Faut-il avoir peur de la crise ? Et comment y faire face ? Alors que 85 % des notaires interrogés ressentent déjà une baisse d’activité (surtout dans le domaine de l’immobilier en général et de la négo, en particulier), nous avons demandé à notre panel de notaires comment ils la vivaient et surtout quels étaient leurs remèdes anti-crise.

 

« Tout semble figé », c’est en ces termes qu’un de nos lecteurs parisiens résume la situation. Un peu partout, le téléphone est moins actif et l’activité accuse un net fléchissement, avec une baisse significative des rentrées de dossiers. « J’enregistre 30 % de baisse dans tous les domaines » nous dit un notaire de Guadeloupe. Pour le vosgien Joël Maire, la crise se fait surtout ressentir dans le secteur de la négociation immobilière. C’est également le cas pour Pierre Reeb (Oise) qui n’a « quasiment pas rentré de nouveaux dossiers depuis trois semaines ». « Le service négociation est en panne. Je n’ai aucune demande, sauf pour des moutons à 5 pattes ». Son confrère d’Ille-et-Vilaine nous dit avoir « très peu d’appels en négociation et donc quasiment aucune négo en cours ». Dans la Drôme comme dans les Yvelines, le volume des ventes en prend également un coup. « Mon volume de rentrée des dossiers est nettement en baisse », témoigne un notaire de l’Essonne. « Sur janvier 2013, les produits couvrent tout juste les charges et j’ai peu de signatures prévues en février ». Un notaire de l’Aude constate un nombre croissant des annulations de rendez-vous et une augmentation des refus de prêts, ce qui n’augure rien de bon. De nombreuses ventes sont également reportées en raison de la nouvelle législation sur les plus-values immobilières. Un peu partout, la baisse de l’activité génère une certaine inquiétude chez les salariés. « Si la crise devait s’accentuer, il sera envisagé la réduction des horaires et, éventuellement, le chômage partiel » nous dit un lecteur breton. Le mot « licenciement » est lâché par son confrère. Certains envisagent de remettre en cause des salaires ou/et d’engager des négociations, éventuellement avec les partenaires financiers pour les crédits en cours. Dans ce contexte, les optimistes sont minoritaires. A 65 ans, ce notaire de la Sarthe « en a vu d’autres » ; il se veut rassurant : « même si cette crise ne se présente pas comme les précédentes, elle n’est pas insurmontable ». D’ailleurs, écrit son confrère de la Marne, « La peur n’évite pas le danger ; il faut tacher de ne pas tomber dans la sinistrose qui est un cercle vicieux ». Adrien Varvenne (Gers) fait également le choix de rester positif. « Face à une détérioration constante de toutes les administrations publiques ou privées, nos clients n’ont jamais eu autant besoin de nos conseils et de notre travail qui, lui, ne fait que s’améliorer (acte authentique électronique, démarche qualité…) ».

Les solutions de notre panel pour faire face à la crise

55 % optent pour « l’effet trampoline » des nouveaux créneaux !

Le conseil patrimonial (27 %) et la négo (19 %) arrivent en tête de gondole. 16 % espèrent retirer quelques marrons du feu en se lançant dans l’expertise (cf. l’article de Patrick Coutance page 18). La gestion de loyers pointe timidement son nez, notamment chez cette consœur de l’Aude. Enfin, 16 % attendent beaucoup du prochain congrès des notaires de France sur les collectivités publiques pour y trouver matière à rebondir. Il est intéressant de noter que 3 % de notre panel voient dans les réseaux une solution anti-crise.

Notre avis : Rebondir ?… Bravo ! Espérons que ce ne seront pas des vœux pieux et que ces « nouveaux » créneaux (qui ne sont d’ailleurs pas vraiment de première jeunesse) ne seront pas relégués aux oubliettes au retour des « vaches grasses ». Une chose est sûre : proposer des services complémentaires, dans la mouvance du savoir-faire des notaires (comme la négo, l’expertise pour faciliter les ventes, le conseil patrimonial pour guider plus sûrement les clients dans les méandres du droit de la famille…), c’est répondre en chef d’entreprise à une logique de crise.

62 % réorganisent leur étude

Les trois quarts nous disent ainsi vouloir profiter de la crise pour moderniser leurs modes opératoires. Bonne nouvelle, ils comptent s’intéresser de plus près à l’acte authentique électronique. Certains l’ont déjà mis au sein de l’office où il est bien accueilli par la clientèle. Un peu moins de 17 % nous reparlent de la démarche qualité. « La DQN un bon outil, témoigne un notaire dont l’étude est certifiée depuis 2008. Elle permet de mesurer et d’analyser l’attente du client. Cela me permet de m’adapter, notamment vis-à-vis de l’organisation de l’office et surtout de rester optimiste pour l’avenir ». Enfin, moins de 6 % veulent faire appel à un coach en matière d’organisation !

Notre avis : Le sang-froid est une des vertus cardinales de la profession. Il a contribué à nous permettre de traverser maintes dépressions, dont la dernière, caractérisée par sa brutalité et sa brièveté, date, seulement, d’un peu plus de 4 années. Une fois de plus, la majorité de nos confrères entendent mettre en œuvre tous les moyens disponibles, pour aborder ce nouveau saut dans l’inconnu, lié au ralentissement d’activité. La majorité ne perd pas de vue la nécessité de préparer aussi l’avenir, à moyen et long terme, de leur étude. En particulier, en décidant d’affronter les « défis du numérique » et, dans l’immédiat, avec la mise en place de l’acte authentique électronique. Mais les défis économiques et technologiques ne sont-ils pas, déjà, au menu quotidien des notaires ?

67 % se serrent la ceinture

Les économies se font essentiellement sur le renouvellement de matériel (52 %). Les dépenses superflues, mais aussi les abonnements sont supprimés, le budget des « consommables » revu à la baisse. La moitié de notre panel envisage également de mettre un sérieux coup de canif au budget communication et 43 % projettent de rogner sur le budget « publicité » de la négociation immobilière. En revanche, les charges sociales ne seront souvent diminuées qu’en cas d’extrême nécessité.

Notre avis : N’est-ce pas justement quand tout va mal qu’il faut mettre les bouchées doubles et renforcer sa communication, pour renverser la tendance ? Car, s’il est un budget qu’il ne faut surtout pas rogner, en périodes difficiles, c’est bien celui de la communication (publicité pour la négo incluse). Se faire « tout petit » et broyer du noir, en espérant des jours meilleurs, c’est laisser passer des opportunités qui filent tout droit… à la concurrence.

68 % réduisent leur train de vie…

…mais 32 % nous disent, en allusion à l’article paru dans « Marianne », ne pas gagner « 228 000 € par an ». Et donc ne vont rien changer à leur mode de fonctionnement.