Chaque matin, lorsque je me savonne la barbe (avec un blaireau synthétique), j’ai une pensée émue pour les blaireaux, ces charmantes petites bêtes menacées d’extinction…

 

Dans sa phénoménale stupidité, le chasseur sanguinaire traque les blaireaux jusque dans leurs terriers et organise même des Championnats de France de déterrage. Je sens alors monter en moi une sourde colère que je réfrène aussitôt, de crainte de me taillader les joues, le cou ou le menton. Pour apaiser le feu du rasoir, je ne manque pas de me passer sur le visage, encore humide, la pierre d’alun, antiseptique et astringente. Un petit coup d’eau de toilette (Héritage de G..), car “le notaire se parfume à l’héritage…” et normalement, je devrais me sentir d’attaque pour la journée.

 

Les barbiers de Venelles

J’arrive à l’étude pour la quotidienne ouverture du courrier. J’en retire des factures en nombre parmi lesquelles celles de l’ADSN, de Réal.not, de PERVAL MIN. La colère me gagne à nouveau et je fulmine. Comment ne pas se fâcher à l’idée, qu’en notaire docile, j’alimente les bases de données de ces établissements en payant et que, dès lors que je les consulte, je paye une nouvelle fois ? Rasé de bas en haut et de haut en bas, j’ai certes une peau de bébé, mais le sentiment de contribuer à la création d’une nouvelle corporation : celle des “crédits rentiers informatiques”. Décidément, la corporation des “Barbiers de Venelles” me rase de très près au moyen d’un coupe choux à dix lames. Par un autre courrier, j’apprends que l’ADSN vient d’acquérir la société PMS, suite à la déconfiture de Mnémosyne. Tout me laisse à penser que les barbiers de Venelles se constituent une nouvelle rente, révisable annuellement en fonction de la variation de l’indice mensuel laissé “à la guise” de ladite corporation. Inutile de vous préciser que le sang me monte au visage, je suis, non seulement rasé de près, parfaitement glabre, mais carrément écorché !

 

Vive les notaires barbus !

Alors, pour ne plus être sous l’emprise de la colère, j’ai décidé de ne plus me raser… Car, dans cette affaire, le blaireau, c’est bien moi ! Autant lui ressembler.

Et vive les notaires barbus, l’avenir leur appartient. C’est là que je me dis que mes charmantes consœurs ont bien de la chance, une nature délicate les fait naître imberbes. J’espère toutefois qu’elles continueront à m’embrasser même si je ressemble, dans un proche avenir, à l’homme de Cro-Magnon.