Ordonner, clarifier, moderniser et innover, tel a été le fil rouge du 106e Congrès des notaires qui s’est tenu à Bordeaux jusqu’au 2 juin. L’occasion pour l’équipe conduite par Damien Brac de la Perrière et son rapporteur général Jean-François Sagaut d’inscrire le couple au centre des débats bordelais en suggérant notamment une évolution du Pacs. Quant à la séance d’ouverture du Congrès, elle a permis à Michèle Alliot-Marie de rassurer les notaires sur leur avenir.
La séance d’ouverture est généralement un moment fort du congrès. La grand’messe bordelaise du lundi matin n’a pas failli à la tradition. Après la prestation, tout en humour, du tandem local Philippe Laveix-Patrick Yaigre, respectivement présidents de Chambre et du Conseil régional, les discours ont pris une couleur plus politique. C’est Alain Juppé, maire de Bordeaux, qui a ouvert la marche : « Je sais que votre profession s’est émue de certains projets de réformes. Ce n’est pas le moment de céder au mirage de la Common law qui n’est pas dans notre culture. Dans un monde en pleine turbulence, nous avons plus que jamais besoin de repères solides ». Plus tard, le président Ferret a eu un propos ferme, sans langue de bois, quittant la sphère familiale pour entrer dans la sphère publique du couple formé par le notariat et son ministre de tutelle. Déclinant son propos autour de deux mots clés, la passion et la raison, il a engagé ses confrères « à privilégier la seconde, sans renoncer à la première, sans laquelle il n’est ni enthousiasme, ni audace ».
Acte contresigné : la bonne foi d’un accord…
Les notaires peuvent être rassurés, les avocats ne marcheront pas sur leurs plates-bandes. Le garde des Sceaux s’est engagé au strict respect des équilibres de l’accord conclu entre le CSN et le CNB. « L’acte contresigné par un avocat et l’acte authentique seront complémentaires » a expliqué Michèle Alliot-Marie. Le Président Ferret s’était préalablement inquiété que certains barreaux se lancent dans la négociation immobilière, mettent sur pied des formations sur la vente immobilière et fassent des offres de services aux agences immobilières pour rédiger ou contresigner les avants-contrats. « Alors que je soutiens devant mes confrères que le projet de loi vise à instaurer une paix durable, ils me signalent quotidiennement des préparatifs de guerre » avait-il dit. Et d’ajouter : « un accord devient caduque si la bonne foi qui avait présidé à sa conclusion ne se vérifie pas ».
MAM veut conforter les missions des notaires…
Pour Michèle Alliot-Marie, l’heure est venue de conforter la place des notaires dans la société. Pour y parvenir, elle entend alléger certaines formalités qui les éloignent de leur cœur de métier. Il s’agirait notamment, en matière fiscale, de donner la possibilité aux notaires d’enregistrer certains actes pour le compte de l’Etat. Autre exemple : donner aux notaires un accès direct au fichier des comptes bancaires dit « FICOBA ». « J’entends saisir mon collègue François Baroin pour avancer rapidement sur ces deux sujets » a conclu le garde des Sceaux. Sur le plan familial, le garde des Sceaux souhaite renforcer la place des notaires dans la conclusion des PACS en leur permettant d’effectuer directement les formalités d’enregistrement des conventions qu’ils rédigent.
Rémunération : des propositions avant l’automne
Jean-Pierre Ferret a été très ferme en ce qui concerne le partage des émoluments tarifés. « Les notaires ne l’accepteront jamais ! » a t-il averti. Pour Michèle Alliot-Marie, « le partage des honoraires peut renforcer, dans certains cas, le rapprochement des professionnels du droit », mais il n’est pas question de revenir dessus en matière immobilière. La modernisation du tarif est toutefois à l’ordre du jour. La proposition du Président Ferret de réviser les tranches en matière des ventes immobilières « pour permettre une plus juste rémunération des opérations les plus courantes » est une solution. Mais d’autres pistes existent. Un groupe de travail devrait être mis en place et faire des propositions concrètes avant l’automne.
19 vœux sur 21, mais le PACS malmené !
Ce sont des débats animés qui ont rythmé les 4 commissions, prouvant ainsi que la vie à deux méritait bien un congrès. Ainsi sur les 21 propositions présentées par Jean-François Sagaut et son équipe, 19 ont été adoptées, parfois à une (très) courte majorité. Parmi elles, retenons celles proposant « la reconnaissance d’un droit de la vie à deux autrement qu’en couple » ou prônant « la reconnaissance d’un statut fiscal pour les concubins ». La 2e commission s’est attachée à moderniser le régime légal de la communauté et a également proposé de clarifier les règles du régime patrimonial du Pacs. Plus axée sur la « désunion » et la transmission, les 3e et 4e commissions ont souhaité rendre obligatoire la liquidation des intérêts patrimoniaux entre pacsés au moment de leur séparation et proposé quelques ajustements du divorce. Les rapporteurs ont également demandé une modification de la loi concernant le régime de la communauté universelle en proposant que le conjoint survivant puisse demander un cantonnement de son attribution intégrale. Une proposition jugée « dangereuse » pour certains (« le conjoint survivant pouvant faire l’objet de pressions »), d’autant qu’il existe d’autres techniques couramment utilisées. Enfin, avec deux propositions rejetées, le Pacs a été le grand perdant du congrès. Le premier vœu proposait que le partenaire survivant puisse bénéficier de la pension de réversion de la personne décédée et le second, encore plus chahuté, visait à lui conférer un droit viager optionnel portant sur le logement et le mobilier le garnissant. « Le PACS est moins bien entré dans la pratique notariale que dans la société » , nous confiait un jeune collaborateur à l’issue des travaux, « c’est regrettable à bien des égards ».