Les 1er et 2 avril, le groupe Notariat Services a accueilli au Club Med’ de Pompadour une quinzaine de notaires pour fêter les 20 ans du premier gratuit notarial édité à Nantes et réfléchir sur les enjeux et l’évolution de la négociation immobilière dans le notariat, notamment face à la montée en puissance du support internet. Evénement.

 

Le 23 septembre 1985, sous l’impulsion du Groupement de négociation de Loire-Atlantique et en particulier de son président Guy Anizon (voir notre interview), la société Exedim, filiale du Groupe Notariat Services (1), édite Notim, son premier gratuit d’annonces immobilières notariales. Le début d’une longue histoire puisque Notim, rebaptisé en 1988 « Notaires 44 », continue à afficher une belle vitalité.

Jérôme Bordes, directeur général de la société Exedim, en charge du développement des éditions pour Notariat Services et à l’origine de la création de Notim, se souvient : « Au départ, Exedim voulait sortir une édition régionale de la revue Maisons de France. Très vite, le groupement de Loire-Atlantique a manifesté son désir de travailler avec nous, tout en exprimant son souhait de se démarquer des autres journaux. La personnalité et la détermination de Guy Anizon, notaire à Nantes, ont été décisives et ont largement contribué à la naissance de notre premier gratuit notarial qui, dès l’année suivante, a fait des émules ». Et en effet, dès février 1986, une nouvelle édition sortait dans le Loiret, puis, un mois plus tard, dans le Cher et dans l’Indre. En septembre, c’était l’Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher qui étaient conquis par le gratuit notarial tandis que la Vendée, les Deux-Sèvres et la Vienne se regroupaient pour avoir une édition commune.

Près de 20 ans plus tard, le gratuit notarial a toujours « bonne presse ». Le groupe Notariat Services est aujourd’hui le numéro un du gratuit immobilier notarial (il occupe 60 % du marché). Certifié ISO 9001 en 1998, le groupe ne s’est pas pour autant endormi sur ses lauriers et compte aujourd’hui 29 éditions départementales réparties sur 36 départements. Quant aux chiffres, ils sont impressionnants : en 2004, ce sont près de 120 000 insertions (annonces + photos) qui ont été traitées à Pompadour et plus de 46 millions d’exemplaires de journaux qui ont été distribués. Alors beau temps pour le gratuit notarial ? Certainement, même si, comme le précise Pierre Duny, PDG du Groupe Notariat Services, « en 20 ans, le gratuit a évolué pour devenir un journal immobilier de communication, dans lequel les articles juridiques occupent une place importante. Aujourd’hui, il faut aussi prendre en compte l’évolution technologique et la montée en puissance du support Internet. »

 

L’avis des notaires négociateurs

Ces 20 ans de gratuit notarial ont été l’occasion pour Notariat Services de réunir pendant deux jours des acteurs de la négociation immobilière notariale et d’en dresser avec eux un état des lieux.

 

Motivation totale Si du point de vue des chiffres, les résultats des uns et des autres sont inégaux, tous ceux qui étaient présents à Pompadour pendant ces deux jours ont affiché la même motivation, qu’ils soient notaires ou négociateur. Pour M. Luc Serrano-Alarcon, négociateur dans le Gard pour un groupement regroupant 14 notaires, comme pour Me Vincent Barnerias notaire à Saint Astier (24) ou Me Philippe Tzélepoglou, notaire à Castries (34), cet état d’esprit est essentiel. « Beaucoup de négociateurs se plaignent de travailler seuls car les notaires ne sont pas convaincus et se désintéressent de la négociation immobilière, remarque Me Barnerias, c’est regrettable et il ne faut pas ensuite s’étonner que nos clients aillent dans les agences. La motivation est primordiale ». Un avis partagé par Me Tzélepoglou : « L’Hérault n’est pas une région où la négociation immobilière est une tradition. Lorsque nous avons créé notre groupement, nous en avions assez de récupérer des affaires mal ficelées par des agents immobiliers qui gagnaient plus que nous, et nous y avons cru. Nous avons eu une démarche de chef d’entreprise et n’avons pas attendu les subventions. Aujourd’hui, nous sommes seulement une dizaine d’études (sur 80) à négocier alors que le département compte 40% d’agents immobiliers en plus depuis quatre ans, mais nous avons un bon retour clientèle. Quant aux agents immobiliers, ils ont fini par nous accepter dans le paysage et nous subissons peu de boycott ». Un témoignage qui aura sans nul doute convaincu Me Xavier Misson qui a créé son office à Chécy dans le Loiret, qui n’a pas encore oser se lancer dans la négociation immobilière mais qui aujourd’hui, semble vouloir tenter l’aventure…

 

Le « bon » notariat Disons-le clairement : il ne faut pas avoir de complexes à pratiquer la négociation immobilière notariale ! Bien au contraire, « c’est vraiment du bon notariat » comme l’a expliqué Me Eugène Carchon, notaire à Marans (17). Si chacun s’accorde à dire que cette activité doit rester accessoire, beaucoup y voient un élément de fidélisation et de maintien de la clientèle. « Je considère la négociation immobilière comme un service total, témoigne Me René Cédelle, notaire à Blois (41), qui négocie depuis 1980. L’important, c’est que le client soit content. » Même constat pour Me Jean Legrand, notaire à Jard sur Mer (85), qui, à l’expression « service négociation » un peu réductrice, dit fort justement préférer celle de « service immobilier ».

 

Y’a pas que la négo… Toujours dans cet esprit de « full service » cher à Me Cédelle et à Me Legrand, bon nombre de notaires négociateurs nous disent ne pas se contenter de la négociation. Ainsi, Me Thibault Sudre, notaire à Bordeaux, Président d’un groupement de négociation regroupant 22 études, ou encore Me Jean-Pierre Bossé, notaire à Châtellerault (86), ont ouvert un service gestion qui tourne bien, à tel point que leur portefeuille susciterait même l’envie de certains agents immobiliers ! De même, beaucoup des notaires présents, comme Me Alain Desplats, notaire à Saulieu (21) disent recevoir de plus en plus de demandes d’avis de valeur et envisagent de densifier cette activité au sein de leur étude. Ils engagent d’ailleurs vivement leurs confrères à aller sur ce créneau où il n’y a encore personne. Même démarche pour l’expertise où il faut rapidement se positionner, comme c’est d’ailleurs le cas dans l’Hérault où une réflexion vient d’être engagée pour monter un service expertise à l’aide du plan de développement.

 

Et les groupements ? Côté groupements, tout n’est pas rose si on en croit les notaires négociateurs qui se sont exprimés sur le sujet. On en compte aujourd’hui 43 répartis sur toute la France. Certains, selon nos interlocuteurs et présidents de groupements présents, souffrent du refus de certaines grosses villes à adhérer, comme c’est le cas en Charente-Maritime, d’autres se plaignent que beaucoup d’offices ne jouent pas le jeu… Pour Me Bernard Drouvin, président de la Chambre des notaires des Côtes d’Armor, le fait que la plupart des notaires de la Compagnie négocient n’est pas forcément un gage de réussite pour le groupement car cela peut aussi générer un certain individualisme.

 

Internet, un concurrent ou un complément aux gratuits ? Qu’on le veuille ou non, internet est devenu un instrument stratégique avec lequel il faut compter et qui suscite une réflexion sur les journaux de demain. En effet aujourd’hui, tout le marché de la petite annonce est sur internet, les contacts sont facilités et on ne peut plus travailler avec l’idée d’être le détenteur exclusif de certains biens, même si, dans le Gard, certaines agences ont trouvé comme parade de ne pas mentionner les communes. Mais internet va-t-il pour autant tout balayer et signer la mort du gratuit immobilier ? Pour les notaires et négociateurs présents, les gratuits conserveront leur place car « ils sont des contacts sortants ». Ils touchent en effet une clientèle qui ignore souvent que le notaire fait aussi de la négociation immobilière. « C’est en quelque sorte, a expliqué un notaire, la vitrine que notre déontologie nous empêche d’avoir ». Le rédactionnel juridique est également un gage de qualité, il est important car il contribue à toucher la clientèle. « Il n’est pas rare, est-il constaté, qu’on vienne nous demander le journal pour les articles de fond qui s’y trouvent. Il faut continuer à communiquer, ce n’est que comme ça que nous réussirons à nous imposer ». Enfin, pour M. Didier Mustière, secrétaire général de la Chambre de la Sarthe, il ne faut pas hésiter à diversifier les lieux de dépôts et les sites stratégiques, notamment lors des salons et manifestations.

 

Faut-il avoir peur de la PQR ? De l’avis général, la PQR (presse quotidienne régionale) est perçue comme un concurrent bien plus dangereux qu’Internet. Certes, comme l’a noté M. Didier Mustière, la concurrence est saine et « les notaires ont besoin d’aller sur des supports différents pour mieux se faire connaître », mais encore faut-il respecter certaines règles si l’on ne veut pas « déshabiller Paul pour habiller Pierre ». Pour Me Jean-Pierre Bossé (86), la PQR est un excellent « complément au gratuit notarial, à condition de l’utiliser avec une sortie en décalage et de faire paraître l’essentiel des annonces (90%) dans les supports notariaux ».

 

Évolution du marché Quelles sont les perspectives d’évolution du marché de la négociation immobilière ? C’est cette interrogation qui a été le fil conducteur de la réflexion de Bernard THION, Professeur honoraire, chercheur associé à l’Université Paris Dauphine. D’entrée, le ton a été donné : les quatre pôles identifiés par l’Insee, lors d’une enquête auprès d’acquéreurs pour savoir comment ils avaient trouvé le bien acheté, sont les notaires, les agents immobiliers, les petites annonces et les particuliers. Jusque-là peu de surprises, même si l’on est tenté de rajouter les promoteurs et la percée d’une nouvelle profession avec les « chasseurs d’appartements ».

 

En revanche, le marché se professionnalise. Aujourd’hui, 50 % des transactions sont réalisées par les agents immobiliers qui opèrent beaucoup en Ile-de-France et en Méditerranée tandis que c’est dans le Nord et le Bassin parisien que les notaires tireraient le mieux leur épingle du jeu. En ce qui concerne la progression des réseaux, on constate que la majorité d’entre eux a pour objectif d’augmenter de façon significative le nombre de ses agences (+ 100 agences en 2005 pour Guy Hoquet, +50 pour ERA…). C’est toutefois la FNAIM qui se taille la part du lion avec une augmentation très nette du nombre de ses agences (9700 en 2004 pour 6438 en 2000) et un positionnement particulièrement ciblé (le nombre d’agences FNAIM aurait doublé dans le Var)… Puis arrivent les réseaux ORPI (1052 agences), Century 21 (765 agences en 2004) dont l’objectif est d’avoir prochainement 1000 agences, Laforêt (550 agences). Pour Bernard Thion, cette explosion des agences qui s’installent un peu partout et pratiquent quelquefois une politique très agressive, se fait surtout au détriment des relations entre particuliers. Pour lui, il ne faut toutefois pas négliger cette augmentation des franchises et la multiplication des vitrines, pas plus qu’il ne faut sous-estimer la création de filiales bancaires proposant un service immobilier (Avis pour le Crédit Mutuel, Keops pour le Crédit foncier, la BNP, le Crédit Agricole…) ou la venue sur la marché de la négo des géomètres.

De son côté, Internet confirme sa montée en puissance en assurant près de 10 % des transactions. Le principal opérateur (Se loger) propose plus de 200 000 annonces de biens à vendre et, en ce qui concerne les offres des notaires, le site immonot.com en compte à ce jour plus de 16 000.

Pour faire face, les notaires doivent conforter leurs parts de marché (aujourd’hui en baisse) de façon à être présents sur le terrain lorsque la conjoncture reviendra à une situation plus normale. Les notaires négociateurs connaissent bien leur marché et sont de remarquables prévisionnistes au niveau de l’évolution du marché, comme en témoigne d’ailleurs notre Tendance du Marché Immobilier (qui paraît régulièrement dans Notariat 2000). Il leur faut développer rapidement de nouveaux moyens pour faire face à la concurrence des agents immobiliers qui sont de plus en plus structurés. L’enjeu repose dans la capacité des notaires à faire connaître leur activité de négociation au plus grand nombre, en s’implantant dans des lieux de passage (à proximité de centres commerciaux) ou en présentant des annonces dans des lieux publics (gares, aéroports…). À défaut de réaction, la négociation immobilière notariale pourrait bien se réduire comme une peau de chagrin…

 

1. Le Groupe Notariat Services, dont le PDG est Pierre Duny, recouvre trois sociétés distinctes : Exedim, spécialisée dans l’édition de journaux d’annonces immobilières notariales, LSV-communication, spécialisée dans le multimédia et internet, et enfin, Notariat 2000.