La solidarité dans le notariat, est-ce un vœu, un mythe, une vue de l’esprit, une nécessité, une proposition hypocrite ou une réalité ? Une chose est sûre : des efforts sont à faire en direction des collaborateurs…

 

MOI : Personnellement, je crois la solidarité nécessaire et j’ai envie d’y croire, car c’est une valeur qui, comme l’éthique ou la morale, correspond bien aux fondements du notariat.

Moi : En ce siècle de grand changement et pour une profession libérale comme la nôtre, crois-tu que ce soit vraiment la qualité première à mettre en exergue ?

 

MOI : Je te rappelle tout de même que notre règlement évoque la solidarité de façon très précise, en cas de difficulté dans un dossier et lorsqu’on est appelé à siéger à la Chambre ou au Conseil régional.

Moi : En ce qui concerne les fonctions électives, on pourrait penser que le devoir de rejoindre les structures dirigeantes répond au devoir de solidarité, mais depuis le paiement d’indemnités confortables aux élus, personnellement je n’y attache plus la même valeur.

 

MOI : Tu ne crois donc pas à l’existence et à la sincérité de la solidarité dans le notariat ?

Moi : Les mœurs actuelles ne vont pas dans ce sens. Trop de réglementations et de contraintes démotivent et, plus encore, déresponsabilisent. Plus il y aura d’élus salariés, plus les structures seront importantes et plus les confrères auront tendance à se décharger d’un certain nombre d’obligations morales personnelles sur l’Ordre (Chambre, Conseil régional, CSN). Un peu comme les Français, écrasés d’impôts et de contraintes, qui reportent sur l’État, l’éducation des enfants, l’assistance aux personnes âgées, les soins en tout genre…

 

MOI : Il est vrai que, dans un temps pas si lointain, quand les associations d’arrondissements fonctionnaient, les notaires se connaissaient bien et s’entraidaient.

Moi : Je ne saurais le confirmer avec exactitude. Je suis sûr d’une chose en revanche, car je l’ai constaté dans la Compagnie des notaires de l’Ain qui est, à mon point de vue, un exemple de convivialité, et donc de solidarité en germe : l’amitié entre tous s’est développée avec l’organisation et la prise en charge par le Crédit Agricole de voyages auxquels participaient tous les notaires de la Compagnie. Ils ont malheureusement été supprimés. Seuls demeurent des voyages réservés le plus souvent aux membres du CSN et du CR.

 

MOI : Tu regrettes donc cette période bénie ?

Moi : Exactement. De tout temps, les loisirs partagés ont favorisé la connaissance, l’aide, la solidarité entre notaires. Au lieu de consacrer quelquefois trop d’argent à des locaux somptuaires ou à une communication de complaisance, on ferait mieux d’utiliser les cotisations à un voyage pour tous les membres de la Compagnie. Le gain serait immédiat et on le constaterait par la réduction des conflits entre notaires et le développement de l’entraide.

 

MOI : C’est une approche particulière, mais peut-être as-tu raison !? La nomination d’un “Monsieur Solidarité” à la Chambre te paraît-elle nécessaire ?

Moi : Inutile et coûteuse. Un bon Président peut assurer ce rôle.

 

MOI : Vois-tu d’autres façons de faire vivre la solidarité dans le notariat ?

Moi : Entre notaires, je ne vois que la convivialité qui conduit à la confraternité puis à une solidarité plus active. Cependant, le monde notarial englobe des salariés et, sur ce point, notamment en ce qui concerne les jeunes, nous sommes individuellement très critiquables.

 

MOI : Il est vrai que lorsqu’on sait les horaires de certains clercs, notaires assistants, et le peu de considération qui leur est témoignée par les patrons, on ne peut que constater un réel manque de solidarité.

Moi : Dans notre profession, il est extrêmement rare de voir des patrons capables de conduire les jeunes futurs notaires avec l’estime, le suivi, la passion, l’empathie que montrent par exemple les grands chefs de cuisine vis-à-vis de leurs successeurs.

 

MOI : Penses-tu qu’à l’identique, l’étude devrait ressembler à une ruche active, avec ses coups de gueules, ses réussites, ses fiascos, ses plages plus calmes, mais au total le constat d’une véritable synergie entre patrons et employés, tous tendus vers le même but que sont la qualité et la satisfaction des clients ?

Moi : C’est un peu idyllique sans doute, mais c’est ce que j’aimerais voir… Et je suis sûr que l’on pourrait remonter ainsi jusqu’au niveau de la Compagnie et obtenir de tous les confrères et de tous leurs employés, l’adhésion à un projet commun, appuyé sur une solidarité constructive ! Je me souviens que dans l’Ain, une université départementale avait réuni à Bourg plus de 98 % des notaires et des collaborateurs. Lors du déjeuner en présence du Préfet, ce fut facile, crédible et gratifiant de présenter « la force tranquille du notariat ».

 

MOI : Quand l’esprit est là, les détails de l’organisation, les règlements, les convenances n’ont plus guère d’importance…