Ça y est : le questionnaire nouveau est arrivé ! Envoyé par le CSN à tous les notaires de France, il est intitulé « Horizon 2015 ». Un titre qui fait rêver et une enquête qui tombe à point !
Pour une fois, nous n’avons pas la tête dans le guidon, mais les yeux tournés vers l’horizon. Car les choses changent et il est bon, de temps en temps, de se livrer à une sorte de thérapie de groupe. Cette enquête passe toutefois à côté de différents points.
Successions
Les successions sont-elles en train de devenir le « parent pauvre » de notre activité ? Envoyer le projet de déclaration de succession, c’est bien, mais s’il est livré brut et sans explication, il est à craindre que cela soit perturbant pour les héritiers. Les procurations « à tout faire » sont généralement mal vécues. Et il y a souvent absence totale de conseil sur l’emploi des liquidités par le survivant, d’où sources de conflits dans nombre de familles, alors que le notaire aurait pu avoir un rôle explicatif et apaisant. Certains notaires ne font plus les successions, même lorsqu’elles sont obligatoires. Qu’en sera-t-il avec l’exonération du conjoint et la majoration des abattements ? Il est à craindre que les banques, ou d’autres professionnels prennent la relève sans tarder (www.heritage-succession.com).
Formalisme
Le formalisme l’emporte partout sur le juridique. Au motif de protection du consommateur, nous arrivons à des situations ubuesques. Pendant ce temps, nos archives ne cessent d’enfler. Ne peut-on envisager d’autres formules que le « compromis traditionnel » (en mettant sur pied un contrat « de réservation » par exemple) et diriger un projet de dossier technique complet à remettre au « candidat acquéreur ». Il serait bon de retourner à notre métier et de revenir un peu à un équilibre du contrat entre vendeur et acquéreur, plutôt que de passer notre temps à mettre en garde ce dernier…
Langage
Nous employons notre jargon juridique, y compris auprès de nos clients, sans même y prendre garde. Est-il normal d’adresser des procurations en vue de renoncer à l’action, qui « en rescision », qui « en retranchement », sans aucune explication, surtout quant aux conséquences ? Certes, nous envoyons nos projets d’acte avant signature, mais sont-ils réellement compréhensibles ? Y a-t-il une véritable volonté de clarification ? Quant à la « provision sur frais », en viendra-t-on un jour à une véritable pratique de devis préalable et à une réelle simplification de notre tarif ?
Collecteur d’impôts
Le notaire remplit ce rôle depuis toujours en matière de droits de mutation entre vifs ou par décès. Nous devons être efficaces en la matière, car voilà le champ d’action de notre collecte qui s’étend, peu à peu, à d’autres taxes et surtout aux plus-values. Au point que l’on puisse en arriver à oublier quelquefois l’intérêt du client ! Je pense aux impositions au titre des plus-values immobilières lorsqu’on ne décompte pas les frais, lorsqu’on refuse une déduction à laquelle le client peut prétendre, ou lorsqu’on lui demande de remplir lui-même ses déclarations… Certes, la tâche peut se révéler complexe et représenter un travail quelquefois disproportionné avec les enjeux. Mais notre rôle est-il de privilégier le fisc ou le client ? Ne faudrait-t-il pas envisager de s’entourer de spécialistes en fiscalité ?
« Télé@cteur »
Télé@ctes se veut la clé de voûte de notre avenir. Accélérer le processus des mutations immobilières ne peut qu’être encouragé, mais jusqu’où faut-il aller ? Quelle est la limite du transfert des tâches de chacun ? Nous risquons d’être embarqués rapidement dans un rôle où nous serons juge et partie, ce qui n’est pas forcément souhaitable…
Questions
Les seules vraies questions auxquelles l’enquête aurait pu se résumer sont finalement le rôle social du notaire (conseiller impartial et désintéressé, organisme collecteur d’impôts, conservateur du fichier immobilier), l’avenir de l’acte notarié (registre de clauses parapluie, recueil de bons de garantie, simple carte grise) et surtout l’avenir du notariat . Un sujet sensible après les “évocations” du président de la République, sur la déréglementation de certaines professions. Est-ce un écho à des souhaits de libéralisation européens ? Enfin, compte tenu des enjeux, faut-il se limiter à des réponses individuelles, qui seront surtout des réactions à chaud, et ne donneront pas forcément d’éléments de travail de fond ? N’aurait-il pas fallu mettre en place, également, des groupes de volontaires chargés de réfléchir un peu plus profondément, et de faire des propositions ? Quant aux retombées de cette enquête, espérons que la montagne n’accouchera pas d’une souris comme ce fut le cas pour notre dernier grand projet…