Que pensent les notaires de leur profession ? C’est la question que nous posions en avril 2002 (N2000 n°438) à un échantillon de notaires, abonnés ou non à la revue. Quatre ans plus tard, Notariat 2000 mène à nouveau l’enquête…

 

Le quasi-monopole d’accès à la publicité foncière

En 2002, 70% de notre panel estimait que le quasi-monopole d’accès à la publicité foncière risquait d’être remis en cause et en appelait à la vigilance. Près de 4 ans plus tard, vous êtes 60% à tirer la sonnette d’alarme. Les causes restent identiques : le danger vient des avocats (« qui tiennent le Parlement »), des banques, des expertscomptables, sans oublier les agents immobiliers et « l’Europe, avec toutes ses directives  » ! « Le notariat n’arrive pas à justifier son rôle dans la politique européenne  » commente Yves Meya. Pour les 40% restants, il n’y a aucun risque compte tenu de « la gestion trop complexe d’un très grand nombre d’intervenants ». Sans oublier, comme le souligne un lecteur du Tarn-et-Garonne, et un autre de Haute- Garonne, « la sécurité du service et la technicité offertes par le notariat à moindre coût ! ».

 

Liberté d’installation

Attention, danger ! 74% des notaires interrogés (contre 70% en 2002) s’opposent à la liberté d’installation. Pourquoi ? « Parce que ce serait ouvrir la profession au premier venu » écrit François Messineo (Loire-Atlantique), « à cause de la solidarité professionnelle et des risques de dérapage dus à une concurrence forcenée » explique son confrère Jean-Luc Léonard. Et puis, comme le dit un notaire du Puy-de- Dôme, « le notariat rime avec service, et non avec business ». Au rang des adeptes de la libre installation, Jean-François Royal (Bouches-du- Rhône) qui émet toutefois des réserves : « le maillage doit être maintenu à tout prix ! ». Pour Alain Maillard (Ille-et- Vilaine), il faut « préserver l’authenticité et assurer un véritable quadrillage juridique, et non judiciaire, du territoire. Il faut aussi assurer sa pérennité par une réelle approche économique ». Enfin, dans le Val d’Oise, Philippe Deloison préconise « d’étendre le modèle Alsace Moselle et d’attribuer les études par concours ouvert à tous les diplômés notaires ». À noter : Qu’ils soient pour ou contre la liberté d’installation, plusieurs notaires jugent souhaitable d’atteindre le « chiffre des 10.000 notaires », voire celui des « 20.000 en 2015 » !

 

Simplification du tarif

Les 3/4 de notre panel (76% contre 85% en 2002) sont favorables à une simplification du tarif, « afin que les clients puissent le comprendre » écrit Christiane Schoepff de Nice. Jean-Jacques Reynes (Tarn) suggère une « meilleure rémunération des petits actes au détriment éventuellement des très gros », Me Barbe (Sarthe) « un tarif unique en matière de ventes immobilières et dans les successions » et Me Brom (Haut-Rhin) qu’on réforme notamment « les scandaleux honoraires d’ouvertures et de conventions matrimoniales  ». Yves Château (Allier) relève que « la facture unique dessert les notaires » (car « les clients sont incapables de faire les distinctions ») et suggère qu’on suive l’exemple d’autres professions. De même, Mireille Faivre (Meuse) attire notre attention sur l’article 4 qui nécessite l’accord du client. Pour elle, « une rémunération au temps passé sur les dossiers serait plus satisfaisante ». De son côté, Michel Robert (Haute-Garonne) prône « le forfait pour les demandes de pièces » et Hugues Misserey (Côte-d’or) « la suppression des UV par page » !

 

La carte REAL

Ouf ! « Après beaucoup de patinage au démarrage » (Me Chateau dans l’Allier), la carte REAL gagne du terrain, puisque 58% de notre panel juge sa mise en oeuvre satisfaisante. En 2002, 70% des notaires interrogés se disaient mécontents, voire ignoraient complètement son existence ! Les principales critiques concernent les délais d’obtention de la carte trop longs, de nombreuses difficultés de mise en route, le coût « trop élevé » et « non justifié ». Enfin, à Maringues, Me Meya suggère qu’on explique « plus clairement l’utilité de REAL pour demain », dans l’Aveyron, un notaire demande pourquoi il faut aller chercher la carte « en direct à la Chambre » alors que sa consoeur du Gard aimerait des stages de formation.

 

Les élus

Les élus ont la cote, en tout cas plus qu’en 2002 ! 59% des notaires se disent bien représentés par leurs élus, alors qu’ils n’étaient que 28% en 2002. Quelques grincements de dents se font toutefois entendre au niveau local (Chambres et Conseil régional), notamment du côté des Pyrénées- Orientales où les informations du CSN ne seraient diffusées qu’avec retard. Dans d’autres départements, comme la Loire-Atlantique, l’Aveyron, l’Indre-et-Loire, ou le Maine-et-Loire, on aimerait que les préoccupations des notaires ruraux soient davantage prises en compte et mieux connues des notaires des villes. Du côté de Marseille, on a le sentiment que les intérêts de la profession ne sont pas défendus dans les instances européennes. Enfin, l’idée d’élections démocratiques, avec un débat et plusieurs candidats, est une nouvelle fois lancée, tandis que dans le Puyde- Dôme, on regrette la durée trop courte des mandats « qui ne permettent pas toujours aux actions politiques d’être suivies d’effets »…

 

Politique professionnelle

Bonne nouvelle : le nombre de notaires ayant une idée claire de la politique professionnelle a presque doublé, passant de 26% à 45%. Ce qui n’empêche pas quelques-uns de dire qu’ils ne la partagent pas sur certains points. Moins bonne nouvelle : 55% de notaires sont encore « dans le brouillard » et souhaiteraient que les « notaires de base » soient davantage interrogés.

 

L’information interne

54% de notre panel a le sentiment d’être clairement informé (contre 50% en 2002). Une petite moitié de notaires (45%) trouve les décisions et orientations professionnelles cohérentes, même si certains estiment qu’elles ne sont pas toujours bien expliquées. « Tout semble venir d’en haut » constate un notaire du Tarn, « il y a encore des secrets non partagés » commente son confrère des Alpes-Maritimes. « Il y a trop de blabla et d’autocongratulation » lit-on dans l’Aveyron. Le résultat reste toutefois plus optimiste qu’en 2002 puisqu’on comptait alors 73% de « râleurs ».

 

L’ADSN

Doit-on être rassuré en constatant que 73% des notaires (contre 71% en 2002) connaissent le rôle de l’ADSN ? Ou au contraire devons-nous focaliser notre attention sur les 27% qui ignorent tout de cette structure ? Dans un cas comme dans l’autre, retenons la définition (sibylline) d’Yves Meya qui écrit : « c’est une pieuvre » et le bon point de Jean-François Royal qui en profite pour féliciter l’ADSN pour toutes ses brochures. Petit coup de griffe au passage : un notaire du Loiret qui dit bien connaître le rôle de l’ADSN, trouve par contre « très obscure l’épopée Mnémosyne »…

 

Les organismes volontaires

Le MJN maintient le cap puisque les 3/4 des notaires interrogés (74% contre 75% en 2002) le connaissent. Léger recul en revanche du Syndicat des notaires : 67% de notre panel en connaît les spécificités contre 72% en 2002. Pour Me Château (Allier) « ces laboratoires d’idées sont indispensables pour stimuler le CSN et démontrer à la Chancellerie que la profession avance ». Au rang des critiques, retenons celle de Philippe Rey qui perçoit dans ces deux organismes volontaires « un doux ronron ». « Le Syndicat doit mieux se démarquer du CSN”, écrit Alain Maillard (Ille-et-Vilaine). De son côté, Gérard Barbe (Sarthe) souhaiterait que MJN fasse davantage de réunions à un niveau local. Enfin, un notaire du Lotet- Garonne qui ne connaît ni le Syndicat, ni MJN, regrette de ne pas avoir été contacté en tant que jeune notaire par ces organismes.

 

les associations de consommateurs

Méfiance, méfiance…Quelques-uns aimeraient que les associations de consommateurs arrêtent de prendre systématiquement les notaires pour cibles. Certains, à l’instar de Me Schoepff, ne sont pas convaincus « de leur rôle bienfaisant et nécessaire dans notre profession », et ce malgré les travaux du congrès MJN à Séville. Pour d’autres, au contraire, les associations de consommateurs pourraient jouer un rôle « d’empêcheur de tourner en rond », « aider à faire le ménage des confrères incompétents », inciter à « plus de transparence  » ou, comme l’écrit Jean-Paul Brom (Haut-Rhin), « être un meilleur auxiliaire quant au respect du tarif ». Pour Amandine Hamelin (Indre-et-Loire), cela pourrait également être un bon moyen d’expliquer, par le biais d’une note vulgarisée diffusée aux adhérents d’associations, le fonctionnement, l’utilité et le rôle du notaire dans l’ordre social.

 

Les inspections

C’est un Non, fort et massif (83% contre 63% en 2002 !) qu’on entend lorsqu’on suggère de confier les inspections à des organismes extérieurs à la profession. Pour quelques-uns, un peu plus de compréhension (à l’égard de l’étude inspectée, en tenant compte de l’environnement) ne serait pas un luxe. Enfin, certains verraient d’un bon oeil qu’une personne extérieure assiste le notaire dans les inspections.

 

La discipline

Pour 59% (contre 51% en 2002), la discipline est bien administrée, « mais quand les Parquets nous suivent » lit-on en Côte-d’or. Me Renaud (Tarn-et-Garonne) et Me Benoist (Vienne) saluent le transfert de la discipline au niveau du Conseil régional tandis qu’en Bretagne, un notaire la juge trop sélective et dénonce le copinage. Même constat en Loire-Atlantique, « le relationnel, nous dit-on, permet à certains d’échapper à des sanctions méritées ».

 

Le traitement des plaintes de clients

Rien de nouveau sous le soleil… À la grande majorité (79% contre 72% en 2002), les notaires estiment que le traitement des plaintes de clients est correctement assuré, même si nous dit-on, « il est souvent mal compris par nos syndics surchargés par nos manquements ». « Où sont les sanctions disciplinaires pour les confrères générateurs du plus grand nombre de plaintes ? » interroge toutefois un notaire des Alpes-Maritimes. Son confrère de la Vienne enfonce le clou en relevant que « le problème vient des notaires qui ne répondent pas » tandis que dans l’Aveyron, on regrette que les syndics soient trop souvent des « boites à lettres ».

Suite dans notre prochain numéro (avril 2006)