à la Cour Notariale des comptes avant de les soumettre à l’approbation de tous les notaires.
Chaque confrère pouvait toujours, en tout lieu et en toute circonstance, s’exprimer librement.
Les instances locales aidaient, assistaient, écoutaient et représentaient dignement tous les notaires de leur ressort.
Il n’y avait plus jamais aucun conflit d’associé.
L’assurance responsabilité civile et la caisse de garantie étaient tombées en désuétude. Elles n’existaient plus que pour la forme. Bon nombre de jeunes confrères ignoraient même leur existence.
Tout le monde notarial vivait béatement dans un bonheur paradisiaque. C’est alors que je pris conscience que mes semblables, duvetés d’une douce fourrure aux couleurs pastels, n’étaient que des Bisounours.
Et je me suis réveillé…