Voilà bien longtemps que revient sur le tapis notarial la question de la démocratie. Sous des vocables variés, on entend les mots qui agitent les idées et, parfois, les reproches populaires : cooptation, « tour de bête »… Depuis la loi de Ventôse, et un peu avant dans les « corporations anciennes », les élections rythment la respiration notariale. Alors, que peut-on souhaiter de plus ou de mieux ?
La démocratie « extrême », tentée à Athènes 500 ans avant notre ère, avait tout de l’utopie. Elle a connu de longues éclipses et ne s’impose toujours pas partout. Elle est pourtant le phare à espérer. Le notariat l’a-t-il atteint ? Oui, si on ne considère que les élections libres et fréquentes. Pas tout à fait, quand on constate les téléguidages, coteries, « chaises réservées », candidatures uniques aux résultats préconnus « de maréchaux » ! Est-ce à conserver en l’état ? Est-ce perfectible ou inévitable ?
Le système actuel : bien, mais…
Le système actuel a certes des qualités : tout le monde sait où il va, quand, par quel moyen et avec qui. Ce confort « statique » convient, sans doute, à un certain nombre car il est bien pratique pour éviter tensions et débats en période de calme plat. D’autant qu’à tout bien considérer, les résultats ne sont pas toujours négatifs. La plupart de nos chefs sont pleins de dévouement, de bonne volonté, et agissent au mieux, souvent en évitant le pire en cas de tempête. Ce fut notamment le cas en 1982, lors de la remise en cause de notre statut et, plus récemment, avec l’offensive des barreaux… Par ailleurs, de nombreux confrères sont élus à pléthore de structures (y compris les « volontaires »). Ils peuvent s’y exprimer et ne s’en privent pas. L’Assemblée de Liaison est un exemple, encore que d’aucuns, peut-être mal intentionnés, prétendent que ce sont souvent les mêmes que l’on entend partout… et, qui plus est, se servent de ces tribunes comme d’un « marche-pied » pour accéder aux plus hauts degrés. Horribilis ! Dans les chambres, on a pourtant bien tenté d’améliorer les choses : à côté de la candidature « officielle », on peut se présenter jusqu’à la dernière minute, mais pas partout et, semble-t-il, sans grand résultat ! Enfin, à Paris-Maubourg, les jeux sont faits et même parfaitement huilés et verrouillés !
Vive le suffrage universel ?
La solution idéale, s’il en existe une, ne consisterait-elle pas à explorer la merveilleuse notion du suffrage universel ? A-t-on trouvé meilleure idée pour asseoir la liberté individuelle, en équilibre, certes instable, avec l’ordre social ? Imaginons, par exemple, aux trois niveaux locaux et national, une élection ouverte du président et des deux tiers des membres au suffrage universel direct. Le président ayant ensuite la faculté de choisir, à sa seule guise, les membres de son bureau avec lequel il va pouvoir ainsi travailler efficacement. Cela permettrait plusieurs candidatures et, même, favoriserait quelques salutaires discussions sur un programme. Que prévoit-on de faire ? Un peu d’animation ne ferait peut-être pas de mal. Sans doute, verrait-on, ici ou là, émerger quelques bonnes idées et autres talents cachés. Au moins, le paysage en serait-il éclairci et débarrassé de ses suspicions et « non-dits » qui obscurcissent parfois l’atmosphère…
Du pain sur la planche pour nos structures
Et si on en parlait, par exemple à l’Assemblée de liaison, bien qualifiée pour déblayer et préparer le terrain ? Jeune Notariat dont l’innovation constitue la raison d’être, pourrait aussi s’atteler à cet important chantier. Pourquoi pas le Syndicat ? Pour éviter un procès en utopie, nous pouvons affirmer la réalité et l’efficacité d’une élection présidentielle ouverte, remontant pour le CSN à la fin des années 1960 où Louis Deteix fut élu en obtenant plus de voix que Me Benoît, notaire à Paris, pourtant candidat officiel ! Sous sa présidence, le CSN fut réorganisé, VIP fut créé, et le notariat ne sombra pas ! Son premier édito, paru dans le premier numéro de Vie Professionnelle, titrait « Ne plus subir ». Il y résumait le « programme » sur lequel il avait été élu. Sans doute, n’a-t-il pas fait de miracles, du moins a-t-il prouvé qu’être élu président du CSN, sans avoir été coopté, était possible et positif. Pourquoi ne pas améliorer la faisabilité, si faire se peut ? !
Enfin, un président élu sur un programme, au suffrage universel direct et ouvert, recevrait ipso facto autorité et pouvoir. Aujourd’hui, il a certes acquis à l’usage une certaine autorité, mais le pouvoir lui manque face aux gouvernants car les textes actuels ne lui en confèrent aucun ! Il lui serait pourtant bien utile en période troublée ou difficile. N’a-t-on pas vu, lors d’un bras de fer récent, la tentative de la Chancellerie de lui opposer le Syndicat pour cause de représentativité « légale » ? Si l’on admet que le suffrage universel direct et libre est la pierre angulaire de toute démocratie, il ne nous reste plus qu’à y apporter tous notre petit caillou. Alors au travail !