Nous nous trouvons actuellement (de plus en plus) entre le marteau et l’enclume. Une position plus qu’inconfortable…
Cela fait déjà un moment que nous ne sommes pas à l’aise aux entournures. Voici quelques exemples.
• Notre double casquette d’officier public et de professionnel libéral, voire de chef d’entreprise, nous place dans une situation délicate, comme si nous avions du mal à les concilier. Nous nous trouvons perpétuellement tiraillés entre la nécessité éthique de l’un et les contingences économiques de l’autre.
• La difficulté de trouver notre place entre tradition et modernité se pose également depuis longtemps. Ainsi, sommes-nous nombreux à protester contre le manque de souplesse, l’automatisme et la fréquente inadaptation de nos formulaires informatiques. Mais combien d’entre nous peuvent encore se permettre de rédiger, au sens littéral du terme, leurs clauses et leurs actes ? Pire : combien savent encore le faire ?
• Notre image auprès des médias, des pouvoirs publics mais aussi des Français, semble brouillée. Les articles, livres, rapports de différentes commissions… tous soulignent notre ambiguïté. Que faire ? Communiquer ? Si nous ne le faisons pas, nous serons taxés d’opacité, d’obscurantisme et surtout de suffisance dans la certitude de notre place, de notre rôle. Si nous communiquons trop, il nous sera reproché notre arrogance et notre impudeur à étaler nos moyens alors que nous sommes déjà perçus comme une profession de nantis.
• TRACFIN, enfin, nous place dans une situation périlleuse. D’un côté, notre secret professionnel, fondement de notre profession, clef de voûte inébranlable de la confiance que nos clients placent en nous et dont nous sommes, parfois de manière plus intense que les confesseurs religieux, les véritables confidents. D’un autre côté, l’obligation de déclarer nos soupçons de blanchiment, ce qui fait partie intrinsèquement de notre mission d’officier public, au service de l’État et également de la lutte contre toutes sortes de trafics illégaux. Choix cornélien. Inventer demain
J’ai la pénible sensation parfois que notre profession est un funambule de gabarit « sumo » avec une baguette de tambour en guise de contrepoids… Alors, de temps en temps, lorsque nous risquons de perdre l’équilibre (d’un côté ou d’un autre), sont adoptées des « mesurettes » ponctuelles pour contrebalancer l’ensemble. Mais combien de temps cela pourra-t-il encore durer ? Faut-il attendre que nous tombions d’un coup de tout notre poids ? Que le notariat soit définitivement perdu et qu’il soit trop tard pour le sauver, voire pour le remplacer avec tous les dommages directs et collatéraux que cela créerait ?
Faut-il en déduire que notre profession a de plus en plus de mal à s’adapter à notre société, non pas dans sa finalité mais dans ses moyens ? N’est-il pas temps d’inventer nous-mêmes notre place de demain ? L’exercice n’est pas aisé. Il nécessiterait sûrement de tout remettre à plat et d’oser prendre le risque, si cela s’avérait nécessaire, de tout réviser : le statut, le tarif, la déontologie, la représentation de la profession, les droits, les devoirs… Avec un seul but en ligne de mire, celui dont nous ne nous départirons jamais car c’est le seul qui n’ait jamais quitté le cœur de notre profession : l’authenticité au service de l’État et des citoyens.