Les prix des logements semblent poursuivre leur ascension comme les profits des banques. Y aurait-il un lien de causalité ? Ne nous avait-on pas promis de mieux les contrôler pour sortir de la crise ? Promesses vite oubliées qui contribuent à l’envolée des prix immobiliers…

 

Regard sur l’actualité

Au moment du sauvetage des banques, plusieurs mesures ont été annoncées par les pouvoirs publics. Parmi celles-ci, deux paraissaient évidentes : d’une part, mieux contrôler les crédits au logement pour éviter les dérives ayant mené à la crise des « subprimes » et, d’autre part, faciliter l’accès au crédit des PME, fer de lance de l’activité économique afin d’enrayer le chômage né de cette situation. Or, après une légère accalmie, les prix de l’immobilier sont repartis de l’avant. Ils flambent à Paris comme au cœur des grandes villes sous la pression des plus fortunés (1). Parallèlement, de mois en mois, les profits des banques suivent la même pente alors que les conditions de leur activité devraient être rendues plus difficiles par les mesures prises pour éviter leur laxisme antérieur. Enfin, l’une des mesures phares pour aider les entreprises, mais aussi contrepartie des aides apportées par le gouvernement pour assurer le sauvetage des banques, semble avoir échoué si l’on en juge par le chômage actuel.

Or, en examinant l’évolution des encours de crédit bancaire entre août 2008 et janvier 2011 (voir notre tableau), force est de constater que les bonnes décisions prises pour juguler la crise économique et financière n’ont pas fait long feu.

 

En 2009, au plus fort de la crise, le montant des crédits au logement à plus d’un an, a fortement décru, simplement parce que les banques appliquaient les critères d’octroi avec toute la rigueur nécessaire, ce qui suffisait à rejeter une bonne partie des dossiers d’acquisition. Leur encours est alors devenu inférieur à celui des crédits à long terme prêtés aux entreprises. Mais, comme ces derniers s’avèrent nettement plus risqués que l’octroi de prêts pour l’acquisition de logements, ces bonnes dispositions n’ont pas duré très longtemps. Contrairement aux promesses faites, le montant des encours aux entreprises s’est ainsi stabilisé autour de 80 milliards d’Euros en 2010 alors que celui des crédits au logement doublait sans aucun scrupule.

Un second élément, la diminution des taux d’intérêt, a influencé à la fois l’augmentation des prix immobiliers et le profit des banques. Plus les taux sont faibles, plus leur marge d’intermédiation peut être élevée. Or, entre août 2008 et novembre 2010, les taux à long terme (2) sont passés de 4,4 % à 3 % augmentant tout à la fois les possibilités d’emprunt des acquéreurs et les profits bancaires.

Sachant qu’un crédit facile avec des taux faibles encourage les particuliers à s’endetter pour renouveler ou acquérir le logement de leurs rêves, on ne peut s’étonner de « l’insolente santé » qu’a connue, contre toute attente, le marché immobilier au cours de l’année 2010. Et tant pis pour le chômage ! Mais cela explique aussi en partie, suivant un sondage du quotidien britannique The Guardian, pourquoi 82 % des Français comme une majorité d’Européens, ne font pas confiance à leur gouvernement pour résoudre la crise.

 

Tendance concernant l’activité

Les réponses à notre enquête privilégient une certaine mollesse dans les transactions à venir, voire un maintien du volume à son niveau actuel. Les régions ayant bénéficié jusque-là d’une forte activité (notamment la région parisienne) semblent marquer le pas au profit de celles qui demeuraient un peu à l’écart de ce mouvement. C’est ainsi qu’à Thonon-les-Bains, Me Ballara-Boulet note : « Une légère reprise de l’activité depuis le début de l’année ». Il est vrai qu’à Paris, le nombre de transactions annuelles a progressé de 40 % en 2010 contre 30 % sur l’ensemble de la France. Au total, il atteint 760 000, chiffre assez proche des records réalisés avant la crise.

 

Tendance concernant les prix

À court terme, rien ne semble pour le moment pouvoir endiguer la hausse des prix de l’immobilier résidentiel. La tendance poursuit la progression débutée il y a bientôt 2 ans. Pour les logements, la proportion des notaires misant sur une baisse des prix à court terme passe, entre décembre et février, de 16 % à 13 % tandis que celle prévoyant de nouvelles hausses s’élève de 9 % à 10 %. La lente remontée des taux d’intérêts ne semble pas encore avoir de réelles répercussions sur les acquéreurs. Les taux fixes sur 15 ans demeurent toujours inférieurs à 4 % et les banques s’efforcent d’amortir les hausses à venir. Toutefois, l’augmentation des taux (qui a pris 50 points de base depuis octobre dernier) et celle des prix du pétrole devraient aboutir à un ralentissement de la demande en logement, prélude à un retour à des prix plus raisonnables. C’est ce que prévoit notamment, à Reims, le négociateur de l’étude de Mes Pinteaux et Mauclaire. Il observe « un net ralentissement attribué aux taux en hausse, au prix du pétrole en hausse et au moral des Français en baisse ».

 

Le conseil des notaires

En dépit de cette prévision haussière pour les deux prochains mois, les notaires sont de plus en plus pessimistes sur son maintien à plus long terme. En particulier sur les logements puisque 76 % d’entre eux (contre 69 % il y a deux mois), considèrent qu’il vaut mieux profiter des bonnes dispositions du marché et vendre un bien immobilier avant d’en acheter un autre. Ceux qui conseillent l’achat en premier ne sont plus que 17 % (contre 31 % en décembre). Au demeurant, l’augmentation des taux d’intérêt, qui apparaît inéluctable pour contrer les tendances inflationnistes actuelles, tout comme les perturbations internationales, n’engendrent guère l’optimisme. Cette inquiétude gagne aussi l’évolution prévisible du prix des terrains : 51 % des participants à notre panel (contre 45 % deux mois plus tôt) se déclarent plutôt vendeurs tandis que 46 % sont acheteurs.

 

Évolution de l’environnement économique

La catastrophe japonaise, dont on imagine mal l’ampleur des dégâts sur le plan économique, les révolutions du monde arabe et les tensions politiques qui en découlent, accroissent les incertitudes sur l’évolution des économies occidentales. La bourse qui se félicitait jusque-là des bonnes performances réalisées par les grandes entreprises devient beaucoup plus pessimiste sur l’issue de ces bouleversements. Le CAC40 redescend en dessous de 3 750 (il était à 4 150 à la mi-février). Ces mouvements ne peuvent pas laisser indifférents les acteurs du monde immobilier. Mais connaissant le temps de réaction des différents intervenants du marché, il est peu probable que la tendance sur les prix en soit significativement altérée avant cet été.

 

N.D.L.R. : cette enquête porte sur les mois de novembre et décembre 2010. Elle a été rédigée le 16 mars 2011.

1 – Cf. « À Paris, les riches font le marché », Notariat 2000 n°516, décembre 2010,

2 – Pour les taux à long terme, on utilise comme taux de référence celui du rendement de l’OAT à 10 ans.