Hasard du destin ! À l’heure où nos colonnes se penchent sur la solidarité, notre Président Bernard Reynis nous envoie à tous un questionnaire, sorte d’état des lieux prospectif de notre belle profession où il est notamment question de solidarité…
La solidarité, dans notre profession, est une des composantes essentielles d’une notion plus grande : la confraternité. Plus qu’une entente amicale, cette confraternité, « véritable fraternité » contre-nature, établit entre nous un lien secret. Elle repose sur un ensemble de règles -écrites ou non- qui régissent nos rapports. Car au fond, que l’on soit notaire à Paris, dans une grande ville ou au fin fond de la campagne française, quelles que soient les spécificités de nos clientèles, nous faisons tous partie, bon gré mal gré, de la même famille. Dans le questionnaire « Notaires de France-Horizon 2015 » (que je vous invite tous à compléter avant le 5 octobre), le CSN pose d’ailleurs la question de la nécessité d’écrire les règles « de bonne conduite ». Je ne peux, pour ma part, que répondre affirmativement. La Chambre des notaires de l’Ain l’a fait en rédigeant et proposant à la signature de tous les membres de la Compagnie une charte « confraternelle ». Le fait que les règles qui vont de soi soient écrites, leur donne davantage de valeur. Toutefois, la Chambre de l’Ain a voulu non pas l’imposer à tous, mais que ce soit un acte volontaire de chacun. Sa signature est également proposée à tout nouvel arrivant. Ainsi, lorsqu’un confrère manque à ses devoirs, il est plus facile de lui rappeler qu’il a volontairement signé cette charte.
Formation et solidarité
D’autres questions -dont les thèmes sont chers à N2000- sont posées de façon plus furtive. C’est notamment le cas du partage d’émoluments ou d’honoraires entre nous ou avec d’autres professionnels, du parrainage ou encore de la formation. Deux sujets m’interpellent tout particulièrement.
• La fameuse « pantoufle » : Il est enfin envisagé de créer des contrats de travail spécifiques à notre profession, obligeant le collaborateur à rester dans l’étude ou dans le notariat pendant une durée équivalente à sa formation. Cette idée est bonne, mais ne va pas assez loin. Nous formons un grand nombre de cadres pour nos concurrents. Il aurait été utile de prévoir, en plus, une indemnité à la charge de celui qui quittera le notariat, système dit de « la pantoufle » en pratique dans toutes les grandes écoles (X, ENA, Impôts). Car cette formation nous prend non seulement du temps, mais nous coûte cher. Et parfois, nous n’avons aucun retour sur investissement. En revanche, nous donnons à nos concurrents des personnes formées à nos armes…
• La cession à une SEL intégrant un associé. Certes, il ne semble pas concevable de bloquer un dossier de cession à une SEL qui serait constituée du cédant et d’un futur associé. La question n’est pas allée assez loin. Il semble difficile de concevoir qu’un notaire (ou une SCP) cède son droit de présentation (je rappelle que nous n’avons pas de clientèle, c’est une hypocrisie suprême) à une SEL constituée de lui-même ou des mêmes associés que la SCP. Pourtant, les médecins, les avocats et bien d’autres (architectes, géomètres experts…) le font. Faudra-t-il attendre que M. Mario Monti sous la houlette de M. Attali, libéralise totalement notre profession pour y avoir droit ? Ou faudra-t-il qu’un notaire courageux aille porter son refus devant le Conseil d’État pour obtenir raison contre la Chancellerie ?
Suffrage universel
Le CSN semble, par ce questionnaire, vouloir enfin faire face à la réalité de notre quotidien, une sorte de « réduction de la fracture notariale ». La preuve en est qu’il met même en doute sa légitimité en évoquant la possibilité d’instances plus représentatives et surtout composées de membres élus plus démocratiquement au suffrage universel ! Il va même jusqu’à évoquer une possible remise en cause du fonctionnement des Cridons -en les fusionnant en un seul Cridon- et s’interroge sur l’utilité des Instituts, fort utiles s’ils étaient mieux connus ! Un regret toutefois : aucune question ne porte sur notre quotidien concret, et notamment sur le statut d’un notaire remplaçant. Ce bémol ne doit pas pour autant ternir la satisfaction de voir que les idées de la base et les propositions émises par les organismes volontaires (N2000, MJN, Syndicat…) ont été entendues. Seront-elles adoptées ? Espérons que les réponses à ce questionnaire le permettront et que cette enquête aboutira à un résultat plus vivant que le projet des notaires de France !