L’Élysée renonce à la réforme du divorce et Nicolas Sarkozy annonce l’installation d’un groupe de travail pour étudier la création d’une grande profession du droit. Faut-il y voir une habileté du Président de la République ou un double langage du garde des Sceaux ?

 

MOI : As-tu lu la Presse ? Les nouvelles ne sont pas bonnes pour le notariat.

Moi : Tu ne t’attendais tout de même pas à ce qu’une réforme comme celle du divorce puisse passer sans difficulté, vu le nombre d’avocats et l’intérêt économique qu’il y avait pour eux de conserver ce domaine !? D’ailleurs, nous n’étions pas demandeurs. De plus, il se posait le réel problème de l’institution du mariage que l’on défaisait par un acte authentique, ce qui paraissait tout de même surprenant pour des juristes, d’autant plus que le fondement de la réforme était avant tout économique.

MOI : Mais j’ai encore dans l’oreille les mots du garde des Sceaux concernant notre profession : « Je vous parle en toute franchise… je n’entends pas remettre en cause le statut du notariat, qu’il s’agisse du mode de nomination ou du tarif … l’avenir et le développement des professions du droit passent par l’interprofessionnalité … vous le voyez, j’ai le souci de vous aider à préparer l’avenir de votre profession … ». Ces propos remontent seulement à mai. J’y vois là une contradiction avec l’actualité récente. On ne peut pas défendre le notariat et prétendre l’intégrer dans une profession unique tenue majoritairement par les avocats. Essayons d’abord de faire vivre l’interprofessionnalité !

Moi : C’est évident. De même, on ne peut pas vouloir une justice qui assure une société plus juste, plus équitable et plus fraternelle et la conduire à abandonner la recherche de l’équité, de l’équilibre, de l’impartialité pour verser dans la confrontation violente qui constitue un des défauts du droit anglo-saxon.

MOI : On peut d’autant plus s’inquiéter que le Président Sarkozy a un penchant très net pour le libéralisme anglo-saxon et un passé d’avocat. Un avocat représentant le bâtonnier de Paris, a d’ailleurs dit, en parlant de lui : « Il est des nôtres ».

Moi : La pugnacité du Président, sa volonté de réformer et de faire vite sont sans nul doute un danger pour notre profession. Si l’on ne l’étudie pas attentivement, il est difficile d’en comprendre les particularismes, l’originalité et la nécessité dans une Europe qui doit s’adapter, mais pas renoncer à son passé, à ses acquis, à son savoir-faire.

MOI : C’est à nouveau une guerre économique et les avocats veulent faire tomber le monopole des notaires dans l’immobilier.

Moi : Pour conserver cette activité, il nous appartient d’être les meilleurs, donc les plus efficaces, les plus rapides, ceux qui contribuent le mieux à la défense du consommateur et savent fluidifier les relations avec l’administration.

MOI : Mais ne faut-il pas aussi que le notariat constitue une référence dans laquelle les notaires individuellement se reconnaissent et que les dirigeants (élus ou permanents) soient dignes de confiance ?

Moi : Tu évoques les sujets tabous, ce dont il n’est pas « notarialement correct » de débattre. Ainsi, ne faudrait-il pas envisager des élections au suffrage universel pour nos représentants au CSN ou au CR ? Cela laisserait espérer aux notaires de base d’avoir connaissance du détail de la gestion des comptes, de l’influence de telle ou telle personnalité, de l’état réel des mises en cause de la responsabilité notariale ou de la liste des confrères infréquentables… Il y a tellement de réformes internes à envisager pour venir à bout de la « bien-pensance » corporatiste insidieusement distillée depuis des décennies. La transparence dans le notariat, plus qu’ailleurs, ne devrait-elle pas être une règle, une bannière, un leit-motiv, plutôt qu’un vain mot !!?

MOI : Ainsi, tu n’opterais pas pour une ouverture immédiate à toutes les activités économiques possibles si le notariat perdait son monopole ?

Moi : Dans un premier temps, je reste fidèle à ma ligne de conduite. Être d’abord et avant tout un officier public probe, rigoureux, respecté, efficace, disponible, plus soucieux de dispenser le droit que de faire fortune. Je souhaiterais également que nos représentants donnent une image plus modeste de la profession. En ces temps d’économies d’énergie, nos clients ne comprennent pas que nous paraissions ne pas être concernés par les difficultés de tout un chacun. En conséquence et pour conclure, si l’Etat (dont nous disposons une parcelle de l’autorité publique) modifie notre statut, voire le grignote, alors il conviendra de modifier notre approche de l’exercice du droit. Mais pas avant !