« Elstein & Coopers » (E.C.), un cabinet d’avocats récemment installé en France, explorerait déjà une des « supposées » propositions du rapport Darrois. Il chercherait à créer un office notarial au sein d’une société interprofessionnelle de juristes. E.C. est un cabinet mondial, détenu pour partie par une banque américaine ayant de nombreuses participations, notamment dans deux banques françaises. Des recrutements seraient en cours. Témoignage du chasseur de tête de mes amis…

 

Des locaux seront mis à disposition de l’Office dans leur immeuble avenue Foch. Le candidat créateur au sein de la Société Interprofessionnelle (S.I) authentifiera certains des principaux actes d’affaires et immobiliers réalisés par le groupe partout en Europe continentale, plus les garanties et prêts bancaires de la clientèle qui doit être rassurée par le sceau. Outre le dépôt au rang des minutes de cahiers des charges et conditions générales de certains produits dont certains financiers agréés dits sans risques, il sera assuré de « tourner » dès la création. Il sera le notaire de la Banque US et de ses filiales ; il sera « sollicité » par le mandataire social de la Banque, installé dans les mêmes locaux.

 

Quel profil ?

Le « poste » consiste aussi à maîtriser le droit de la consommation et avoir des talents de conciliation acquis par plus de 20 ans d’expérience (jeune s’abstenir !). Donc le candidat devra avoir cédé et postulé à la création sur initiative de la S.I. Le « plus » est financier. Le candidat est assuré de revenus égaux à trois fois les nets d’un candidat de valeur, et ce, en article 13 du tarif via des opérations sur sociétés, clause de gentleman agreement. Il aura un contrat de retraite « chapeau », un article 83 d’assurance et un logement. Il n’aura pas besoin de personnel : il utilisera secrétaires, spécialistes juristes internationaux, et centre de documentation interne du consortium. Il ne doit pas avoir le souci de se faire un nom. C’est le groupe qui l’alimentera à 99 %. Il devra d’ailleurs respecter « l’élégante » étiquette parisienne sans nom sur la plaque dans le hall, et le panonceau extérieur obligatoire, « un plus ». La devise sera commune « E.C gives people the power to share and makes the world more open » selon le marketing très au point d’E.C. sur Facebook. Le droit de présentation à la clientèle en cas de cession est réglementé.

 

Ce qui attire les candidats notaires 

Une dizaine de notaires en cours d’exercice ont déjà été auditionnés par un chasseur de tête et un membre de E.C. Leurs motivations sont les suivantes :

• contribuer à un plan stratégique d’entreprise, impossible en l’état actuel des choses, compte tenu de la taille des études ;

• avoir les moyens mis à disposition pour le faire savoir ;

• développer la créativité ;

• appréhender le rétrécissement continu de la part notariale dans le marché juridique en forte accélération au cours de la dernière décennie, sans réaction forte de l’Ordre.

Ils regrettent que la puissance de feu marketing de l’Ordre, à l’exception de la campagne sur les donations, soit consacrée uniquement au nombril du notaire, à son « image », à la sécurité et quasiment rien sur le contenu des produits ou des services rendus au public. En revanche E.C insiste sur ses spots de publicité émotionnels avec une jeune femme au sex-appeal élégant qui photocopie un acte et siffle un air à la mode ou sur son futur clip, avec apparition de Georges Clooney, signant un acte « What else ? ».

 

Des visions différentes

E.C fait mouche avec le référencement sur Google, mais avec le mot « acte » ou « conseil », on ne trouve rien sur le notaire. En revanche, apparaît en première page « acte des consulats de France » ! Toutes les sociétés du consortium ont par ailleurs des bannières pub sur les sites les plus fréquentés. Le groupe ne fait plus de grandes réunions qui ne toucheraient que leur microcosme. Il a préféré un site ouvert aux questions des principaux clients ou prospects et sponsorise via la banque de jeunes entrepreneurs et certaines associations d’étudiants. Les candidats notaires semblent très sensibles à la gestion « low cost » du consortium qui permet des économies d’échelle importantes par appels d’offres du groupe entier pour toutes les charges : maintenance, assurances véhicules personnels, assurance-vie et tout le poste fournitures et matériels. Les visions sont très différentes : les dépenses en relations publiques sont suspectes chez les notaires, leur absence suspecte chez E.C. Selon E.C, « le conseil » est l’épicentre de tout le cabinet. Bien sûr, il est rémunéré, c’est celui qui génère les affaires. Le conseil, c’est le « up or out » du marché juridique et de tout membre du cabinet E.C. Les candidats notaires se disent totalement handicapés par des interprétations sur l’article 4 du conseil, avec surenchère au moins disant, alors que les abus sont exceptionnels. E.C insiste enfin sur l’atout structurel de la spécialisation des cabinets E.C dans le monde, leur positionnement rationnel en ce sens des cabinets mais aussi la place laissée à des généralistes, le tout s’irrigue mutuellement. En lisant en creux, on peut trouver pour le notariat des sources d’inspiration immédiate ou pour le plan 2015.