Par Valérie Ayala, Aline Boyer
 

 C’est devenu un leitmotiv. L’ambiance serait à la morosité, on « signerait » moins… et certaines études auraient déjà licencié du personnel. Bref, la crise toucherait de plein fouet le notariat. Pour en savoir plus, nous avons demandé à un panel de notaires s’ils avaient constaté une baisse de leur chiffre d’affaires et quelles mesures concrètes ils envisageaient de prendre pour rebondir.

 

La nouvelle n’a rien de surprenant : 79 % des notaires interrogés ont constaté une baisse de leur chiffre d’affaires. Dans le Rhône, Philippe Rambaud nous signale une baisse de 2 % depuis septembre, mais certains de ses confrères enregistrent une chute de 40 % depuis 8 mois ! En moyenne, la baisse du CA a été constatée depuis l’été et oscille entre 15 % et… 30 %. Ainsi, Philippe Deloison (Val d’Oise) a vu son chiffre baisser de 27 % depuis septembre, ce qui l’a déjà conduit à 2 licenciements. Tous les secteurs sont touchés de plein fouet, mais pour 80 % de notre panel, c’est l’immobilier qui est le plus atteint. « Surtout lorsque les ventes sont assorties à des dossiers de crédit » nous dit une lectrice de l’Hérault.  D’ailleurs, le volume de ses ventes a baissé d’un tiers depuis juin. Dans l’Oise, Edith Brillant a constaté, depuis le début de l’année, une baisse de 20 % pour les ventes et de 37 % en négo, ce qui ne l’empêche pas de vouloir développer ce secteur et d’être « encore plus performante ». Pour d’autres, comme Catherine Le Carbonnier (Orne), « tout le dynamisme dont on peut faire preuve ne peut pas grand-chose face à la crise ». De son côté Maxime Prestat (Deux-Sèvres) est bien décidé à « garder le moral et à faire de la qualité pour avoir plus de clients ». Il note cependant qu’en cette période où l’activité économique « est au plus bas », « les clients ne veulent rien faire : ils ont peur de donner, peur d’investir… ». Enfin, la majorité de notre panel prédit que la crise durera jusqu’au deuxième semestre 2010.

 

Quel secteur d’activité allez-vous développer ?

Pour rebondir, 63 % envisagent de dynamiser un secteur d’activité. Les autres, notamment lorsqu’il s’agit de petite étude rurale, préfèrent faire le dos rond et attendre. Une « gestion plus serrée » est généralement de mise. Lorsqu’ils envisagent de développer une activité, notre panel opte, le plus souvent, pour la gestion de patrimoine (32 %), le conseil aux entreprises (18,5 %) et la négo (8 %). Certains, comme Henri Aubin (Mayenne) préfèrent « investir en temps et disponibilité » pour être plus présent auprès de la clientèle, et « aller chercher des affaires ». « La crise actuelle va me permettre d’aller chercher de nouveaux clients, de faire de nouveaux contrats que je n’avais pas le temps ou l’envie d’élaborer (contrat de protection future par exemple) » nous dit Philippe Rambaud (Rhône). Dans l’Hérault, Jean-Philippe Andrieu mise sur le droit de la famille. La SCP Boué (Tarn-et-Garonne) prévoit de développer la gestion locative et l’expertise. Deux secteurs cités à de nombreuses reprises par notre panel.

 

Quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre pour faire face à la crise ?

Gel des recrutements 33 % Licenciements 11 % Arrêt des investissements 17 % Chasse aux dépenses superflues 35 % Autre* 4 % * Sont notamment cités la réduction, voire la suppression, de la prime de fin d’année, le remplacement de temps complets par des temps partiels, le non-remplacement de collaborateur parti…

 

Quelle « mesure positive » allez-vous adopter ?

Jean-François Blet (Var) projette une mise à jour en GP et conseil aux entreprises. Quelques-uns comme Jérôme Ray (Isère), Christian Louf (Oise), Christian Haddad (Morbihan) ou la SCP Geffroy et Raison (Morbihan) vont profiter de cette période pour mieux s’organiser et suivre (ou poursuivre) la DQN. Dans les Pyrénées-Atlantiques, Jean-Bernard Bousquet (qui nous signale en être à sa 3e crise) conseille à ses confrères d’éviter les programmes immobiliers et les invite à s’appuyer sur un personnel qualifié. Jean-Philippe Andrieu (Montpellier) envisage d’ailleurs de faire des « embauches ciblées sur des collaborateurs apportant une plus value ». Un de ses confrères de Côte d’Or nous dit qu’il va être plus attentif à la gestion de l’entreprise. Nombreux sont d’ailleurs ceux qui estiment que la crise va permettre de revenir à une gestion plus « raisonnable ». Denis-Pierre Simon (Rhône), Jean-Jacques Boué (Tarn-et-Garonne) et Martine Thomas-Crolet (Saône-et-Loire) vont suivre des formations. Enfin, pour certains, comme Alain Naudin (Deux-Sèvres), la meilleure réponse à la crise est de faire du « vrai notariat », c’est-à-dire du droit de la famille, du droit agricole, du droit rural, du conseil aux entreprises et aux particuliers. Bernard Ducarouge (Saône-et-Loire) va développer l’expertise et maintenir le cap de la négo.

 

Quelles sont les conséquences de la crise ?

À mauvaise nouvelle, faisons bonne fortune ! La crise a des aspects positifs : • 1. Elle assainit le marché immobilier. Arnault Merle (Côte d’Or), Isabelle Perrossier (Drôme), Nicolas Parenteau (Charente-Maritime), Philippe Faure (Loire), Gérard Fillon (Deux-sèvres), Henri Aubin (Mayenne) et de beaucoup de leurs confrères y voient l’occasion de revenir à une valeur plus saine et plus cohérente du marché immobilier. • 2. Elle laisse du temps… pour rattraper son retard dans la gestion des dossiers, pour réorganiser son étude, voire se lancer dans la DQN, pour se former. • 3. Elle ne remet pas en cause l’augmentation du nombre des notaires C’est l’avis de notre panel à la quasi-unanimité. Toutefois certains, dont Bruno Messié (Drôme), estiment que cela ne se fera pas dans les délais prévus par le CSN… • 4. Elle donne des arguments qui plaident en faveur du maintien de l’immobilier dans le giron notarial. À condition nous dit-on de communiquer sur la sécurité juridique des opérations immobilières réalisées par l’intermédiaire du notaire. D’ailleurs, comme le constate Jean-Louis Foursans-Bourdette (Pyrénées atlantiques) la crise des subprimes démontre qu’il n’y a pas de salut sans le contrôle vigilant des notaires. Pour Marie-Andrée Atlas (Morbihan) et Henri Aubin (Mayenne), la crise va renforcer le conseil notarial et mettre en avant le savoir-faire de la profession.