Me Amin Fayçal Benjelloun est président du Conseil d’administration de la Chambre nationale du notariat moderne du Maroc. Il nous en dit plus sur ce notariat moderne, majoritairement féminin et essentiellement urbain, et nous livre son sentiment sur le notariat français. Rencontre.
Notariat 2000 : Pouvez-vous nous présenter en quelques mots le notariat marocain ?
Me Benjelloun : La Chambre nationale n’est pas un ordre, mais une association. Elle est cependant l’unique interlocuteur de l’autorité de tutelle. Elle est membre de l’UNIL depuis 1986. Son organisation remonte à 1981 et a été totalement réorganisée depuis 2 ans par la mise en place de départements spécialisés. Le notariat est constitué au Maroc de 750 études (il n’y a pas de SCP). 55 % des notaires sont des femmes. Le notariat moderne est essentiellement urbain. À la campagne, c’est le notariat traditionnel qui s’exerce par l’intermédiaire de 7 500 « adouls » ; leur rôle est de relever des témoignages qui sont authentifiés par un juge-notaire au Tribunal. Les adouls agissent toujours à deux ; ils sont compétents en matière de mariage, de divorce, de successions pour les seuls musulmans.
Notariat 2000 : Un investisseur au Maroc peut-il se considérer « sécurisé » s’il a recours à un notaire ?
Me Benjelloun : Le Maroc est dynamique, ses notaires le sont également… La sécurité est garantie par notre corps. Pour toute vente concernant un bien en VEFA, en copropriété ou un prêt hypothécaire, le notaire est seul compétent avec les adouls et les avocats agréés près de la Cour. Une assurance de responsabilité professionnelle et pour le cas de non reproduction de fonds, a été souscrite par 500 notaires par l’intermédiaire de la Sécurité Nouvelle. Le transfert de propriété n’est réalisé qu’au moment de l’inscription de l’acte de vente à la conservation foncière, le notaire effectue les investigations préalables au cadastre, à la conservation foncière, impôts et urbanisme s’il y a lieu. Le prix de vente est consigné généralement à la caisse du notaire jusqu’à inscription de la vente à la conservation foncière. Ensuite, dans la pratique, le prix est remis à hauteur de 80 % et les 20 % restant à la production du quitus fiscal relatif à la vente. En général, les délais d’inscription de la vente sont de 10 à 15 jours.
Notariat 2000 : Êtes-vous optimiste sur le développement du notariat ?
Me Benjelloun : La société marocaine a bien compris la nécessité du notariat. Elle a confiance dans son savoir-faire et dans son rôle de protection des consommateurs. Plus généralement, j’observe que la crise des « subprimes » aux États-Unis a bien montré que les prêts n’avaient pas été instruits et montés par un professionnel du droit, tenu au devoir de conseil et expliquant les conséquences d’une hypothèque, par exemple. Le notariat aurait empêché l’existence d’une telle crise s’il avait existé dans ce pays.
Notariat 2000 : Fusionner les professions d’avocat, d’huissier, de notaires en une seule grande profession pour lutter contre les gros cabinets anglo-saxons vous paraît-il être une bonne solution ?
Me Benjelloun : Non, pas dans un monde de spécialisation, de perfectionnement, dans un domaine d’activités hyper réglementées. L’exemple ancestral de Fès où les rues sont spécialisées par activités me paraît être une bonne référence. Il me semble que, pour le notariat, le combat n’est pas dans la recherche d’une fusion avec d’autres professions, mais dans la reconnaissance de spécialisations au sein du notariat. Notariat 2000 : Y compris dans le droit international ? Me Benjelloun : C’est une nécessité. Le notariat doit s’impliquer beaucoup plus à l’international, et pas seulement dans les colloques, les conférences… Les notaires salariés notamment ont une belle carte à jouer en se spécialisant dans le droit international pour accompagner des structures dynamiques. Je me rends compte que les notaires français se comportent avec le droit international comme ils l’ont fait jadis avec le droit des affaires. L’histoire nous a démontré que cela a été une erreur, alors il faut profiter des erreurs du passé…
Notariat 2000 : Vous connaissez bien le notariat français. Vous avez notamment accompli toutes vos études à la fac de droit de Lyon pour finir titulaire du diplôme de notaire. Que pensez-vous du notariat français ?
Me Benjelloun : Je considère qu’il est en analyse et donc pas encore lisible. Au surplus, il est trop franco-français… Absent de l’IFA par exemple et de toutes manifestations juridiques internationales hors notariat. Quant à la formation, ce n’est pas une réussite dans la mesure où le diplôme ne donne pas la capacité réelle de travailler. Cela dit, nous avons une collaboration fructueuse avec le notariat français et nous collaborons avec Me Jean-Paul Decorps à l’installation d’un notariat en Iran.