“Si vous ne savez pas où vous allez, vous allez probablement vous retrouver ailleurs.” J.L. Peter & R. Hull, Le Principe de Peter, XV
Dans leur rapport respectif, Attali et Darrois montrent du doigt les notaires qui “ont fait du gras” pendant les années précédentes. Entre dissonances cognitives et évidences profondes, quelles conclusions en tirer ? Petite réflexion en 4 principes.
Principe n° 1 : Re-bâtir un mur d’Hadrien contre le droit anglosaxon !
Mal assurés, hypocondriaques, les notaires font du contre-sens. Ils désignent la common law comme un ennemi barbare et snobent leurs alliés (le “service public” et l’harmonisation européenne). Dans le même temps, ils acceptent “d’être possédés” par des holdings (pouvant être composées d’avocats étrangers) et refusent de lever la condition de nationalité, acceptée par les autres notariats européens non financiarisés. Ils prévoient même l’avènement d’un notaire tellement spécialisé qu’il ne saurait pas exercer seul… Pendant ces passes d’armes, ils passent à côté des changements indispensables que la société réclame (probité, réglementation, économie de moyens et maximisation de l’efficacité…).
Principe n°2 : Ne pas préparer demain avec les plans d’hier
Attali voulait lever les freins à la croissance, mais c’est la décroissance qui a été au programme ! Darrois mise sur le développement et sur l’interprofessionnalité, veut banaliser la preuve et les contrôles, mais c’est le retour de la réglementation qui s’avance. MAM dit qu’il “faut dépasser les réflexes nationaux, rejeter la tentation de l’immobilisme et du repli sur soi”, mais de plus en plus, le notariat français se détache du modèle médian européen (tant sur le plan statutaire qu’au regard du domaine d’activité). Pour MAM, “la crise a trouvé son origine dans la finance, mais trouvera son issue dans le droit”. Alors, pourquoi laisser s’amplifier la “financiarisation du notariat” ? La concurrence qui suivra entraînera inéluctablement un affaiblissement de sa fiabilité… Légiférant sur le statut des pharmaciens, les Allemands et Italiens l’ont bien compris et ont été confirmés par la Cour Européenne qui donne au passage une leçon de philosophie !
Principe n°3 : Ne pas croire au retour durable de la croissance
Il n’y a que les fous et les économistes qui peuvent encore y croire ! La crise économique s’est installée partout dans le monde qui essaie de mettre en place des moyens pour éviter son retour. Les “médecins” de l’économie et de l’écologie se partagent entre le régime “croissance durable” et la diète “décroissance”. Tous sont unanimes sur le besoin de contrôle et la nécessité de réduire la consommation. Or, voilà qu’à l’heure où la “grande distribution” se déploie en “commerces de proximité”, il est proposé aux notaires de se regrouper ! Le notariat est l’outil public de contrôle et de certification, il a été perfectionné au cours des siècles. Ne serait-il pas plus judicieux de laisser partir ceux qui veulent jouer dans la “cour des avocats”, monter des “law firms” et des réseaux ? La rigueur s’accommode mal à la liberté…
Principe n°4 : Se demander si le notaire est un juriste comme les autres
L’éthique du contrôle et le “conseil partisan” ne sont pas aisément compatibles, c’est là le vrai débat du notariat français et européen. Le notariat belge souffre actuellement d’une violente attaque contre ses activités immobilières. En juin 2009, la cour d’appel de Mons a jugé que les activités immobilières d’un notaire de Feluy étaient “contraires aux usages honnêtes en matière commerciale”. Et de préciser que “Le courtage immobilier est un acte commercial qui ne cadre pas avec l’activité notariale”. Dans cette affaire, la Fédération royale du notariat belge et la Chambre des notaires du Hainaut étaient parties prenantes. C’est donc à l’ensemble des notaires de Belgique que cette “interdiction” est faite. En France un projet de loi vise à limiter les activités complémentaires des huissiers de justice. Ces phénomènes ne feront que s’amplifier. Il est sain qu’un officier public puisse pratiquer des activités annexes compatibles avec sa fonction, mais pas qu’il développe des activités dans le seul but d’exploiter une entreprise de profits absorbant toute sa disponibilité et générant des oppositions d’intérêts incompatibles avec sa fonction. À mon sens, la notion de “notaire entrepreneur” n’a pas d’avenir et il nous faut veiller aux incompatibilités avec les “fonctions d’intérêt public”. En Indonésie, le Ministre des finances Sri Mulyani Indrawati a pris une mesure radicale pour éviter des accusations de conflits d’intérêt : fin 2009, elle a interdit aux fonctionnaires de son administration de fréquenter de trop près les banquiers, et notamment de jouer au golf avec eux ! “Il vaut mieux éviter toute promiscuité plutôt que de devoir ensuite s’épuiser à se justifier”, a-t-elle précisé…