L’espace européen est devenu le cadre de vie d’un nombre grandissant de nos concitoyens. Leurs problèmes juridiques ont été rendus plus complexes par l’élément d’extranéité. Le notariat doit leur rendre un service présentant des caractères de continuité du service public et de sécurité. Si la première notion passe par l’extension géographique de la compétence du notaire (1), la seconde nécessite une adaptation de nos structures…

La sécurité notariale, c’est bien sûr renforcer notre formation en droit international privé (DIP). Déjà pas mal de notaires se spécialisent pour résoudre des problèmes internationaux de plus en plus pointus (divorces, successions, affaires, sociétés). À Lyon, par exemple, l’action de Denis-Pierre Simon, Président du Mouvement Jeune Notariat, a permis l’instauration d’un diplôme spécialisé. Pouvoir mentionner plus lisiblement nos spécialisations serait également un petit plus, même si je ne me fais guère d’illusion sur l’impact que cela aurait, nos contraintes déontologiques interdisant notamment la publicité personnelle… Il faut, sans nul doute, aller plus loin par des adaptations structurelles profondes des offices permettant vraiment l’adéquation de l’offre notariale aux demandes de nos concitoyens, mais aussi d’associations, des entreprises et des expatriés via les consulats de France. Pour ceux-ci, l’équipe MJN du congrès de San-Francisco (2) a découvert que le notariat ne satisfait pas de nombreuses demandes faites auprès du ministère des Affaires étrangères : 5 000 dossiers d’expatriés pour un seul pays seraient non traités (sans parler d’autres), faute de notaires spécialisés !

 

Offices spécialisés en DIP

La création de véritables offices notariaux spécialisés en droit international privé (un au moins par Cour d’Appel, voire par département) permettrait d’aider chaque concitoyen qui s’expatrie ou revient sur le territoire. Cet office serait parfaitement identifiable comme peut l’être le cabinet d’un cardiologue. Ces offices notariaux spécialisés, par définition “à activité unique”, sont la meilleure alternative au choix de cabinets anglo-saxons. Ainsi structurée, l’équipe du notariat français pourrait mettre en œuvre la synergie des études notariales, qui sont toutes pour l’instant généralistes, multipolaires et décentralisées. L’outil de l’office notarial spécialisé permettrait d’approcher le grand marché et, par ses compétences hyperspécialisées par continent et par pays, d’apporter la sécurité de notre droit continental à nos concitoyens. Il pourrait concurrencer efficacement les grands cabinets de lawyers.

 

Spécialiste et généraliste

Chaque notaire généraliste pourrait, s’il le souhaite, adresser à l’office spécialisé un dossier à contenu de droit international, qu’il maîtrise mal, sans craindre un détournement de clientèle pour le reste de ses dossiers “hexagonaux”. C’est la seule alternative viable, réaliste, adoptée par toutes les autres professions. Si l’on en reste au vœu de partage de compétences entre notaires dans des offices (tous généralistes), ce vœu restera pieux, incantatoire, symbolique. Il se brisera sur la dure réalité du risque de détournement de clientèle pour les autres dossiers d’un client, donc sans synergie notariale française. Ces offices notariaux spécialisés se trouveraient naturellement en concurrence avec tous les professionnels du droit sur le marché, comme actuellement, et soumis aux mêmes règles que les autres offices. Il n’y a là aucune création de monopole particulier, ni de monopole dans le monopole, motif de refus invoqué par Mme la Directrice des Affaires civiles en 2008. La spécialisation, pour elle, n’était possible qu’à titre individuel et dans un office généraliste. Pourtant, la spécialisation de quelques notaires dans un petit nombre de grands offices notariaux ne répond pas à la taille des défis de l’espace juridique, notamment européen.

 

Un défi pour demain

Nous avons su créer des structures nouvelles comme le CRIDON, les SCP ou les SEL. Nous avons su créer à l’intérieur de ceux-ci des spécialisations autant nécessaires qu’indispensables, nous devons créer un outil “opérationnel” adapté au marché mondial comme l’office notarial spécialisé. La sécurité juridique dans l’espace, notamment européen, avec extension géographique de compétence, ne passe pas par un jeu purement individuel, ni un équipement en fusil Lebel.

1. Relire “Sécurité, ne nous laissez pas dans nos casernes“, page 12 et 13, N2000 n°506. 2. Yvon Rose a présidé le 38e congrès du MJN qui se déroulait à San Francisco en novembre 2007. Le thème était “Droit et économie“. Denis-Pierre Simon était le rapporteur général.