Quand un représentant de la direction générale « Concurrence » de la Commission européenne rencontre lors du premier congrès de notaires européens, un juge du Tribunal de première instance de l’Union européenne, que se passe-t-il ? Ils parlent de concurrence, de notaires… et de l’arrêt Wouters.

 

« Restez sur le droit chemin ! », tel est le message qu’a tenté de faire passer (comprendre ?) Paolo Mengozzi, Juge du Tribunal de première instance de l’Union européenne, lors du premier congrès des notaires de l’Union européenne. Étrange, direz-vous, qu’un juge requiert à un auditoire de notaires européens, – réunis pour la première fois dans la ville qui a fait naître l’Europe le 25 mars 1957 !- de se préoccuper du droit ! Pas si surprenant que cela en réalité, car la quasi-intégralité du discours de Paolo Mengozzi s’adressait davantage à Sandra de Waele, de la direction générale « Concurrence » à la Commission européenne, qu’aux notaires dans la salle. Il est vrai que, quelques instants plus tôt, la représentante de la Commission européenne était intervenue sur la fonction notariale et la concurrence, expliquant que « la commission ne préconise pas une déréglementation sauvage, mais au contraire une réglementation plus efficace dans l’intérêt général légitime ». Après avoir exposé que, certes, les notaires avaient soulevé divers arguments pour convaincre la Commission que les jeux de la concurrence et la directive Bolkenstein ne peuvent s’appliquer au notariat, Sandra de Waele a invité les notaires européens à se livrer à « une réflexion critique sur le rôle de la profession notariale », argumentant que le marché a changé et que les notariats doivent accepter les règles du jeu actuel ! De quoi laisser sans voix l’assistance… Enfin, après avoir constaté que certains services, fournis traditionnellement par les notaires, étaient délaissés, elle a expliqué que le notaire interroge ou utilise divers registres (Registres du commerce et des sociétés, Conservations des Hypothèques…) dont l’accès ne doit pas forcément nécessiter le recours à un professionnel de haute valeur et qu’un notaire intervient dans plusieurs domaines du droit pour lesquels le consommateur peut parfaitement faire appel à d’autres professionnels. Et de rappeler à ce propos que les agents immobiliers savent conclure des actes de vente et réaliser des expertises ou, encore, que les banquiers savent parfaitement rédiger des actes de prêt…

 

Arrêt Wouters

La salle n’a pas eu à réagir, son défenseur était sur l’estrade. C’est avec force et conviction que le juge Paolo Mengozzi, qui suit de près la démarche du notariat, a expliqué qu’il faut être attentif aux exigences économiques et donc aux règles de la concurrence mais que le dialogue avec les professionnels doit être pris en compte, et qu’il convient d’appréhender les diverses caractéristiques des professions concernées et les normes applicables dans chaque pays membre !

Il a notamment repris l’arrêt Wouters (1), celui par lequel le « mal est arrivé », pour articuler son argumentaire qui tient en 6 points :

- La Commission a fait une application générale de conclusions qui ne s’appliquent qu’à un cas donné dans un pays donné et en a tiré des arguments économiques en ignorant le droit ;

- Il est impossible d’ignorer le droit ;

- Il n’existe pas de loi communautaire permettant, dans l’Union européenne, d’appliquer la décision rendue à l’ensemble des pays membres ;

- En l’absence de loi ou de réglementation, il n’appartient pas à la Commission européenne de décider d’une question de droit ; et que,

- Ce rôle appartient aux tribunaux et qu’il y a lieu de respecter le droit positif ;

- La Commission européenne s’est permise d’appliquer à toutes les professions une disposition prise pour un ordre professionnel particulier dans un cas particulier et précis. Durant toute cette intervention, Sandra de Waele a pris des notes…

 

1. Le 19 février 2002, la Cour de justice des Communautés européennes rendait un arrêt (J.C.J. WOUTERS ET AUTRES – C-309/99 qui concernait la possibilité pour des avocats exerçant aux Pays Bas de nouer une collaboration intégrée avec des experts-comptables) qui décidait, notamment, que la prohibition d’une telle collaboration intégrée produit des effets restrictifs de la concurrence sur le marché néerlandais des services juridiques.