Marianne, notaire assistante, s’interroge sur l’avenir des jeunes dans la profession. Réaliste et constructive, elle attire notre attention sur leur situation financière et sociale, souvent peu satisfaisante, ce qui peut les inciter, malgré leur passion et leur hargne, à rejoindre d’autres corps de métiers. Or, sans jeunes, pas de relève, et par conséquent pas d’avenir…

 

Loin de moi la rancœur amère, les idées politiques de lutte des classes, ou même la haine du lien de subordination. J’ai abordé la question de l’accueil des jeunes dans la profession avec beaucoup de patrons, certains m’ont parfois tenu un discours cohérent à cet égard. Il y a ceux qui paient au vu des diplômes et de l’expérience, avec une sorte de barème. Cela peut paraître juste. Il y en a d’autres qui rémunèrent le jeune en fonction de son rendement, sa « pugnacité », au moyen de l’intéressement : « Plus tu travailles, plus tu ramènes du chiffre à l’entreprise, plus tu gagnes ». Cette dernière solution est de nature à satisfaire tout le monde : beaucoup de nouveaux arrivants dans la profession ont envie de travailler, et cette envie perdurera si la « récompense » suit ! Quant au patron, il sait qu’il rentrera forcément dans ses frais. L’allègement fiscal des heures supplémentaires fait partie du programme de notre nouveau Président… Personnellement, cela me plaît ! J’aime ce métier, j’ai la volonté d’y passer du temps, mais mon dévouement, mon zèle, si puissants soient-ils, s’essouffleront s’il n’y a, au moins à terme, une contrepartie.

 

« Non à la pantoufle »

J’ai personnellement vécu des expériences décevantes avec des patrons qui, par exemple, négociaient 200 euros sur un salaire net de 2 000 euros alors que les activités de l’étude étaient plus que florissantes. C’est un fait, je ne sais pas me vendre… Est-ce vraiment un tort ? Dans ce cas, est-ce que je mérite d’être sous-payée ? Ne croyez-vous pas que les considérations commerciales liées au profit ne devraient pas s’appliquer aux notaires qui recherchent un collaborateur de qualité ? Le tout dans un climat de confiance À côté de cela, il y a des jeunes qui exagèrent, c’est-à-dire des notaires stagiaires qui commencent à 9 h 20 au lieu de 9 h 00, et qui partent à 17 h 50 au lieu de 18 h 00 (sous prétexte qu’ils ont un DESS de droit notarial, ou le concours du CFPN …), qui viennent à l’étude fagotés comme des touristes (beaucoup d’offices ont laissé tomber le costume, mais tout de même !). D’autres sont sérieux, se forment dans le milieu notarial (enseignement encore de grande qualité), et finissent par envisager leur carrière chez la concurrence. Comme le dit Laurent-Noël Dominjon dans le dernier Notariat 2000 (1) : « Cette formation nous prend non seulement du temps, mais nous coûte cher. Et parfois, nous n’avons aucun retour sur investissement ». Néanmoins, je ne suis pas favorable à un principe de « pantoufle ». Ce n’est déjà pas évident d’attirer de nouvelles recrues, alors ne les faisons pas fuir par des méthodes si sévères…

 

Pistes à explorer

En revanche, voici, pêle-mêle, quelques pistes qui, je l’espère, vont développer des idées innovantes, voire susciter des projets concrets… On pourrait par exemple : • faire une sélection plus « ciblée » des personnes réellement motivées, à qui l’on donnerait ensuite plus de moyens et de temps dans leur formation ; • leur réserver une meilleure place dans l’étude, au niveau social, financier, et, en leur qualité de futur notaire, en matière de qualification technique ; • mieux suivre leur formation, leur stage au sein de l’étude ; • trouver une solution pour motiver les jeunes et les garder dans la profession (l’intéressement me semble équitable pour toutes les parties), • faciliter l’installation pour garantir tout d’abord à « la relève » un avenir, une évolution, puis une sortie, un débouché (le parrainage est une excellente piste de réflexion), • promouvoir le concours de création d’office, et augmenter ses effectifs (ne devait-on pas être 10 000 notaires en l’an 2 000 ?), • songer à créer d’autres statuts (comme celui du notaire remplaçant).

 

Face à la Commission Attali et à nos détracteurs, le notariat n’aura de poids que si ses membres sont toujours plus nombreux à « y croire ». Avec un peu de volonté, et surtout une main généreusement tendue vers la jeunesse, nous n’aurons pas de mal à grossir nos rangs…

 

N° 487, p. 12-13, « Des lendemains plus solidaires ? ».