Une ouverture pointe-elle son nez sous les pressions externes et internes ? Les puissants freins dont nous sommes dotés entrent aussitôt en action pour rendre les initiatives plus complexes, plus difficiles, plus longues. Dissuasion feutrée, toute de miel parée, mais ô combien efficace et organisée !

 

À lire et écouter les témoignages des créateurs d’office et des notaires spécialistes, on ressent un sentiment d’amertume et d’impuissance. Et encore n’entend-t-on pas ceux qui, découragés, ont rejoint nos concurrents ou renoncé à exercer pleinement leur compétence spécialisée. Certes, la grande majorité des créateurs ont aujourd’hui réussi, alors de quoi se plaindraient-ils ? Preuve si besoin est de l’utilité de développer, non seulement le nombre des notaires associés, mais aussi celui des offices. Certes, les tenants du statu quo ont beau jeu de pointer du doigt le nombre des offices non pourvus. Serait-ce que le besoin est inexistant, se préoccupe-t-on du public ? Le besoin ne devrait s’apprécier que du seul point de vue du « consommateur ». Demandez-lui si sa « faim » de conseil patrimonial est satisfaite après chacun de ses passages sous le panonceau ! S’agit-il seulement de bétonner l’acte authentique, générateur automatique de sécurité ? Notre ministre de tutelle, lui-même, hiérarchise les importances de nos prestations, en qualifiant cette notion de « secondaire ». Horreur et indignation ! « Rendre plus sûrs » leurs projets, nos clients le savent, c’est pour eux, comme pour nos politiques, un socle minimum acquis. Continuer d’enfoncer ce clou ne devient-il pas contreproductif ? Ne serait-il pas temps de faire évoluer nos slogans vers des perceptions réellement ressenties ? Ne faudrait-il pas se préoccuper des besoins qui feraient « venir » et non « passer » chez nous, au lieu de devoir se tourner vers des concurrents maîtres du marché patrimonial depuis que nous l’avons, hélas, déserté ?

 

Un parcours semé d’embûches

Face à ce concert souvent muet de frustration, le couple « création-spécialisation » fonctionne-t-il ? Pour les deux, le labyrinthe est bourré d’impasses, de sens interdits, de dissuasions voilées ou non. Ici aussi, les freins sont bien serrés. Il faut un moral d’acier, du temps, et de l’argent pour atteindre, contourner ou résoudre les chausse-trappes, difficultés, délais et autres obstacles en tout genre qui émaillent le parcours du combattant. Prêtant l’oreille à ceux qui ont réussi, on note des délais ahurissants pour créer ! Devenir spécialiste n’est pas moins hérissé d’embûches, non seulement avant et pendant, mais plus insidieusement après la qualification. Celle-ci a pourtant mobilisé temps et énergie, donc argent, pour les quelques acharnés qui ont bravé les arcanes de la passivité. Demandons-leur si le « retour sur investissement » est convenable. Et dans la négative pourquoi ? En premier lieu, est avancée la « non organisation notariale » pour accueillir et promouvoir la haute compétence spécialisée, pourtant aujourd’hui appelée de tous nos voeux. Jalousie, camouflage derrière le sacro-saint « généraliste » que nous ne sommes plus depuis bien des lustres !

 

Confraternité

Un accueil et une bonne promotion au profit du public passent par une véritable confraternité, non pas de mots, mais d’actes consistant, par exemple, à envoyer un dossier complexe au notaire spécialisé plutôt qu’à un concurrent. Cela passe, aussi et surtout, par une diffusion urbi et orbi du « qui sait faire quoi » chez nous, avec annuaire à la clé. Alors, y aurait-il, sans doute, plus de volontaires pour accéder à la spécialisation et plus de clients pour les consulter. Ouvrir de telles fenêtres risquerait sûrement quelques courants d’air qui enrhumeraient les « adeptes de surplace », bien emmitouflés dans leur monopole. Ceux qui tiennent les freins en profitent ! De même, l’accès classique par achat ne se voit-il pas restreint à la caste de l’argent par l’étranglement du crédit ? Nous avons pourtant connu quelques décennies qui ouvraient le crédit en accueillant le savoir à côté de la seule finance, aujourd’hui outrageusement privilégiée. Et nous avons, chaque jour, autour de nous, la preuve que les sachants, désargentés à l’entrée, ne causent pas plus de plainte, ni de sinistre, ni même de mise en cause, que les cousus d’or. Si des statistiques, au moins officieuses, étaient tenues, le constat serait probablement contraire. Le respect de l’éthique ne dépend pas du compte en banque, et c’est heureux !

 

Combien de spécialistes et quel pourcentage de leur chiffre en résulte ? Qui sont-ils ? Où exercent-ils ? Qui les connaît ? Combien de créations pourvues et non pourvues ? Si nous voulons augmenter notre nombre et nos champs d’action (car l’un conditionne l’autre et réciproquement), ne faudrait-il pas commencer par un « état des lieux », sérieux et complet, pour alimenter une réflexion hors tabous et déboucher sur des solutions toutes de simple bon sens parées ? Notre image et nos clients en seraient tout ragaillardis.