Comme tout bon gaulois, le notaire adore pérorer de la plume et du bec sur de fort savants sujets de principe qualifiés de « grands » ! En voici un qui revient périodiquement, aussi ancien que le notariat. Sommes-nous des chefs d’entreprise ? Vaste question !
Nous en aurions la couleur, l’odeur, l’apparence, mais sans en être ! Querelle sémantique sans grand intérêt, si la question et surtout sa réponse n’abritaient un débat autrement plus important. L’éternelle balance entre les deux têtes de notre fonction : le libéral et l’authentificateur. Si le premier nous ouvre les perspectives de la concurrence et du développement, le second nous enferme dans l’univers douillet et protégé du monopole authentique. Au gré des circonstances politiques et sociologiques, nous penchons notre balance vers l’une ou l’autre tête, en la privilégiant, sans toutefois rien abandonner. Sage précaution. Tous ceux qui ont vécu les périodes cycliques des vaches maigres, voire d’atteinte à notre statut (comme en 1982), savent que notre réaction nous porte à l’ouverture.
Promouvoir l’authenticité
Certes, le parapluie de la Chancellerie est grandement ouvert sur nos têtes et l’immobilier connaît une embellie durable et substantielle. Nous voilà donc bien au chaud, les deux pieds sur les freins, sûrs de notre avenir et satisfaits que l’authentification des actes immobiliers suffise à nous procurer confort et réconfort. Ce faisant, nous nous remettons pieds et poings liés au bon vouloir du prince qui, d’un trait de plume, peut supprimer le décret qui nous conforte. Tenir notre horizon de notre propre énergie et ambition me semble autrement plus valorisant, sans compter le risque inhérent à un séisme politique toujours possible. Sauf à devenir fonctionnaires, ce qu’à Dieu ne plaise, nous devrions alors alimenter nous-mêmes notre authenticité. Alors, pourquoi pas nous y exercer en période calme et faste pendant que nous avons les moyens d’affronter le vent du large ?
Longueur d’avance
La responsabilité de promouvoir l’authenticité nous incombe, mais constatons que, même lorsque le prince nous semble favorable, nous ne ramassons que les miettes. N’a-t-il pas fallu pleurer pour pouvoir authentifier les PACS dont nous étions exclus ! S’il advenait que le décret de 55 soit rapporté, bien avisés seraient ceux qui négocient, administrent, expertisent, conseillent et actent les sociétés, organisent le patrimoine de nos concitoyens pour le constituer, le suivre, et le transmettre. Ceux-là auraient une bonne chance de sauver leur profession et leurs offices ! Forger notre propre sécurité, voilà un projet qui devrait plaire à nos jeunes et les tenter ! Tel est le vœu profond que nous, les anciens qui avons essayé, formons pour nos successeurs. Voir plus loin et plus haut que le quotidien de nos tableaux de bord, et apporter la sécurité de l’authenticité partout où elle est absente. Telle est notre mission ! N’en vaut-elle pas la peine ? En s’y attelant, nous pouvons assurer du travail, de l’embauche, de meilleurs salaires, donc des collaborateurs plus compétents, motivés, dynamiques. Nous pouvons accroître notre nombre, vœu de la Chancellerie, mais surtout gage de visibilité et de poids sur le grand marché juridique. Bon gré, mal gré, sa réorganisation est en marche. Nous devrons, un jour ou l’autre, accepter la concurrence. Prendre une longueur d’avance serait sans doute mieux que s’y laisser acculer.
Chef d’entreprise
Enfin, afficher intra muros notre volonté de diversification, bénéfique pour motiver les troupes, permettrait d’aérer la question schizophrène de la publicité. Pardon, de la communication ! Comment expliquer aux autres ce que nous sommes et où nous allons si la volonté n’est pas claire, d’abord à la tête ? Afficher une telle ambition d’ouverture ne serait-elle pas, dans son dynamisme, un appel entraînant et valorisant pour les jeunes ? Plus besoin de camouflage et plus de péril. Ainsi pourrions-nous répondre clairement à la question posée : les notaires sont-ils des chefs d’entreprise ? Certains, minoritaires, le sont dès à présent. Tous ont vocation à le devenir. Il suffit de le vouloir et de s’en donner les moyens, il est encore temps. Affirmer que les notaires ne sont pas des chefs d’entreprise notariale serait renier les plus dynamiques. De même, dire qu’ils ne le seront jamais reviendrait à insulter l’avenir. Nous ne le ferons pas, car il appartient à nos jeunes. Entourons-les de notre confiance.