Le mariage occupe la famille juridique après avoir mobilisé la société civile.  Ici c’est la sortie qui pose question…

Dressons un état des lieux :
– le prétoire est submergé par le divorce qui ne fait que croître ;
– le nombre de magistrats ne saurait augmenter pour cause de disette budgétaire ;
– les avocats assiègent la place Vendôme de toute part ;
– les notaires ne demandent rien, mais prient en secret pour éloigner
cette activité jugée déficitaire ;
– la gardienne de nos Sceaux écarte – sait-on pourquoi ? – les greffiers ;
– les provocations des avocats ont généré un affrontement à l’issue incertaine.

Où trouver la « solution miracle » ?
Dans ce concert miaulant de « raminagrobis » à pattes de velours, toutes les cartes sont-elles bien sur la table ? Le rôle de la Chancellerie ne serait-il pas de se focaliser, en priorité, sur l’intérêt général ? Il consiste ici à :
– évacuer de la discorde agrémentant le judiciaire tout ce qui relève du consentement mutuel ;
– régler cet accord au plus tôt pour mettre fin à un moment douloureux ne demandant qu’à s’envenimer. Et y procéder à moindre coût.
Tout professionnel du droit, de préférence spécialisé dans la famille, si possible bon médiateur, pourrait aligner ses compétences dans ce challenge.

La voix de l’avocat
Elle revendique haut et fort. Arguments avancés : l’antériorité et l’expérience du savoir-faire. In petto, les bâtonniers font leurs comptes : 60 000 avocats, 100 000 (plus les salariés) dans 5 ans si on projette la courbe actuelle. Ils arguent d’une éventuelle opposition d’intérêts, ce qui ne manque pas de sel pour assaisonner le consentement requis. Ils ont su manœuvrer pour que, dans 85 % des cas (voire plus dans certains barreaux), chaque époux ait son propre avocat, même en cas de consentement mutuel dénué de tout contentieux. Le divorce qu’on aide à dériver, via un sordide contentieux, est la pierre angulaire et surtout alimentaire de l’intouchable pré-carré du barreau. On comprend bien l’intérêt des avocats, mais où est, ici, l’intérêt général ? Ne devrait-il pas seul prévaloir en toutes circonstances ?

La voix du greffier
On n’entend pas la voix de ce juriste pressenti, capable d’authentifier l’accord mutuel de la désunion. Certes, un fonctionnaire surchargé d’ouvrage ne court pas après un supplément. Et puis, toujours, ce satané budget sous étroit contrôle ! Sans doute est-ce le motif de la volte-face de la Chancellerie.

La voix de l’huissier
Elle peine à se faire reconnaître, à cause d’images conflictuelles. Pourtant, l’huissier est tout à fait compétent pour authentifier un procès verbal de consentement mutuel, pour peu que la loi encadre le processus. La bénédiction finale du juge serait-elle indispensable, nécessaire, utile ou superflue ? A l’aune de l’intérêt général, peu importe pour peu qu’on prenne le sage mais difficile parti d’ignorer l’amour-propre des uns et des autres. Mais, sans doute, est-ce trop demander…

La voix du notaire
Elle est paradoxale : on n’a rien demandé. Circulez, y’a rien à voir ! Et pourtant, soyons clairs : tout devrait militer pour le choix notarial. La Chancellerie ne s’y est pas trompée. D’emblée, alors que tout était serein, elle a osé affronter la violente réaction des avocats en pensant que ce service pourrait (devrait) être rendu par le notaire. Les avantages ? Tout d’abord, le notaire est un juriste impartial du consentement et un magistrat naturel de la convention librement acceptée. Ensuite, la paix des familles est préservée. Enfin, notre tarif (à la discrétion de la Chancellerie) permet d’éviter aux ménages tout dépassement budgétaire. Tiens, tiens, voilà l’envers de l’intérêt général qui se profile dans ce beau décor, réellement favorable au but (qui, seul, devrait être) recherché. C’est le vrai motif de notre passivité à accepter ce service qui a l’outrecuidance de présenter le visage intolérable de la non-rentabilité déifiée !

Quel est l’intérêt général ?
Ce type de divorce sans contentieux coûte entre 3 000 et 5 000 €, suivant la notoriété du cabinet (qui en vit souvent). Combien pour l’acte notarié qui recevrait le consentement mutuel sans liquidation ? Bonne question. La réponse est ouverte. Imaginons un instant que le problème à résoudre soit argumenté sur la vraie base de l’intérêt général. Combien serions-nous entendus, reconnus ! Croire qu’abandonner le terrain aux avocats va nous concilier leurs bonnes grâces est un leurre maintes fois tenté, mais ne comporte que désillusions. En défendant l’intérêt général, nous ne risquons jamais l’erreur de direction. Sur le long terme, ne sommes-nous pas certains de préserver aussi notre propre intérêt en faisant passer d’abord celui de nos concitoyens ? Tout le monde en rajoute et se pousse du col sous la bannière de l’intérêt général. Mais qui fera le premier pas si son porte-monnaie doit en pâtir ici et maintenant ? Quant à l’avenir, laissons-en la charge à nos petits-enfants ! Une fois de plus, hélas…