« Le marché des cessions  est gelé »

Spécialiste de la négociation des cessions d’offices notariaux et de parts, le cabinet Bontemps est présent sur le marché depuis 5 ans. Jacques Bontemps, son président fondateur, a créé le site « etudedenotaireavendre.com ». Etat des lieux.

Notariat 2000 : quelle est votre approche du marché actuel ?
Jacques Bontemps : la « matière première » s’est beaucoup amenuisée et je n’ai pas rentré d’affaire nouvelle au cours des derniers mois. En dehors des opportunités familiales et de celles où le candidat est déjà au sein de l’étude, il n’y a plus rien à vendre actuellement. La conjoncture et les incertitudes sur le devenir de la profession ne découragent pourtant pas les candidats acheteurs. Ils sont toujours plus nombreux. J’ai actuellement dans mon fichier près de 140 candidats acheteurs qui m’ont conféré un mandat de recherche ! Le marché est complètement déséquilibré. Certains de mes clients, pourtant bien motivés et qui ont un apport de 400 000 €, voire 1 million d’€, attendent depuis 4 ans ! D’autres désespèrent de s’installer notaires et songent à se reconvertir. Je leur ai proposé d’ouvrir des contacts dans l’immobilier, plus précisément dans la gestion immobilière (dont je suis issu) et le syndic de copropriété. 25 % de mes clients acheteurs m’ont répondu : « Pourquoi pas ? ». A mon avis, si le marché est gelé, c’est parce que les vendeurs attendent des jours meilleurs pour franchir le pas…

Notariat 2000 : quelle est la tendance en ce qui concerne les prix de cession ?
Jacques Bontemps : elle est donnée par les Chambres et Conseils régionaux qui exercent un contrôle minutieux sur les conditions des cessions et principalement le prix. A ma connaissance, pas mal d’études sont en position délicate. En particulier, celles qui étaient trop axées sur les ventes immobilières. Elles ont licencié. Je relève des pertes de valeurs considérables sur des offices. J’ai l’exemple d’une étude dont le titulaire enregistrerait une perte de plus de 30 % s’il vendait aujourd’hui. Bien sûr, les régions qui tiennent économiquement la route ne sont pas concernées par cette grosse déprime. C’est le cas de Paris et de la région parisienne. Pour revenir à l’intervention des instances professionnelles, la prudence est de mise. Malgré l’afflux des candidats, ces dernières tirent les prix vers le bas. J’ai des exemples à plus de 15 % de « rabais » demandés par les instances sur les prix annoncés par les cédants. L’audit préalable de l’office est désormais exigé partout, sachant que le ou les auditeurs doivent être des personnes qualifiées et indépendantes. L’audit ne doit pas consister en un simple « rapprochement » des chiffres fournis par le cédant. Enfin, je constate que les Chambres ont un pouvoir discrétionnaire, non seulement sur le prix, mais aussi sur certains aspects du profil du candidat pouvant susciter un refus : l’âge qualifié « d’avancé » pour un cinquantenaire, le doute quant à l’adaptation du candidat au milieu rural et même le dynamisme de l’éventuel acquéreur pouvant induire un risque d’affairisme !

Notariat 2000 : pour le financement de l’acquisition, l’emprunt est la règle. Mais quid de l’apport personnel ?
Jacques Bontemps : la surface financière est toujours le préalable. En pratique, je présente au cédant une dizaine de dossiers qui opère un premier choix suivant les possibilités financières du candidat acquéreur. Je lui fournis alors les CV et lettres de motivation pour qu’il sélectionne 2 ou 3 dossiers et engage des négociations. Il arrive que certains vendeurs exigent un tiers, voire la moitié d’apport personnel avant d’aborder les pourparlers. A ce dernier niveau, l’obtention du prêt ne pose plus de problème. En résumé, je puis trouver un successeur à tout cédant sans aucune difficulté et ce, dans le délai le plus bref possible.

Notariat 2000 : le processus administratif des cessions génère contraintes et délais. Constatez-vous une évolution dans le bon sens pour parvenir à l’aboutissement des dossiers de cession ?
Jacques Bontemps : je ne vois pas d’amélioration. Le cheminement des dossiers est très long ! On aboutit désormais au bout d’un à deux ans. Le dossier à constituer est monstrueux. Il manque toujours quelque chose. Souvent, la pièce manquante est réclamée la veille pour le lendemain. C’est vraiment un parcours du combattant ! Sans compter que les pratiques diffèrent d’une Chambre à l’autre, d’un Conseil régional à l’autre. Rien à voir avec un dossier d’installation d’avocat dont j’assure aussi la négociation. Ils sont beaucoup plus rapides. Par exemple, j’ai présenté en mars un candidat acheteur avocat. La cession a été signée début mai et la prestation de serment, à la diligence du Bâtonnier, est attendue en juin…