L’affaire a fait grand bruit. Dans une tribune libre parue dans Sud-Ouest, Vincent Lecoq préconisait une réforme du statut des notaires. Principale attaque  : le contrôle de la profession qui, selon lui, « dégénère au mieux en autocontrôle, le plus souvent en une absence radicale de contrôle ». Certes, M. Lecoq pousse le bouchon un peu loin. Demeure toutefois cette question : peut-on améliorer, voire changer, le système des inspections tel qu’il existe aujourd’hui ? Enquête non exhaustive auprès d’un panel de notaires, abonnés et non abonnés à la revue.

 

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Les notaires, dans leur très grande majorité, sont satisfaits du système des inspections tel qu’il existe aujourd’hui. Et ce, qu’ils soient inspectés ou inspecteurs ! Pourtant, au royaume des inspections, la perfection n’existe pas. Ici et là, des « petits riens » sont déplorés. Un de nos lecteurs de l’Ain trouve le processus « trop lourd pour les uns comme pour les autres ». Dans les Bouches-du-Rhône comme en Haute-Garonne, c’est le formalisme de la procédure et la paperasse qui sont pointés du doigt. Une petite poignée de notaires déplore l’excès de zèle de certains inspecteurs qui « semblent chercher l’erreur même s’il n’y en a pas ».

 

Impartiales… mais différentes !

Pour 76 % de notre panel, les inspections sont impartiales. 66 % estiment toutefois qu’elles sont différentes d’un Conseil régional à un autre (cherchez l’erreur…). Comment améliorer la formule actuelle ? Pour les trois-quarts de notre panel, la solution consisterait à en confier la charge à un confrère éloigné, ce qui, nous précise-t-on, « est déjà le cas en région parisienne ». L’idée de recourir à un notaire d’un autre Conseil régional s’impose. « Cela éviterait les connivences et les petits services entre amis » lit-on dans l’Aube. Olivier Vandel (Jura) suggère d’avoir également recours à un inspecteur comptable d’un autre Conseil régional. Pour Marie-Pierre Morellec (Manche), l’idéal serait de faire appel à une commission technique indépendante. Enfin, 5 % solliciteraient un magistrat et 5 % un expert comptable indépendant. Mais, s’interroge un notaire breton, « n’est-ce pas risqué, compte-tenu de la spécificité de la profession ? ».

 

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A NOTER : 67 % des notaires interrogés estiment que les élus/responsables de la profession devraient être inspectés par un CR autre que le leur.

Quelques pistes d’amélioration…

Comme dans une auberge espagnole, chacun apporte sa solution pour améliorer les inspections. Hervé Begaudeau (Maine-et-Loire) propose de « favoriser l’assistance » et de « mettre en place un suivi en cas de dysfonctionnement ». De son côté, Olivier Bonnichon (Haute-Loire) préconise l’envoi obligatoire d’un courrier entre les notaires inspectés et inspecteurs et l’inspecteur comptable, avec un horaire fixe et prédéfini car, dit-il, « tout le monde ne pense pas à l’écrire ! ». Trop facile nous dit-on dans l’Aube ! Un notaire préconise, au contraire, des « inspections à l’aveugle, c’est-à-dire sans que le notaire inspecté soit informé de l’heure et du jour de l’inspection ». Pour Thierry Pfister (Bas-Rhin), recourir à l’informatique et aux mêmes procédures que les audits de comptes pour certification serait déjà un grand pas en avant. Sylvain Zeender (Bouches-du-Rhône) serait favorable à la mise en place d’un entretien préalable à la 2e phase de l’inspection entre le notaire inspecteur et l’inspecteur comptable. Son confrère de Dordogne réduirait volontiers le contrôle formel des actes, mais augmenterait bien le nombre des notaires dans l’analyse globale de l’étude. Un notaire du Pas-de-Calais embraye et propose la présence de deux notaires inspecteurs au lieu d’un seul. François Meesemaecker n’y va pas par quatre chemins. Pour ce notaire du Pas-de-Calais, il faut généraliser une formation à l’inspection pour tous et responsabiliser davantage le notaire inspecteur. Une idée largement partagée par des lecteurs du Doubs, des Hauts-de-Seine, de Saône-et-Loire, de l’Aube qui appellent de leurs vœux un système de formation identique pour tous les inspecteurs.

 

La fréquence des inspections

« Il ne faut rien changer ! » C’est l’avis de 81 % des notaires interrogés qui se disent pleinement satisfaits du rythme annuel. 9 % verraient d’un bon œil des inspections tous les 2 ans « en fonction des irrégularités ». Et les autres ? En Côte-d’Or, un de nos lecteurs souffle l’idée d’une inspection comptable tous les 6 mois… mais seulement tous les 3 ans pour les actes, « sauf en cas de plaintes ». L’inspection semestrielle séduit un lecteur du Loiret. Vent contraire dans le Pas-de-Calais où un de nos abonnés propose une fréquence de 3 inspections par an ! « Il faut augmenter les budgets, dit-il, pour permettre plus de contrôles ! ». Dans la foulée, il préconise que les rapports d’inspections soient communiqués à tous, y compris en dehors de la profession. Qui dit mieux ?

 

Les exceptions à la règle

Les notaires recevant plus de 10 plaintes par an devraient-ils faire l’objet d’une inspection spécifique ? Oui, nous répond massivement notre panel. Pour 82 %, il serait de bon ton que les « notaires récidivistes » soient inspectés sur les dossiers posant problème. « Et surtout qu’ils soient sanctionnés ! » s’exclame un notaire du Maine-et-Loire. « Les syndics et présidents de Chambre se doivent d’être vigilants et exigeants en cas de dysfonctionnements » constate son confrère des Hauts-de-Seine. L’idée du « permis à points » refait surface car « cela inciterait à la prudence ». Dans l’Eure-et-Loir, on aimerait que la qualité du service client soit davantage prise en compte lors des inspections. De son côté, Thierry Chanceau (Rhône) en appelle à la vigilance, car « toutes les plaintes ne sont pas justifiées ». Son confrère de l’Ain est sur la même longueur d’ondes, car il ne faut pas mettre dans le même sac « simples réclamations dans un dossier difficile et plaintes » !

 

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A NOTER : 50 % aimeraient que les études ayant un gros chiffre d’affaires fassent l’objet d’inspections plus approfondies et 13 % d’inspections plus rapprochées. Une aberration pour ce notaire du Jura qui estime que « les gros chiffres d’affaires n’ont pas plus de sinistres que les études individuelles, voire moins  ! ». Un lecteur de Dordogne reprend la balle au vol et suggère que ce soit « les notaires faisant plus d’un certain nombre d’actes (1 000 par an par exemple) » qui fassent l’objet d’inspections plus rapprochées et plus fouillées…

 

Le comité technique

77 % des notaires interrogés estiment que le Comité technique devrait être saisi, à titre préventif, pour avis sur les dysfonctionnements ou irrégularités révélés en cours d’inspection. L’occasion pour certains de nos « sondés » de revenir sur le rôle même des inspections. Ainsi, Marie-Pierre Morellec regrette que l’inspection soit seulement ressentie comme « un contrôle autoritaire » alors qu’elle devrait être vécue « comme un moyen d’amélioration du fonctionnement de l’étude ». « L’inspection sert aussi à aider le notaire » justifie, à son tour, Jean-Dominique Giraudeau (Charente).