Voici près d’un demi-siècle que les notaires peuvent s’associer entre eux. Depuis presque autant de lustres, ils s’interrogent sur l’opportunité de s’associer avec leurs voisins avocats, experts-comptables, huissiers, géomètres, etc., dans de vastes maisons du droit et du chiffre capables de rendre un service total au client sans qu’il doive courir à hue et à dia. Certes l’idée ne manque pas d’attrait, elle a séduit le Mouvement Jeune Notariat qui y a consacré un ou deux congrès, sans le moindre résultat concret. Dans une récente interview, Hugues BAUDERE, post-président du Mouvement, relance une fois de plus ce vieux débat toujours actuel.

 

Côté cour, nos grands chefs ont toujours freiné des quatre fers. Avec des motifs, certes honorables, mais manquant singulièrement d’ambition. Nous y perdrions notre âme, diluée dans une éthique molle. Notre fleuron de garantie s’y dissoudrait. Que pèseraient quelque 10 000 notaires en y incluant les assistants, face à 50 000 avocats et autant d’autres professionnels du voisinage juridique ou chiffré ? Sans compter le sacro-saint statut ! Côté jardin, on voit bien le grand bénéfice pour le client qui pourrait s’en remettre à une  » polyclinique  » polyvalente, capable de traiter du patrimoine sous toutes ses coutures et facettes, avec ses difficultés, pathologies, divorces et procédures… Sans doute faudrait-il, dans l’âme des professionnels qui accepteraient de courir cette grande aventure, assez d’imagination pour organiser le  » qui fait quoi et comment « , à défaut le grand projet sombrerait dans un flop de grand bazar où le remède deviendrait pire que le mal. De même, l’argument sérieux de notre garantie collective pourrait, après études et recherches, trouver sa solution, difficile mais possible. Le jeu vaudrait la chandelle si elle était animée d’un souffle d’ouverture au vent du grand large, nécessitant ce fameux  » supplément d’âme  » cher à René Descartes. Mais quoi, les grandes ambitions ont toujours côtoyé l’utopie où beaucoup sont englouties. Les quelques-unes qui aboutissent ne vaudraient-elles pas l’étude avant l’essai ?

 

Développement interne

Le premier barrage supposé franchi, reste un inconvénient, certes ponctuel, mais qui aujourd’hui nous paraît hélas infranchissable : celui du nombre respectif et relatif qui nous allouerait, en l’état actuel des forces numériques en présence, 10% des voix au chapitre ! Inacceptable fétu de paille, ballotté sur l’océan des vents incertains, que pèserions-nous ? Nos amis avocats dont le nombre croît avec les besoins, chaque année, dans une inexorable progression, ne demanderaient pas mieux que d’avoir dans un de leurs grands cabinets, un notaire réduit au rôle de  » généraliste authentificateur  » et spécialiste familial et/ou immobilier. De même pour les experts-comptables, en mal d’une reconnaissance juridique à laquelle ils aspirent avec force ! D’ailleurs, les nombreux amis que nous comptons dans la grande famille juridique où avocats et notaires devraient pouvoir collaborer plus étroitement, excluent définitivement la participation des hommes du chiffre qui représentent pour eux le grand Satan aux dents longues et aux espoirs hégémoniques. Il n’empêche qu’à supposer que notre rapprochement avec les avocats s’accentue, l’obstacle de notre nombre reste insurmontable. Obstacle ponctuel, dirions-nous, car il peut être levé par notre croissance numérique interne et celle-ci ne dépend que de nous. Encore faut-il le vouloir ! Toute la question est là, comme bien d’autres. Développement interne, interprofessionnalité, de quelque côté qu’on aborde notre avenir, il passe incontestablement par celui de notre nombre, problème évoqué dans notre dernier numéro (Cf art. de G. Sepz p. 26) Avec nos voeux notariaux de ce début d’année, puissions-nous trouver en haut de notre pyramide, d’où tout part, le courage et la volonté d’avancer enfin sur cet indispensable chantier.