Entre foie gras et dinde aux marrons, cette fin d’année est favorable aux crises de foie. Quant à la crise économique, aidée de la commission Darrois, elle risque fort de nous conduire à la crise… de foi.

 

Ma foi, il est des fois où on les a… les foies ! Il y a encore quelques semaines, un consensus susceptible de satisfaire les avocats sans trop nuire aux notaires, semblait avoir été trouvé par la Commission Darrois. Pas de profession unique, mais une formation avec un tronc commun et, surtout, une participation plus active des notaires à l’accès au droit, notamment par l’alimentation des caisses de l’aide juridictionnelle. Mais les avocats sont remontés à l’assaut, revendiquant l’ouverture du fichier immobilier (ou autre chose de valable). Plusieurs idées auraient alors été évoquées, sans faire l’objet d’une préconisation définitive (et pour cause !)

• Partage des émoluments de ventes avec les avocats lorsque ces derniers assistent les clients. En résumé, le notaire ferait tout le travail sous son unique responsabilité, mais partagerait sa rémunération ! Le risque est grand que les avocats justifient leur intervention sur des grosses ventes en annonçant à leurs clients un coût inférieur s’ils interviennent et en convenant, avec eux, d’une remise d’honoraires… Cette idée est inadmissible pour le notariat.

• Interdiction pour les notaires de faire certains actes, comme les baux qui sont « constitutifs de concurrence déloyale » car seuls les baux notariés ont force exécutoire. L’idée de concurrence déloyale a ici des relents de choux de Bruxelles…

• Impossibilité pour les notaires de recueillir les consentements à adoption ou à PMA : là, on veut bien leur laisser, mais soyons réalistes, ce sera une charge pour les avocats. De plus, si le législateur les a confiés aux notaires, c’est en raison de leur gravité.

• Confier les avants-contrats de vente aux avocats, mais quel en serait l’intérêt ? Certes, ils ne seraient pas forcément moins bien faits que ceux des agences et nous avons pour habitude d’en vérifier les clauses. Mais les agences et les notaires les font gratuitement…

 

Remue-méninges

Nous savons que les avocats reviennent à la charge avec leur acte sous signature juridique (ou acte d’avocat). Cet acte n’aurait pas de force probante supérieure à l’acte authentique (mais au plus égal), pas de force exécutoire, ni date certaine. Tous ces remue-ménage et remue-méninges ne manquent pas de susciter quelques questions. Les avocats ont des problèmes, c’est indéniable. Mais pourquoi aller chercher ailleurs les solutions qu’ils ne peuvent mettre en place eux-mêmes ? Et s’ils nous prennent quelque chose, que nous donnent-ils en échange ? Ils nous proposent la représentation devant les TGI. Or, celle-ci doit être supprimée à plus ou moins court terme… Question : et si les avocats y allaient au bluff et misaient sur notre prétendue « culpabilité » (monopole, gros revenus) ? Allons-nous préférer lâcher un peu de lest plutôt que de risquer tout perdre ? Mais perdrions-nous vraiment tout ? Si nous sortions gagnants de cette partie de poker, n’en serions-nous pas renforcés ? Les notaires ne sont pas joueurs par éthique, ils ont tout à perdre, gageons qu’ils préféreront choisir ce qu’ils perdront…

 

Interprofessionnalité

L’interprofessionnalité provoque de l’urticaire. Pourtant, elle permet de garder les spécificités de chacun tout en créant une synergie positive pour tous. Pourquoi déshabiller les uns pour habiller les autres ? À quoi bon vouloir les assimiler totalement ? Lier réellement (et sans artifice) des professionnels différents et complémentaires, dans une même structure juridique et des bureaux communs, ne serait-il pas plus utile ? Nous aurons besoin de 3 500 notaires dans les 3 ans. C’est l’occasion d’ouvrir nos études. En le faisant et en le contrôlant, nous gardons le contrôle sur ce que nous sommes prêts à partager. C’est bien l’interprofessionnalité qui pourrait sauver le notariat et le barreau en même temps. Qui sait, à force de nous côtoyer, nous finirons peut-être par nous aimer… Et peut-être qu’une nouvelle profession naîtra d’elle-même un beau soir entre l’âne et le bœuf ?