À propos du congrès Jeune Notariat en Chine

 « Ce n’est pas un malheur d’être méconnu des hommes, mais c’est un malheur de les méconnaître » disait Confucius. Carnet de voyage au retour du 36e Congrès Jeune Notariat qui s’est déroulé à Pékin du 28 octobre au 3 novembre dernier.

 

MOI (pratique) : Alors, ce voyage en Chine ?

Moi (sincère) : Franchement, j’ai été déçu. Je n’étais pas assez renseigné sur la réalité et j’attendais une poésie, une finesse, des secrets, confondant, sans doute, la Chine et le Japon.

MOI : Mais tu savais pourtant que ce pays est depuis longtemps communiste, que la révolution culturelle l’a détruit de fond en comble et qu’un adulte sur deux a été martyrisé ou humilié ?

Moi : C’est vrai. Mais je n’imaginais pas qu’il restait si peu de traces de l’histoire ancienne. À Pékin, la cité interdite, avec ses kilomètres carrés de toitures et ses cours sans arbre m’a laissé pantois ! Le Palais d’Été n’a rien d’extraordinaire et les treize tombeaux de Ming sont une aimable plaisanterie, comparés à ceux que l’on voit en Egypte. Même la place Tien’an men m’a laissé de marbre. Peut-être avais-je trop en mémoire le char d’assaut face à un homme seul, fou de liberté. Quant à la muraille, si l’on oublie ses 6.000 kilomètres, le sang et la sueur du peuple qui l’a construite, ce n’est, après tout, qu’un rempart de six mètres de haut et de six mètres de large qui devait se franchir sans difficulté pour des guerriers aguerris… En somme, c’est une sorte de ligne Maginot !

 

MOI : Mais tu attendais quoi ?

Moi : Un souffle, une émotion… Je me suis trouvé coincé devant une architecture assez semblable d’un site à l’autre, des vendeurs de souvenirs plus irritants que la mouche du coche, et des mendiants évoquant parfois la cour des miracles. Le temple des Lamas aurait pu éveiller en moi admiration et compassion, mais je n’ai pu me laisser gagner par l’émotion tant j’étais contrarié par le manque de respect des guides et de leurs clients. Sans doute avais-je en tête le million cinq cent mille morts parmi les Tibétains et les six milles temples et monastères détruits ! Au fond, il n’y a bien que les noms des monuments qui soient un peu aériens : Porte de l’Harmonie suprême, Palais de la Pureté céleste, Colline des perspectives…

 

MOI : Et la cuisine ? On dit qu’elle s’inspire des « cinq saveurs » et combine les « six goûts » avec « quatre consistances » ?

Moi : Des mots ! Dans la réalité, ce sont quinze à vingt plats qui reviennent midi et soir, très gras, et sans finesse particulière. Sans doute, n’avons-nous pas fréquenté le Bocuse local pour apprécier les subtilités d’une cuisine réputée dans le monde entier. Personnellement, je n’ai pas souffert de ce régime, contrairement à certains confrères, et j’ai apprécié la rapidité du service, proche de la formule 1 et l’amusement lié à la manipulation des baguettes.

 

MOI : Le notariat a-t-il au moins été à la hauteur de tes attentes ?

Moi : Parlons-en ! Nous nous étions sapés pour aller au Parlement avec nos conjoints. Peine perdue, nos confrères chinois ne sont pas venus pour une question insignifiante de protocole : le CSN – m’a-t-on dit – ayant pris contact avec la Chancellerie directement sans prendre langue auparavant avec le représentant des notaires…Quant à l’office notarial de Shanghai, il est organisé comme une banque et pour un travail administratif de certification dans le cadre d’une entreprise certifiée ISO. En fait, il nous faudra revisiter cet office lorsque la loi prévue pour début 2006 aura donné le monopole de l’immobilier au notariat pour vérifier qu’il s’agit bien d’un notariat.

 

MOI : Et Shanghaï ?

Moi : C’est une mégapole de 17 millions d’habitants et une forêt de buildings dépassant les quatre-vingt-cinq étages. On peut se demander si ce n’est pas le début de l’enfer quand on sait qu’ils ont équipé, construit, aménagé des dizaines d’hectares en moins de quinze ans. Mais c’est à voir. Pour cela, il faut accepter de visiter Shanghai, dans une atmosphère irrespirable, coincé dans un taxi, lui-même arrêté dans un bouchon…En fait, j’aimerais retourner en Chine pour voir la campagne…

 

MOI : Le passé t’a déçu et le futur te fait peur !?

Moi : La Chine s’est réveillée. Le Yin et le Yang, c’est de la poésie ; le capitalisme chinois ne connaît que le Yang et lorsqu’il étendra son pouvoir sur notre vieille Europe, ses structures sociales, ses acquis, les syndicats vieillissants et les dirigeants énarques dépassés seront balayés par le vent de l’Histoire, avec des conséquences impossibles à évaluer. Pour oublier les horreurs du temps de Mao, les dirigeants chinois ont décidé que la seule voie possible était l’expansion par la voie économique libérale, mais dans le cadre d’un régime autoritaire implacable. Pour s’en convaincre, il suffisait de lever les yeux. Où que ce soit, l’œil rencontrait une caméra de surveillance.

 

MOI : Et nos confrères ? Et nos partenaires ? En as-tu rencontrés d’intéressants ?

Moi : Nos confrères étaient tous saisis par la fièvre, mais pas aviaire, l’acheteuse ! Quant à nos partenaires, ils étaient nombreux, défendant le notariat parfois mieux que les confrères eux-mêmes. Les représentants des SSII étaient tous informés de la lettre du Président Roth et semblaient mieux renseignés que « la base » sur les dessous des grands intérêts que cachent des propos sibyllins et lénifiants faisant appel à la simple solidarité. Ils sont inquiets et apprécient sans doute la clarté et l’objectivité du rapport de l’Assemblée de Liaison (Page 93 – les outils créés par la profession). Il est bien vrai que Me Balland et ses confrères posent les bonnes questions, ce qui n’a pas empêché la Sécurité Nouvelle et Unofi de figurer comme partenaires, preuve que l’on peut s’exprimer dans le notariat sans risquer la censure financière ! Ce rapport fait oublier par ailleurs le dithyrambe malheureux du Président Kaeufling dans Agora et atténue les propos de la supplique du Président Roth.

 

MOI : Finalement ce voyage t’a appris une foule de choses !

Moi : C’est vrai. Et tout le mérite en revient à Jeune Notariat qu’il faut saluer et remercier, en disant tout simplement : « L’année prochaine en Grèce » !