Un décret devrait intervenir avant l’été pour imposer des ratios aux notaires et à leur étude. Champagne pour ce texte qui établira la sacro-sainte équation par laquelle sera opéré le nivellement de notre profession ! Après cela, osera-t-on encore la qualifier de « libérale » ?
Les ratios instaurés s’appuient sur deux critères : • un chiffre d’affaires maximum de 700 000 euros par notaire. • à défaut, une limite de 600 actes à ne pas franchir ou/et la présence de 6 collaborateurs par notaire. Le dépassement du premier critère et de l’un des deux seconds entraînera l’obligation de s’associer ou d’accueillir un notaire salarié, à défaut des sanctions.
Des questions…
Cette nouvelle donne ne manque pas d’apporter bon nombre d’interrogations :
• Que se passera-t-il tout d’abord en cas de dépassement momentané des critères, par exemple suite à un gros programme dont le nombre d’actes et les émoluments qui en découlent ne se produisent que rarement ?
• Que représentent les 700 000 euros (chiffre d’affaire, produits financiers, valeur ajoutée) et sur quelle base (déclaration CSN, déclaration fiscale) ?
• Doit-on compter les fausses minutes ?
• Comment les critères s’appliquent-ils lorsque les notaires ne sont pas associés par parts égales ?
• Comment gérer les collaborateurs à temps partiel, les négociateurs, les CDD, les intérimaires ? Doit-on inclure les personnels d’entretien ? Quid des collaborateurs dépendant d’un GIE inter-études ?
Par ailleurs, ces critères font la part belle aux études à très forte rentabilité. Combien d’études parisiennes dépasseront très largement le premier critère, sans jamais atteindre l’un des seconds ? Parallèlement, il y a bon nombre d’études qui seront à peine au-dessus du premier, mais très largement au-dessus des seconds.
…Et des constats
L’application de ces critères va conduire les plus réticents d’entre nous à limiter le nombre de salariés, et à augmenter les heures supplémentaires, voire à faire sous-traiter certaines tâches en France ou à l’étranger. D’autres s’associeront avec des associés très minoritaires, quitte à prendre des « associés de paille ». Certains, encore, pour réduire le nombre d’actes, n’hésiteront pas à dire adieu aux notoriétés, échanges ruraux, donations entre époux, contrat de mariage et aux « nouveaux divorces ». Mais surtout, c’est le nombre d’actes authentiques qui risque d’être réduit ! À chaque fois que cela sera possible, les notaires rédigeront des actes sous-seings privés (cessions de fonds de commerce, statuts de sociétés pour ne citer que les plus courants). Enfin, pour ne pas « gâcher » le personnel, adieu formations, stages et tout ce qui retiendra quelqu’un hors de l’étude sans parler de l’effet que cela va avoir sur l’embauche des stagiaires… On pourrait même voir des études fermées le 13 novembre pour cause de risque de dépassement de quotas…
Acte authentique
Refuser les petits actes et inciter à la rédaction des actes sous seings privés, ne pas former ses collaborateurs, c’est toucher au cœur, à l’essence même de notre profession… Et c’est de là que pourrait venir notre perte. On constate que ces critères sont trop bruts, et l’équation n’est pas si simple. Pour bien faire, il faudrait lisser les effets de seuil, par exemple en tenant compte du produit moyen à l’acte. Il faudrait également prévoir un mode de compensation : les études dépassant le premier critère, mais n’atteignant pas les seconds, reverseraient, suivant différents paliers, une quote-part à un fonds qui aiderait les études moins rentables. Quitte à collectiviser, autant le faire à fond. Face à cette mesure ponctuelle, c’est en fait une réflexion plus globale sur notre profession qu’il aurait fallu mener. D’où l’incohérence (je n’ose penser à une manœuvre des puissants contre les plus faibles…) de ces mesures et leur caractère incomplet. Il semble dommage d’avoir refusé en bloc toutes autres suggestions, car à vouloir niveler, nous allons accentuer les écarts et surtout sortir du cadre de notre métier : l’acte authentique. La chasse à l’article 4 et aux activités non traditionnelles restant ouverte, notre développement semble bien compromis. Mais qu’à cela ne tienne, il restera une porte qui nous sera toujours ouverte, une porte totalement libérale et que nous serons peut-être un jour contraints de passer : celle du Barreau…