3 questions à Stéphane Berre, rapporteur du Congrès MJN 2006

 

Très attendue par les praticiens qui la réclamaient depuis longtemps, la fiducie vient de voir le jour en France. Stéphane Berre, chercheur au Cridon de Lyon, revient sur ce qui fut le fil rouge de son intervention lors du dernier congrès MJN (novembre 2006, Loutraki, Grèce) et nous livre son sentiment sur la loi du 7 février 2007…

 

Notariat 2000 : La fiducie a fait son entrée dans le droit français avec la loi du 7 février 2007. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Stéphane Berre : C’est assurément une belle victoire pour tous ceux qui ont milité en sa faveur depuis 20 ans. Toutefois, cela me laisse un goût amer tant le texte de la loi, qui interdit aux particuliers d’y recourir, est éloigné de celui de la proposition de Philippe Marini de février 2005. Certes, les principales applications de la fiducie se trouvent dans la vie économique ; l’internationalisation a conduit les praticiens du droit français à se familiariser avec cette pratique et à en apprécier l’utilité. Mais, fallait-il pour autant négliger ses autres applications et notamment l‘intérêt qu’elle présente pour les personnes vulnérables ? Le Sénat l’avait voulu mais sa proposition de permettre au tuteur, autorisé par le juge, de constituer une fiducie au nom du majeur protégé n’a pas résisté à son examen devant la commission mixte paritaire. Je le regrette sincèrement.

 

Notariat 2000 : Les « outils » existants ne peuvent-ils suffire ?

Stéphane Berre : La fiducie, peut-être plus que le mandat de protection future, aurait permis de placer la personne protégée au centre des préoccupations du tuteur et de renforcer la solidarité familiale. En effet, lorsqu’un proche refuse d’être tuteur d’un parent âgé, c’est rarement parce qu’il s’en désintéresse. Dans la majorité des cas, il craint de ne pas savoir gérer le patrimoine ou de voir leur responsabilité engagée. La fiducie leur épargne cette charge : elle permet de transférer la propriété des biens de la personne protégée à un professionnel compétent et responsable en cas de faute. Le tuteur disposerait alors de plus de temps à consacrer à son parent. Le recours à la tutelle d’État devrait, quant à lui, être moins fréquent, ce qui permettrait de contenir l’augmentation du coût de la protection des personnes majeures. N’est-ce pas là les deux principaux objectifs affichés par le législateur ?

 

Notariat 2000 : Si vous aviez un souhait, quel serait-il ?

Stéphane Berre : Qu’on cesse de voir la fiducie comme un simple instrument de fraude, qu’on reconnaisse ses mérites comme instrument de gestion du patrimoine des personnes vulnérables et que nous participions, de manière constructive, à l’élaboration d’un cadre juridique équilibré !