C’est avec simplicité et gentillesse que Jean Tarrade, président du CSN, nous a accueillis fin janvier dans son bureau de la Tour Maubourg pour répondre aux questions de Notariat 2000. L’objectif était de dresser un bilan à mi-mandat, mais c’est un président en pleine action, résolument tourné vers l’avenir et passionné de nouvelles technologies que nous avons rencontré. Interview express.
Notariat 2000 : Président, vous êtes actuellement à la moitié de votre mandat. Quel bilan dressez-vous ?
Jean Tarrade : bien qu’à mi-chemin de mon mandat, je me sens surtout dans l’action ! L’heure n’est donc pas pour moi de dresser un bilan. Certains éléments ont toutefois marqué cette première partie de mandat placée, comme vous le savez, sous le signe de l’authenticité. Le rapport du Professeur Aynès a été une étape importante. J’invite d’ailleurs tous les notaires à en prendre connaissance, car l’ouvrage est riche d’enseignement. J’ai souhaité prolonger cette action pédagogique avec la rédaction d’un « guide de la morale notariale » qui sera prochainement mis en ligne. Cette question de morale est, pour moi, importante. Notre différence vient de notre statut. En cette période agitée, il m’a semblé opportun d’avoir une introspection sur nous-mêmes et de réfléchir à toutes ces règles qui ne sont pas écrites. Enfin, la réforme des inspections est en cours. L’objectif étant d’harmoniser nos procédures et de donner, via l’outil informatique, les mêmes grilles et les mêmes critères à tous.
Notariat 2000 : lors de cette première moitié de mandat, quelle a été votre plus grosse déception ?
Jean Tarrade :je n’en ai eu aucune, ni sur le plan humain, ni sur les actions lancées. Au contraire, certaines manifestations, comme la Journée de l’authenticité qui a eu lieu le 14 novembre dernier et qui a mobilisé plus de 30 000 personnes, ont été une magnifique réussite !
Notariat 2000 : quelle a été votre plus grande surprise ?
Jean Tarrade :ce n’en est pas vraiment une, mais j’ai eu le plaisir de constater, à plusieurs reprises, que le notariat français est écouté et consulté par les pouvoirs publics. La crédibilité et le sérieux de la profession sont réels.
Notariat 2000 : si vous deviez retenir la réussite d’une action lors de cette première partie de mandat, quelle serait-elle ?
Jean Tarrade : je ne sais pas, il y en a plusieurs, mais en principe, je préfère regarder devant moi plutôt que derrière…
Notariat 2000 : dans un entretien accordé, en novembre dernier, aux Echos, vous disiez vous attendre à une situation très difficile pour la profession en 2014. Etes-vous plus optimiste aujourd’hui qu’en 2013 ?
Jean Tarrade :je suis optimiste sur la fonction notariale. A ce jour, malgré une baisse de 40 % du chiffre d’affaires global de la profession, peu d’études ont licencié. L’emploi a été préservé et on compte toujours un peu plus de 48 000 collaborateurs. Toutes les prévisions laissent penser qu’il y aura un redressement de situation à la fin de l’année. 2014 ne sera pas une grande année, mais le notariat a l’habitude de traverser des cycles et de faire face aux crises. Les notaires doivent en tirer des leçons, ils doivent se diversifier en pratiquant, par exemple, le droit des sociétés ou celui des collectivités locales. Ils doivent faire en sorte de ne pas trop être dépendants de l’immobilier. En revanche, je suis inquiet pour les jeunes et leur accueil dans la profession…
Notariat 2000 : quels sont vos projets ?
Jean Tarrade :continuer ! Le notariat, c’est un état d’esprit, ce sont près de 58 000 personnes, notaires et collaborateurs, qui avancent ensemble dans la même direction. Le service public est partout. Nous devons continuer ce rôle social et rester de bons prestataires de service en nous adaptant à l’évolution de la société. Toutes les actions que nous menons vont dans ce sens. La dématérialisation des actes en fait partie. J’ai à ce sujet une confiance totale en l’avenir. 300 000 actes ont été déposés au Micen fin 2013, il devrait y en avoir un million d’ici décembre 2014. Aujourd’hui, les difficultés liées à l’acte authentique électronique sont essentiellement techniques, elles viennent surtout de l’équipement informatique. L’acte électronique est un outil extraordinaire, adapté aux besoins de la sécurité juridique.
Notariat 2000 : que diriez-vous aux notaires qui ne sont pas adeptes de l’acte authentique électronique ?
Jean Tarrade :qu’il faut distinguer la fonction de l’outil et qu’on n’arrête pas un mouvement de cette nature. Aujourd’hui, la dématérialisation est omniprésente, les notaires doivent anticiper et s’adapter à l’évolution de la société, même s’il est à craindre qu’une frange de la population se marginalise. Les outils sont fiables. Il n’y a aucune raison de douter de la fiabilité et de la pérennité de l’acte authentique électronique.
Notariat 2000 : parmi tous les sujets traités dans nos colonnes en 2013 (Cour des comptes notariale, péréquation, gouvernance, mécénat…), quel est celui qui a le plus retenu votre attention ?
Jean Tarrade : la péréquation, même si, à mon sens, elle existe déjà par le biais des cotisations. La solidarité entre notaires est une réalité. Il est nécessaire qu’il y ait des études partout, des petites et des grandes structures, avec une multiplicité de modes d’exercice. De même, penser qu’il existe un clivage entre le notariat des villes et celui de campagne est une idée reçue. Il y a, certes, un notariat d’activités qui s’adapte aux besoins de la clientèle, mais c’est une richesse. Et, dans tous les cas, il n’existe qu’un seul notariat. C’est notre force.
Notariat 2000 : si vous étiez rédacteur en chef de la revue Notariat 2000, quel sujet traiteriez-vous en priorité ?
Jean Tarrade : je consacrerais un dossier à l’avenir du notariat européen et j’irais interviewer le prochain président de la Commission européenne !
Notariat 2000 : quel message souhaitez-vous transmettre à nos lecteurs ?
Jean Tarrade : ce sera un mot : « confiance ! »