Le dernier VIP (N° 247) expose longuement la nécessité notariale de diversifier nos activités. La force et la vigueur de l’argumentation sont suffisamment éloquentes pour être soulignées, tant il est vrai que le redéploiement de l’authenticité sur la palette complète du Patrimoine compte parmi nos préoccupations essentielles. À l’appui de ce parfait diagnostic, la seule proposition concrète d’accroître le nombre des notaires et leur implantation, certes indispensable, est-elle bien suffisante ?

 

Après le slogan des  » 10.000 notaires en l’an 2000 « , effet d’annonce intéressant, un de nos dirigeants s’est écrié :  » pourquoi pas, mais pour quoi faire ? « . En période d’augmentation mécanique du chiffre, via l’immobilier, on peut sans dommage accroître le nombre de panonceaux. Mais nous savons que  » les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel « . Un recul, à tout le moins une stagnation, est hélas probable. Seuls sont inconnus le délai et l’importance. Alors, peut-on effectivement se demander  » pour quoi faire ? « . La réponse ne va pas de soi. Elle suppose au moins trois conditions préalables, car toute diversification implique une formation spécifique, une spécialisation accélérée et une volonté politique prioritaire.

 

Volonté politique

Une volonté politique prioritaire est essentielle à la diversification car elle fonde les deux autres conditions. Mais, dans une profession structurée comme la nôtre, l’initiative personnelle a besoin d’être approuvée et encouragée par nos structures pyramidales, à commencer par la plus haute. Le jacobinisme n’est pas mort et il a ses vertus ! Dire, par exemple, que le notaire est seulement juriste, tout autre activité sentant le soufre et étant vouée aux gémonies, revient à mettre un frein, d’une efficacité redoutable, aux velléités des plus dynamiques, il en existe ! Celui qui sort du cocon le paie cher, car il est mal vu de faire autre chose que Monsieur Tout le Monde ! Famille + immobilier = 90% de nos chiffres d’affaires, CQFD (1) ! Et si la gestion de patrimoine, pourtant promise à un bel avenir, végète et s’étiole, n’est-ce pas à cause de la suspicion primaire qui part du sommet pour tout ce qui sort du  » classique  » ? Idem pour la négociation qui résiste là où tout le monde négocie depuis toujours. Ailleurs, dur, dur ! Ne parlons pas des entreprises, bradées en 1970, aujourd’hui chasse gardée d’une élite triée sur le volet. Le marché est saturé. En d’autres termes, si notre excellent confrère Michel BLANC veut le développement des notaires et de leurs activités (cf. VIP n°247), souhaitons que cette même volonté anime le nouveau bureau du CSN !

 

Formation spécifique

Comme on ne peut courir deux lièvres à la fois, cessons de prôner le  » tout juridique pur et dur « , ceci excluant cela. Le droit doit servir le patrimoine sur lequel l’authenticité devrait régner. Former spécifiquement aux activités à investir est d’une telle évidence ! Pour aborder un domaine que l’on connaît mal et que l’on n’a jamais pratiqué, se former va de soi. On voit les dégâts irréversibles en matière de gestion de patrimoine, causés par la décision suicidaire d’arrêter la formation que 3.000 notaires avaient plébiscitée et payée de leurs deniers, sans bourse déliée pour nos cotisations. Pas de formation = pas de développement du nombre des notaires, pas plus que des activités ! Une vraie formation demande temps, énergie et soutien ; elle ne saurait se limiter à une ou deux grandes messes ici ou là, quelle que soit la qualité des intervenants, si prestigieux soient-ils. Les DES restent valeur sûre, mais à dose homéopathique. Or, si on veut prendre un marché et y persévérer, la formation est nécessaire pour la grande majorité des notaires. Que dire de l’indigence de notre formation initiale, voire de son impasse totale sur tous les domaines autres que le droit civil et des contrats ! Ayant le privilège ( ?) de financer seuls notre formation, nous devrions pouvoir l’aménager selon nos besoins à définir, sans subir les oukases de nos tutelles empilées. Chacun sait en effet qu’en ce domaine, la Chancellerie et l’Éducation nationale ont leur mot à dire. L’adage populaire  » Qui commande paie ! » ne devrait-il pas reprendre ses droits ?

 

Spécialisation et publicité

La spécialisation est entrée chez nous à reculons, par une petite porte, si étroite qu’elle aboutit à un goulet d’étranglement, au goutte-à-goutte ! Là encore, la cohérence du discours voudrait qu’on élargisse la quantité et qu’on aménage sa  » publicité « . Horreur et damnation, rassurons-nous ! Il s’agirait d’une pub globale  » institutionnelle « , faisant savoir aux clients la compétence et le savoir-faire de certains notaires dans certains domaines. Le tout accompagné d’une liste nationale publiée ! À quoi pourrait bien servir de se spécialiser si personne ne le sait, pas même les notaires ? Combien y a-t-il de notaires spécialisés dans les différentes disciplines autorisées ? On aimerait le savoir…

 

Proclamer la nécessité d’augmenter le nombre, l’implantation des notaires et de leurs activités, est déjà un premier pas très significatif. Sa traduction voudrait que les notaires en soient capables par une formation de masse et une spécialisation des plus motivées, le tout soutenu par une volonté politique clairement affirmée sur le long terme. Alors tous les espoirs nous seraient permis…

 

1 – Ce qu’il fallait démontrer…