« Veni, vidi, vici ! ». Claude Jaquet, notaire à Paris, pourrait faire siennes ces paroles de César car c’est un beau défi qu’il a relevé les 10 et 11 novembre derniers, à Rome, en présidant le 1er Congrès des notaires de l’Union européenne. Organisée par la Conférence des notariats de l’Union européenne (CNUE) que préside Paolo Piccoli, cette première édition a en effet réuni près de 1400 notaires européens (1) venus esquisser, sous la conduite de Me Paolo Pasqualis, notaire à Venise, rapporteur général, les bases d’un « notariat sans frontières »…

Bon d’accord : ceux qui espéraient repartir de Rome avec des propositions concrètes, auront probablement été déçus, peut-être même auront-ils trouvé à redire, dans un excès de mauvaise humeur, sur tous ces petits « couacs » (séance d’ouverture en deux temps, M. Berlusconi ayant « décalé » au dernier moment son entrée ; traduction parfois approximative…) témoignant que la mécanique n’est pas encore huilée. Il n’empêche qu’il s’est passé quelque chose les 10 et 11 novembre derniers à Rome. « Un frémissement » dira ce notaire parisien, « la promesse d’un véritable notariat européen » s’enthousiasmera sa jeune consoeur. Et, à bien y réfléchir, ils ont probablement raison. Car Rome est un début, une « première pierre » symbolique, un premier rendez-vous, un peu maladroit, un peu balbutiant certes, mais porteur d’un « avenir serein et fécond » comme l’a défini Paolo Piccoli, Président de la CNUE.

 

La fonction notariale dans l’Union européenne

Dans cette première commission, Paolo Pasqualis et le Professeur Jacques Pertek (Lyon III), son coordinateur, ont affirmé l’efficacité de la fonction du notaire de type latin, soulignant que « dans 19 des 25 pays de l’Union, le notariat joue un rôle apprécié tant par les autorités publiques que par les consommateurs ».

L’occasion aussi de revenir :

- sur la directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, adoptée en juin 2005 (« Sera-t-elle applicable aux notaires ? » s’est interrogé M. Pertek) ;

- sur celle relative aux services dans le marché intérieur ;

- sur le rapport sur la concurrence dans le secteur des professions libérales qui vient d’être suivi, le 5 septembre dernier, par la publication d’une communication de la Commission, intitulée « services professionnels, poursuivre la réforme ».

 

Le Professeur Pertek a également rappelé qu’au cours des dernières années, la Cour de Justice a été amenée à s’intéresser aux réglementations professionnelles dans des affaires qui ont connu un certain retentissement (arrêt Arduino et arrêt Wouters) et qu’il existe au moins une trentaine d’arrêts de la Cour qui concernent l’accès aux professions, le rôle des organisations professionnelles ou encore les activités faisant l’objet d’une exclusivité… Prenant l’exemple des Pays-Bas, le Professeur Roger Van Den Bergh (Rotterdam) a expliqué que la déréglementation du marché pour les notaires avait occasionné une diminution des coûts pour authentifier les transferts d’immeubles, mais une augmentation des coûts dans tout ce qui touche au droit de la famille. « En conséquence, un nombre moins élevé de personnes demandera l’aide du notaire dans la rédaction des testaments et des contrats de mariage, ce qui, à son tour, diminuera la sécurité juridique et nuira à la société dans son ensemble ». Et d’ajouter que « la concurrence entre les notaires peut être contreproductive si des mesures accompagnantes pour améliorer l’évaluation de qualité ne sont pas prises ». De son côté, le Professeur Alan Palmiter (Caroline du Nord, Etats-Unis) a témoigné sur l’organisation de la profession juridique aux Etats-Unis, institution relativement jeune qui « s’est définie elle-même » et se caractérise actuellement « par des barrières considérables à l’entrée, une spécialisation marquée, un dérèglement externe et des contraintes concurrentielles ». « Aujourd’hui, a expliqué le Professeur Palmiter, la profession cherche à rester responsable bien qu’étant dans un cadre d’auto-réglementation ».

 

E-notariat, innovation et sécurité

Les notariats de l’Union européenne disent « oui » à l’innovation ; ils misent fortement sur les nouvelles technologies pour rendre un service plus rapide à leurs concitoyens ! C’est en tout cas ce qui ressort de cette 2ème commission qui, sous la conduite de Nikolaos Stassinopoulos, a permis de détailler et de diffuser des concepts nouveaux, l’objectif étant à chaque fois d’apprendre les uns des autres pour développer l’utilisation des procédures électroniques dans toute l’Europe et de les rendre compatibles ! Premier exemple : celui du notariat autrichien qui dispose d’une longue expérience dans le domaine des nouvelles technologies en raison de la mise en place de CyberDOC pour l’archivage électronique des actes notariés. Autre exemple : l’Espagne dont les démarches et les transferts de fonds nécessaires pour les constitutions d’entreprises sont effectués par voie électronique, ce qui donne lieu à quelques 3 millions d’actes par an. « Avant l’introduction du système télématique, le délai moyen pour remplir ces formalités était de 60 jours ; il est maintenant réduit à 2 jours. Auparavant, on dénombrait 8 points de contact, ils sont réduits à 2. Les formulaires sur support papier était au nombre de 15 et il n’y en a qu’un seul à l’heure actuelle » a expliqué José Javier Escolano Navarro, vice-président du notariat espagnol pour les NTIC. Quant au réseau électronique des registres des testaments (RERT), opérationnel depuis 2002, entre la France et la Belgique, il permet désormais à un notaire belge de retrouver –et de faire appliquer- le testament d’un ressortissant français décédé à Anvers où il résidait. Ce réseau qui répond aux attentes de la Commission européenne devrait, dans les mois qui viennent, être étendu à la Slovénie, avant d’être élargi à d’autres états qui ont manifesté leur intérêt. D’autres avancées attestent du développement de l’utilisation des technologies par les notariats de l’Union européenne : c’est notamment le cas de la Hongrie qui a mis en place un registre des garanties mobilières et de l’Italie qui a sensiblement accéléré les procédures par la notification électronique.

 

Au service d’un espace de liberté, de sécurité et de justice

C’est une vaste réflexion sur la contribution du notaire à la réalisation d’un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l’Union européenne qui a été menée dans la 3ème et dernière commission. Pour avoir une vision plus complète, Claude Jaquet et Helmut Fessler (Allemagne), président honoraire de l’UINL, ont donné la parole à un représentant de la Commission européenne (Mario Tenreiro, Direction générale « Justice, Liberté et sécurité »), à un membre du Parlement européen (Manuel Medina Ortega, Commission marché intérieur et protection des consommateurs) et à un chercheur : Charalambos Pamboukis, professeur à l’université d’Athènes. À la lumière de son expérience d’avocat, Charalambos Pamboukis a fait un véritable plaidoyer pour la reconnaissance des actes authentiques dans l’union européenne, avant de formuler le voeu « que Rome inspire une nouvelle étape importante pour l’acte authentique européen ! » Enfin, Franco Frattini, Vice Président de la Commission européenne et commissaire européen, a conclu ce congrès en insistant sur la nécessité de renforcer l’espace de sécurité en offrant une justice rapide, efficace et juste. « Aujourd’hui, nous essayons d’harmoniser et de simplifier les procédures compliquées » a-t-il expliqué, avant de souhaiter que cette rencontre entre le notariat et la Commission, soit suivie de nombreuses autres. « Nous souhaitons recréer un circuit qui s’est interrompu, nous avons besoin d’une Union Européenne qui quitte sa tour d’ivoire et vous êtes des acteurs essentiels car vous contribuez à ce que les citoyens européens se sentent un peu moins seuls face aux institutions »…

1) En tout, on comptait 1872 inscrits (dont 1357 notaires). C’est la France (436) qui enregistre la plus forte participation, certaines compagnies, comme celle de nos amis lyonnais, s’étant fortement mobilisées. Venaient ensuite l’Italie (244), la Belgique (120), l’Espagne (115), la Pologne (104) et la Grèce (82). En tout 30 Etats étaient représentés, dont le Vatican !

 

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