Le Président du Conseil supérieur du Notariat a reçu en janvier dernier Jean-Marie Celer, rédacteur en chef de la revue, notaire à Limoges. Il était accompagné de Serge et Valérie Ayala. Entretien.

 

Notariat2000 : Les propositions de la commission Attali ont été officiellement dévoilées ce jour. Quelle analyse faites-vous « à chaud » ?

Bernard Reynis : Le rapport de la Commission pour la libération de la croissance française démontre une approche superficielle du statut des notaires par ses rédacteurs. Toutefois, la spécificité du notariat – et du notaire – y est parfaitement reconnue. La compétence, l’expérience professionnelle, la moralité sont des mots qui reviennent régulièrement. Par ailleurs, comme le montre l’actualité des derniers mois, le rapport révèle une crise d’identité chez l’ensemble des professionnels du droit. Cette crise existe chez les avocats – qui n’ont pas su digérer l’absorption des conseillers juridiques et ne savent plus très bien s’ils sont défenseurs ou conseils -, mais aussi chez les notaires qui sont un peu à la croisée des chemins et doivent veiller à ne pas faire « le métier des autres ». Je pense, par exemple, à tout ce qui aboutit à des préconisations à caractère financier, à ce qui relève davantage du financier que du juridique. La difficulté aujourd’hui est qu’il n’appartient pas au notariat de proposer ce qui n’est pas du ressort de l’acte authentique. Nous devons nous recentrer sur notre cœur de métier, sur l’authenticité et sur toutes les activités complémentaires qui aboutissent à l’acte authentique et nécessitent un conseil juridique. Il y a là de vastes espaces de développement.

 

N2000 : Le rapport de la Commission Attali préconise une ouverture de la profession et une augmentation du nombre des notaires. Qu’en pensez-vous ?

Bernard Reynis : Nous pouvons partager les objectifs de la Commission Attali, dès lors qu’elle souhaite plus de notaires, mais nous rejetons les moyens qu’elle préconise. Nous allons faire très rapidement un certain nombre de propositions pour ouvrir la profession et augmenter le nombre des notaires. Cela nous semble essentiel pour l’avenir de la profession, mais surtout et avant tout, pour nos clients. Beaucoup se plaignent des délais trop longs pour obtenir un rendez-vous chez leur notaire. Nous ne pourrons répondre à leurs attentes qu’en augmentant nos effectifs. Nos confrères doivent être conscients que nous ne sommes pas assez nombreux, qu’il faut augmenter le nombre des offices en libérant l’installation des professionnels. Sans doute, les contrats régionaux d’adaptation structurelle sont restés trop modestes… Il nous faut aller plus loin et régler rapidement la question des 4 500 diplômés notaires qui sont dans nos offices, en leur permettant de devenir notaires s’ils le désirent. Cela sera, en tout cas, à l’ordre du jour de notre prochaine Assemblée générale, car nous devons y réfléchir vite pour agir vite et dépasser le seuil symbolique des 10 000 notaires (NDLR : Depuis cette interview, l’AG du CSN a voté le 29 janvier une résolution en ce sens à l’unanimité).

 

N2000 : Lors des Rencontres Notariat Universités, Marc Guillaume, secrétaire général du Conseil constitutionnel, ancien directeur des affaires civiles et du sceau, a invité les notaires « à régler la question de la négociation immobilière pour ne pas donner prise à ceux qui pourraient la contester ». Faut-il y voir une invitation à cesser cette activité ou à la réglementer ? Quel est votre sentiment à cet égard ?

Bernard Reynis : La France est le seul pays d’Europe à pratiquer la négociation immobilière notariale. Or, l’Europe, c’est le compromis et Bruxelles recherche toujours le « noyau commun ». Il faut voir dans les propos de Marc Guillaume la crainte que la France soit affaiblie par la pratique de la négociation, sous prétexte que les autres pays européens n’en font pas. Mais est-ce une raison suffisante pour ne pas en faire ? Nous ne le pensons pas. Le CSN a d’ailleurs fait valoir à la Chancellerie l’importance de cette activité, dès lors qu’elle reste, bien sûr, une activité accessoire. Pour les Pouvoirs Publics nationaux et européens, il est essentiel de maintenir le maillage des notaires sur tout le territoire et cette activité notariale traditionnelle y contribue. Nous ne sommes donc pas inquiets, d’autant que le rapport Attali reste muet sur cette question.

 

N2000 : Un portail immobilier de la profession va bientôt voir le jour. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ? Y aura-t-il, par le biais de ce portail, un « SOS notaires » à destination du grand public ?

Bernard Reynis : Le portail immobilier est un projet qu’il ne faut pas réduire aux seules annonces immobilières. C’est l’accès aux statistiques, à des informations, des calculs de frais… C’est un portail du notariat à destination du grand public. Avec Pierre Bazaille, Président de l’INDI, le CSN a engagé une réflexion pour y ajouter, à terme, d’autres modules. En ce qui concerne l’idée d’un numéro vert à destination du grand public, il existe déjà, depuis 2001, un numéro national. Nous y enregistrons à ce jour 15 000 appels par an, l’objectif des consultants étant de renvoyer le plus possible vers les offices de notaires. Un service audiotel fournissant des infos 24h/24 est en cours d’élaboration et devrait voir le jour prochainement.

 

N2000 : Télé@ctes a apparemment du mal à démarrer. Cela ne semble pas seulement dû à une mauvaise volonté des notaires, mais également à un effort insuffisant des sociétés informatiques ?

Bernard Reynis : Après un démarrage difficile, le « bulldozer » Télé@ctes est en marche ! Ainsi, rien qu’en janvier 2008, les offices ont effectué 67 881 téléréquisitions et 3 260 télépublications. Ce démarrage tardif s’explique en grande partie par la nécessaire adaptation de nos SSII. Notre souci permanent a été d’éviter une défaillance de leur part, ce qui a conduit le CSN à rencontrer chaque responsable des SSII. Il nous semble important que la concurrence se maintienne, avec des aiguillons. La mise en place de Télé@ctes a été également freinée par une exigence accrue de rigueur dans la rédaction des actes. Il faut que chacun, à son niveau, dans l’office, fasse les efforts nécessaires, soit réactif. Cela implique de changer ses habitudes, mais le jeu en vaut la chandelle. Télé@ctes ouvre de nombreuses possibilités. Bientôt, c’est l’ensemble des relations vers les services fiscaux qui se feront par ce biais. Télé@ctes n’est pas seulement utile au notariat, son avenir en dépend aussi. Nous devons y voir le renouvellement affiché par les Pouvoirs Publics de sa confiance à l’égard du notariat.

 

N2000 : Vous avez indiqué, lors de l’Assemblée générale des notaires du Limousin en mai 2007, que vous vous donniez comme délai le congrès de Lyon pour statuer sur le sort de Mnémosyne… Qu’en est-il aujourd’hui alors que le congrès de Lyon est passé ?

Bernard Reynis : Les engagements pris par M. Mineraud de proposer un bon logiciel aux besoins des notaires ont été tenus. Aujourd’hui, Mnémosyne est le produit que des notaires attendaient. Nous restons toutefois dans le domaine concurrentiel : c’est à chacun de choisir son progiciel pour son office, en fonction du prix, de l’ergonomie, de la bible… Mnémosyne constitue donc une offre parmi d’autres.

 

N2000 : Serait-il envisageable, selon vous, de libéraliser la notion de « notaire spécialiste », préconisée depuis le congrès MJN de 1982, en permettant un minimum d’information, dans les pages jaunes de l’annuaire par exemple ?

Bernard Reynis : Le notaire est un généraliste qui peut avoir, par goût et par formation, les connaissances d’un spécialiste dans un domaine particulier. Au niveau de la formation, il me semble important de conserver un tronc commun à tous les notaires, ce qui n’empêche pas d’imaginer une cinquième semestrialité optionnelle et complémentaire. Les spécialités sont déjà reconnues. Il ne faut pas imaginer un notaire ayant une compétence réduite à sa spécialité, cela conduirait à reconnaître dans notre profession des activités détachables, ce justement contre quoi nous nous défendons à Bruxelles !