Il y a des mots qui tuent tels que « responsable mais pas coupable » de Georgina Dufoix ou « légal mais immoral » à propos de Hervé Gaymard. Ce dernier jugement sera-t-il un jour évoqué au sujet des indemnités versées aux élus du notariat ? Il m’a, en tout cas, inspiré ce dialogue avec moi-même, apparemment imaginaire, mais qui a pourtant bien été tenu…
Moi (posé et raisonnable) : Mais enfin, quelle mouche t’a piqué ?
Moi-même (idéaliste et rebelle) : Pourquoi faudrait-il qu’une mouche me pique pour me faire dire ce que j’ai a dire et que beaucoup de confrères pensent avec moi ?
Moi : Qu’est ce que tu en as à faire du salaire des élus du notariat alors que tu vas partir à la retraite ?
Moi-même : Rien, strictement rien ! Simplement c’est un grand dégoût qui m’envahit quand je vois que la profession pour laquelle je me suis tant donné se banalise au point de réunir tous les travers de la société et de la classe politique en particulier. Moi : On dirait que tu veux régler des comptes ! Moi-même : Pourquoi réglerais-je des comptes avec des confrères que le plus souvent j’apprécie ?
Moi : On va penser que « tu craches dans la soupe », toi, l’ancien Président de Chambre et du Conseil régional ?
Moi-même : J’agis simplement pour que le texte soit révisé et pour que les prochains votes ne mettent pas en place des salaires sur lesquels il sera difficile de revenir en arrière.
Moi : Mais pourquoi montrer du doigt des confrères ?
Moi-même : Nous n’avons pas le droit de savoir si le CR a voté un salaire pour le président, le délégué, le vice-président, ni d’en connaître le montant. C’est tout de même extraordinaire ! Je connais l’indemnité d’un ministre, de mon député, de mon maire et je ne peux pas avoir connaissance de celui des élus du CR ! Et si je le demande, je passe pour un aigri, un jaloux, un empêcheur de tourner en rond ! Ah, elle est belle la démocratie notariale !
Moi : Tu n’as pas l’air de te rendre compte qu’à ce rythme, tu pourras bientôt demander le montant de l’indemnité versée au Président du CSN ! Ça n’aura plus de fin !
Moi-même : C’est en effet le risque, mais la faute à qui ?
Moi : Tu poses trop de questions, alors que tout le monde s’en fout. C’est comme l’influence de la franc-maçonnerie dans le notariat, on peut y penser, mais c’est un sujet tabou.
Moi-même : Donc, si je comprends bien, il faut accepter les mêmes secrets en ce qui concerne le CR et, dans quelques années, il en sera de même au sujet des Chambres !? Es-tu sûr que tous les notaires se moquent complètement des charges de la profession, des salaires des élus, de l’organisation des structures ? Ainsi, un inspecteur du CR peut éplucher les comptes d’un notaire et sa vie professionnelle, voire au-delà, mais ce même notaire n’a pas le droit de connaître en retour le détail de la gestion du CR ? Penses-tu vraiment que l’on a progressé depuis REAL ?
Moi : Tu ne veux pas comprendre. Rien n’est caché. Simplement, il n’est pas bon de poser les questions sur lesquelles tu insistes.
Moi-même : Tu admettras tout de même que le progrès passe par les questions et que j’ai le droit de dire que les salaires, autorisés récemment et sans concertation pour les élus, sont scandaleux. Au moins dans leur montant !
Moi : Tu parles toujours de salaires, alors que ce sont des indemnités.
Moi-même : Le « notarialement-correct » a des limites, non ? En l’occurrence, l’élu a droit, comme avant, à un défraiement, auquel s’ajoute depuis peu un salaire. Ce ne sont pas les salaires qui sont choquants mais leur montant. Ils sont choquants non seulement vis-à-vis de tous les anciens Présidents qui n’ont pas touché un sou, mais aussi vis-à-vis des notaires de base, des jeunes notaires, des confrères qui exercent dans des contrées défavorisées et qui aimeraient bien toucher autant pour le même nombre d’heures travaillées !
Moi : Tu connais la citation de Pascal « Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà » ?
Moi-même : Bien sûr, mais en conscience, je pense que la profession se fourvoie, notamment en augmentant les charges des offices à l’encontre du mouvement actuel dans les entreprises et qu’elle développe les égoïsmes et le carriérisme, tout en s’éloignant de l’idéal que nous avions tous au début de notre exercice. Franchement, je pense qu’avant de prôner la Qualité dans les offices, c’est le CSN tout entier et les CR qui devraient entreprendre une démarche Qualité par souci de transparence et d’exemplarité…