En choisissant de plancher sur le développement durable, c’est un congrès résolument tourné vers l’avenir qu’a présidé à Nice, du 4 au 7 mai dernier, Dominique Larralde, notaire à Saint-Jean-de-Luz. Un thème « révélateur de l’état d’esprit de la profession », qui a trouvé une certaine résonance lors de la traditionnelle « grand messe » du lundi matin où le discours « politique » a également été prospectif. Morceaux choisis à propos de l’intervention du garde des Sceaux.

Après que Bernard Reynis ait ouvert « la voie de l’optimisme » en apportant la preuve que les notaires sont « des professionnels innovants et entreprenants », Rachida Dati a profité de son second grand rendez-vous avec la profession pour jeter les bases d’un « développement durable de la justice ». Elle a tout d’abord reparlé du tarif « source d’équité pour l’usager de droit », puis a souligné l’importance du maillage territorial qui doit être renforcé partout où cela est nécessaire (notamment dans les agglomérations qui se sont étendues). Elle s’est également dit sensible au fait que la profession ait su s’adapter aux différentes réformes, aux nouvelles technologies (signature authentique électronique) et à Télé@ctes. Lors de la présidence française de l’Union européenne, l’acte authentique européen et la condition de nationalité (la commission européenne ne lâchant pas le morceau…) seront les chevaux de bataille du Gouvernement. Même sort pour le projet de société privée européenne « modèle unique qui permettra aux entreprises de commercer plus facilement dans toute l’Union européenne ». Revenant sur le dossier Attali sur lequel le Président Reynis l’interrogeait préalablement (« Il n’y a pas qu’à Bruxelles, lui disait-il, où souffle le vent mauvais de la déréglementation »), le garde des Sceaux s’est voulue rassurante : « je n’entends pas remettre en cause le statut du notariat, qu’il s’agisse du mode de nomination ou du tarif ». En pratique, elle a jugé que la profession avait déjà largement anticipé les conclusions du rapport en proposant une hausse de 20% du nombre des notaires d’ici 2012. « C’est une bonne réponse au rapport Attali, elle était une nécessité ». Elle s’est dite également favorable à la mise en place de critères spécifiques pour faire évoluer le nombre de notaires par office, rappelant qu’il faudrait aussi augmenter le nombre des offices. Enfin, sur l’interprofessionnalité, Rachida Dati a jugé que plusieurs options sont ouvertes et a proposé aux notaires d’y travailler ensemble. Après avoir annoncé la création du « Conseil national du droit » dont la vocation est de réfléchir à la formation et à l’emploi des juristes, Rachida Dati est revenue sur les travaux de la  Commission Guichard relatifs à la déjudiciarisation du divorce. « Il ne s’agit pas de favoriser une profession. (…) J’ai autant d’estime pour les notaires que pour les avocats. Ce qui m’intéresse c’est l’intérêt des Français et la qualité de leur justice (…) Mais j’ai également beaucoup d’intérêt pour les échanges quand ils sont constructifs et respectueux ». Et de formuler le vœu d’avoir « une Justice qui respecte son environnement professionnel ». Une réponse sans équivoque à l’offensive lancée par les avocats, via leur Président Iweins, présent à la séance d’ouverture…

 

Interrogations

Lors de son discours, le garde des Sceaux a réaffirmé son soutien au notariat. Elle en a également profité pour rendre hommage au Président Reynis : « Avec vous, il n’y a jamais de blocage. Il y a parfois des divergences de vues ou des désaccords, mais il y a toujours un dialogue constructif et la même volonté de faire aboutir les dossiers ». Ce fut enfin l’occasion de revenir sur divers points sensibles de la profession et de passer en revue les dossiers en cours. Il demeure toutefois certaines interrogations. Ainsi Rachida Dati a dit peu de choses sur les attaques européennes dont le notariat fait l’objet. Simplement qu’elle venait d’adresser au Secrétariat général pour les affaires européennes un projet de mémoire en défense reprenant intégralement les arguments du CSN, ce que certains congressistes ont interprété comme une façon de se défausser d’avance si jamais la chose échouait… Autre interrogation : les ratios relatifs à l’augmentation du nombre des notaires (lire également page 10 à 17). Pour beaucoup, la dialectique sur les ratios est sans fond, « personne ne pourra déjouer les pièges des effets de seuil » nous a confié un lyonnais. « Il se pourra donc qu’à l’occasion d’un acte vraiment exceptionnel (un tous les 10 ans par exemple), un notaire (ou une SCP) soit obligé de prendre un associé de plus ou à charge de supporter une création dans son secteur géographique, alors qu’une analyse un peu moins grossière sur 3 ou 5 ans eut permis d’éviter des catastrophes ». Enfin, rien n’a été dit sur la spécialisation de la profession (comme en médecine). En octobre dernier, le congrès MJN de San-Francisco, présidé par Yvon Rose, a pourtant dégagé des pistes intéressantes qui permettraient au notariat de se développer dans bien des domaines, notamment en droit international privé. N’y aurait-il pas là un challenge qualitatif à relever tout autant que l’augmentation quantitative du nombre des notaires ?

 

Ils ont dit…

B. Reynis : « Tout mon propos tendra à prouver que croissance et réglementation sont compatibles ».

Rachida Dati : « Les Français ont encore une connaissance très imparfaite de votre métier. Le notaire est parfois perçu comme un personnage un peu austère, un peu rigide, un peu triste… Or, vous n’êtes pas du tout cela ! ».

Nicolas Sarkozy (dans son message au Congrès des notaires) : « Les notaires peuvent avoir, dans la mise en œuvre des conclusions du Grenelle, au-delà de leur mission historique, un rôle clef. Le développement durable peut être un nouveau domaine d’illustration de leur professionnalisme et l’acte authentique y trouver une assise rénovée ».

 

 

 

En Forme

L’équipe du Congrès de Nice qui a fait un presque sans faute puisque la quasi-majorité des propositions a été votée.

 

En 2009, chez les Ch’tis !

Le congrès 2009 aura lieu à Lille du 17 au 20 mai sur le thème des « propriétés incorporelles de l’entreprise ». Au programme, les fonds de commerce, les fonds agricoles (avec la perspective d’un fonds rural), le fonds libéral et, lors de la 4e commission, une réflexion sur les fonds du XXIe siècle (brevets, propriété intellectuelle et artistique, droit de l’internet…). Didier Froger (Vierzon) présidera cette 105e édition. Le rapporteur général sera Didier Coiffard (Oyonnax).