Lorsque les prix montent, chacun est tenté de vendre dans l’espoir d’une plus-value. D’où une multiplication des transactions. Dans le cas d’une baisse, la frilosité l’emporte, chacun craignant une moins-value et rêvant d’une nouvelle hausse. Ce faux espoir entretient la pénurie des échanges. Mieux vaut donc être réaliste et éviter toute démagogie.

 

Les organisations professionnelles qui doivent faire le bonheur de leurs adhérents ont souvent l’obligation de privilégier les bonnes nouvelles, et parier sur le caractère éphémère des mauvaises. Ainsi, pour 2007, les promoteurs ont annoncé une année record pour les logements neufs, la Fnaim a exclu tout « retournement brutal de la conjoncture » et les Chambres de notaires ont constaté une grande vitalité du marché, anticipant pour la fin de l’année passée une hausse des prix qui devrait atteindre 9 % sur Paris.

 

Des nouvelles qu’il faut relativiser…

Cependant, après un premier trimestre 2007 exceptionnel (32 532 ventes), les ventes d’appartements neufs n’ont cessé de décliner, trimestre après trimestre, pour revenir au niveau atteint en 2004. Soit 24 835. Fin décembre, les stocks de logements neufs mis en vente ont même retrouvé les sommets atteints en 1992, en pleine crise, leur délai d’écoulement dépassant 11 mois. Quant au prix des logements anciens, selon l’indice Notaires-Insee, leur augmentation sur l’ensemble de la France a successivement régressé de 14,8 % en 2005 à 9,9 % en 2006 et 5,6 % fin septembre 2007. Or, à cette date, les prix concernaient des transactions réalisées au printemps et authentifiées par un acte notarié quelques mois plus tard. Depuis, le déclin s’est poursuivi. En outre, les ventes sur Paris n’en constituent qu’une petite proportion (15 %).

 

…et d’autres plus inquiétantes

D’autres nouvelles sont plus inquiétantes. Elles émanent des économistes qui, s’appuyant notamment sur le recul actuel des prix aux États-Unis, prévoient une baisse en Europe de 20 à 30 %, voire plus, dans les années qui viennent (1). En France, l’évolution des prix des terrains apparaît comme un signe avant-coureur du marché immobilier. En effet, lorsque le prix des logements anciens paraît trop élevé, ce qui semble le cas, la demande se reporte sur l’acquisition de terrains à bâtir ou, à défaut, d’un logement collectif dont le prix dépend pour partie du prix d’achat d’un terrain. Or, suivant les résultats d’une enquête de conjoncture, réalisée par l’Insee en janvier 2008, « les promoteurs font état d’un net ralentissement des prix, tant pour les logements neufs que pour les terrains. Ils sont de plus en plus nombreux à signaler les difficultés financières des candidats à l’acquisition : moyens de financement limités et apport personnel en diminution (2) ». Enfin, les réponses reçues lors de notre dernière enquête ne sont pas plus réjouissantes et confirment cette inquiétude.

 

Évolution de l’activité

Le début d’année s’est révélé plus difficile que prévu dans de nombreuses études. Seules 5 % d’entre elles constatent une amélioration de leur activité. Le gonflement des portefeuilles s’accompagne de la raréfaction des acquéreurs et de négociations plus longues. À Châteaudun, Elodie Citerne- Pinault en précise même la durée : « Six mois en moyenne, entre le mandat et la signature du compromis ». Pour les mois à venir, les perspectives paraissent s’améliorer avec un net redressement entre février et avril.

 

Évolution des prix

La tendance pessimiste se renforce au niveau des logements car, maintenant, pour une majorité de négociateurs, l’estimation des biens se fait systématiquement à la baisse. Parfois, comme dans le Tarn, à l’Étude d’Yves et Vincent Paulin, on note « une stabilisation des prix qui entraîne une baisse de la demande ». Par contre, les prévisions sur les commerces connaissent une nette amélioration. Pour les terrains, les opinions sont de plus en plus partagées. Fin février, 21 % de notre panel ont constaté une hausse contre 20 % une baisse des prix. Le solde s’élève donc à 1 %. Il est intéressant de comparer l’évolution de ce résultat avec celui provenant des réponses des promoteurs à l’enquête trimestrielle menée par l’Insee. Les méthodologies en sont similaires mais la périodicité différente (voir tableau). Jusqu’à l’automne, les chiffres étaient très comparables et orientés vers la diminution de l’écart entre réponses haussières et baissières. Depuis, cet écart a diminué plus fortement chez les notaires. Probablement parce que leur implantation est plus importante hors des villes. Leurs prévisions à deux mois sont même légèrement négatives (voir graphique ci-après).

 

Le conseil des notaires

Peu d’évolution dans les conseils prodigués sur les logements par nos correspondants notaires. Seule une minorité (19 %) considère toujours que, dans leur région, il reste encore de bonnes opportunités pour une augmentation des prix. Plus surprenant : les conseils relatifs aux transactions sur les terrains s’orientent plutôt à la vente (43 %) qu’à l’achat (38 %). Lors de notre enquête d’octobre 2007, près des deux tiers des notaires conseillaient encore d’être acheteur de terrain. Ce renversement de tendance est donc assez brutal. Mais il est parfaitement cohérent avec le graphique des prévisions de prix.

 

Évolution de l’environnement économique

L’or, le pétrole et l’euro dépassent des niveaux jamais connus antérieurement : 1 000 dollars l’once pour le premier, 100 dollars le baril pour le second et 1,50 dollar pour la monnaie européenne. Ce qui n’arrange pas le commerce extérieur de la France. La Bourse est au plus bas. Parallèlement, depuis un an, les prix de l’immobilier déclinent aux États-Unis. Or, depuis une trentaine d’années, l’Europe suit un mouvement parallèle, caractérisé par des cycles expansion-récession d’une dizaine d’années. Ce qui signifie que les prix devraient baisser, à moins que, compte-tenu de son rendement, l’immobilier conserve sa réputation de valeur refuge.

 

NDLR : Cette enquête porte sur janvier-février 2008

1 – Aux États-Unis, les prix ajustés de l’inflation n’ont pas changé entre 1890 et 1990. Il faudrait qu’ils s’effondrent de 50 % pour retrouver un niveau comparable. 2 – INSEE CONJONCTURE n°32, 29 janvier 2008.